Coller une étiquette à Lookman Adekunle Salami aka L.A. Salami serait bien trop réducteur. Jonglant entre folk, blues et rock, difficile d’y repérer un style de prédilection. Circulant encore sous les radars, cet OVNI londonien ne sait lui-même pas quel genre s’attribuer mais a pour influence des grands noms du folk comme Bob Dylan ou Neil Young. Du moins, c’est ce que laissait entendre son premier album Dancing With Bad Grammar. Pour The City of Bootmakers, il prend une toute autre direction et adopte un style beaucoup plus éclectique.
Dans ce second LP, on ne retrouve que peu l’atmosphère acoustique folk du précédent album. Ici, L.A. Salami crée une ambiance détente avec des basses, guitares sèches ou électriques sur des mélodies qu’on s’imaginerait bien écouter en prenant la route pour les vacances d’été, vitres baissées et cheveux aux vents, direction le soleil et la plage. Si la légèreté des arrangements peut nous berner, Salami nous rappelle très vite à l’ordre avec des textes engagés et pleins de verve contre les actualités du moment. Du conflit syrien au Brexit, sans oublier l’immigration et la précarité, toutes les politiques en prennent pour leur grade. L’album dépeint ainsi un portrait social très cynique, reposant sur une dualité entre légèreté musicale et paroles punchlines.
C’est Generation (L)ost qui ouvre le bal de cette critique sociale en évoquant une génération qui se sent perdue à un moment où elle est censée se découvrir : “I’m ageless but I’m out of time. I’m thoughtless but I’ve got a lot on my mind. Generation L, lost and low”. Une génération qui, pourtant noyée au milieu de toutes ces contradictions et crises, parvient à garder espoir en l’avenir : “They say that it’s hopeless but I’m still here“.
L.A. Salami s’attaque ensuite à plus grand que lui et vient taper dans la fourmilière en créant la controverse. D’abord avec « England is Unwell » chantonnée telle une comptine pour enfant, le tout sur des paroles narrant les dysfonctions et difficultés du système anglais, où il n’hésite pas à descendre son propre pays. Puis ensuite avec « Terrorism (The ISIS crisis) », où il tente de trouver une explication à la montée du terrorisme en nous martelant son refrain dans la tête.
Avec son ton et ses sujets un peu lourds, la rythmique enjouée et dynamique de l’album apparaît comme salvatrice et nous aide à prendre un peu de recul. Lâchant ses guitares acoustiques et son harmonica, L.A. Salami nous montre un côté plus moderne de son talent, en lien avec son époque, et s’éloigne ainsi de ses influences 60s-70s, notamment dans « Jean is Gone ». Ce dernier titre bonus a d’ailleurs été mis en scène par un clip tourné à Paris.
Le jeune Londonien retrouvera d’ailleurs le chemin des rues parisiennes le 2 mai au Point Éphémère. Lors de sa tournée européenne, il passera également par Lille à l’Aéronef le 5 mai. C’est donc l’occasion de découvrir si le chanteur est aussi excentrique sur scène qu’il ne l’est dans ses clips et dans ses interviews.
Jeune paire d’oreilles toujours parée d’écouteurs, un peu trop accro au folk et indie rock. Accepte quelques écarts commerciaux pour sauver ses amitiés.