On a joué au chat et à la souris avec La Dame, lors du Listen Festival, pour en savoir un peu plus sur ses influences musicales entre deux verres de whiskey, trois messages Whatsapp et un set cinq étoiles le vendredi à Buda.
Difficile de ne pas s’arrêter sur cette figure de la dernière édition du Listen Festival, à Bruxelles, quand on croise son chemin. Grandes lunettes, groove naturel, habits hauts en couleur et références musicales pointues, vous vous tenez sûrement devant Erica, ou La Dame, ou DJ Carie… Ou les trois à la fois. Artiste multifacettes aux nombreuses vies, elle a accordé à La Vague Parallèle quelques-uns de ses secrets les mieux gardés, notamment par rapport à ce qui influence sa vie musicale, les sets qu’elle prépare et ses petits plaisirs cachés.
LVP : Salut La Dame, qui se cache derrière cet élégant nom de scène ?
La Dame : Je m’appelle Erica, je suis DJ / compositrice / polyglotte / linguiste / prof de langues passionnée par les musiques percussives et les tambours. J’adore la linguistique, les livres académiques en sociologie, musicologie, ethnologie, anthropologie, les romans de Damasio et d’Alessandro Barrico. Je termine ce printemps un doctorat en Analyse du discours qui étudie les représentations de l’environnement dans les discours / publications d’influenceurs sur Instagram. Musicalement je suis très leftfield, je donne tout pour faire des propositions surprenantes et très éclectiques, basées sur les contretemps et les “coupés-décalés”.
LVP : Et pour te connaître un peu plus personnellement ?
La Dame : Le noir est ma couleur préférée, mais j’aime bien les trucs phosphorescents aussi. Je pars jamais en vacances mais j’ai habité dans énormément de villes dans le monde et je dirais que mon coeur s’est bien “nostalgisé” sur Florianopolis (Brésil), Zambujeira do Mar (Portugal), mais j’adore de fou Bruxelles, je me sens vraiment bien ici.
LVP : Depuis combien de temps te produis-tu sous le nom La Dame ?
La Dame : Mon nom d’artiste c’est La Dame mais avant ça je me suis produite pendant 15 ans sous l’alias Dj Carie, parce que je me peignais les dents en noir pour jouer (et également rejeter tout commentaire sexiste). J’ai changé pour La Dame en 2019 quand j’ai commencé à publier des titres. Je trouvais ça plus élégant de changer de blase comme compositrice.
LVP : Quel est ton premier souvenir marquant musicalement parlant ?
La Dame : J’en ai plein. Mais je dirais l’achat de mes deux premières cassettes en 1993 : Metallica – And Justice for All et Rage Against The Machine – RATM. Ecouter à la télévision dans les années 80’ Essa moça de Chico Buarque. Tout ce que Barry White et Love Unlimited Orchestra ont sorti et que ma mère écoutait quand j’étais môme, Asian Dub Fundation au lycée fin des années 90’, une vraie révélation sur le délire global qui m’anime tant aujourd’hui. Mes premières free party au sud de la France à la même époque, avec Metek, Troubles Fêtes, Mem Pamal… Tous les albums et les productions de Dj Mehdi, découvert en 2002. Le documentaire Scratch vu pour la première fois en 2003, ma première roda de samba au Brésil en 2014… et apprendre par cœur le samba de São Paulo Trem das onze dans la foulée… Y’en a des souvenirs.
LVP : Wow, plein de belles références, tu nous a joué un peu de tout ça au Listen Festival ?
La Dame : C’était un mix très percussif et un peu sombre (pour une fois), avec des touches de musique arabe, qui part de 130 bpm jusqu’à 170 bpm. Avec des breaks, des tablas, de la drum’n’bass, du dubstep…
LVP : On s’est dit que la meilleure façon de te connaître, au final, c’était par la musique. Du coup, si l’on devait entendre une musique quand on te rencontre, ça serait laquelle et pourquoi ?
La Dame : Haha, ce serait sûrement Celebration Suite de Airto Moreira parce que c’est un éternel classique de la batucada brésilienne, et qu’en même il est à l’origine d’un sample hyper connu, inattendu sur la fin. Bref un son énergique, rieur, surprenant et émanant d’un très grand jazzman.
LVP : Quand tu t’égares un peu dans la vie, tu penses à quel morceau / album pour te recentrer ?
La Dame : Pas à un album en particulier, mais plutôt des choses calmes… Les nocturnes de Chopin ça compte ?
LVP : Quel morceau t’a fait te dire “Putain j’ai envie de faire des DJ sets pour que les gens dansent sur ma musique ?
La Dame : La techno de la fin des années 90, le film La Haine et Cut killer qui envoie du KRS ONE. Mon premier set c’était dans une petite free party dans le sud de la France en 2001, et j’ai joué du hardcore mélangé avec des trucs de Beatnuts, Massive Attack, etc.
LVP : L’artiste qui t’évoque le plus de gourmandise, musicalement parlant ? Un morceau en particulier ?
La Dame : Dj Mehdi for ever !!! On peut parler de Leave It Alone ou Anything Is Possible.
LVP : Si jamais t’as du mal à dormir, tu te passes quoi en boucle pour te détendre et partir dans le monde des songes ?
La Dame : Antonio Carlos Jobim et João Gilberto n’importe quel album.
LVP : Le morceau que t’as le plus joué ?
La Dame : Y’en a vraiment (vraiment vraiment vraiment) pleiiiiiiin. Stellar Funk (Lazzaro Shoes Remix), c’est super DJ Tool, un long morceau de percussion qui me permet d’aller partout, très vite, et d’être joué avec un peu de tout avant. Mais j’ajouterais Wegue Wegue de Buraka Som Sistema et plus tard le même morceau de Pongo. Parce qu’il est incisif, accessible et en même temps très festif et underground quand même.
LVP : Le morceau que t’as jamais joué mais qui ne saurait tarder ?
La Dame : 18 & Over de Nia Archives. Je l’ai depuis un petit moment et je le kiffe vraiment, mais je l’oublie toujours. Il est mal classé dans ma clé USB et… J’en profite de cette réponse pour justement mieux le ranger, t’as bien fait de me le rappeler.
LVP : Si jamais tu devais finir ta carrière sur une note musicale, en apothéose, ce serait quoi comme morceau ?
La Dame : Le même que celui avec lequel j’arrive Celebration Suite et pour les mêmes raisons, plus la joie qui irait avec.
LVP : Si on devait résumer la crise du COVID par une seule track, ça serait laquelle ?
La Dame : Perso, je l’ai bien vécue cette crise. J’ai produit 3 EP et beaucoup bossé la création musicale. Donc je dirais mon EP Ternura et les remix qui en découlent.
LVP : Et aujourd’hui qu’on est plus ou moins revenu·es à la normale, tu dirais que 2023 danse sur quel morceau ?
La Dame : J’aimerais bien produire des morceaux à 140 bpm et aller plus loin dans le dubstep et aussi dans des riddim de dancehall à 160 bpm. Pour le morceau, je dirais… Floot de DJ Plead Rework, ou comme je suis dans un revival personnel, le Baltimore club (que je jouais beaucoup en 2008-2010) ou encore Dance My pain Away de Rod Lee.
LVP : T’as eu le temps de te balader un peu pendant le festival aussi ? Un·e artiste que t’attendais en particulier ?
La Dame : Je voulais trop voir Simo Cell et Lucy mais ils jouaient en même temps que moi au C12. La soirée Maloca x Alia est celle qui me parle le plus de toute la programmation… Et je dis pas ça parce que je suis dedans. Caianda et Charisse C, la soirée de Blck Mamba me paraissait au top aussi.
Bercé par une diversité musicale éclectique, Matéo est aujourd’hui spécialisé en électro, vous risquez de le croiser sur le dancefloor à débattre sur des questions politiques ou de société tout en dansant plein de sueur sur un BPM dépassant les 160.