Le dernier album de youbet résonne de toute la tension fragile que créent les arrangements complexes du groupe et les paroles de Nick Llobet, chanteur·euse à la voix perchée et guitariste talentueux·se. Ce nouvel album de 12 morceaux lo-fi déploie toute la palette de l’écriture de Llobet, avec des morceaux aux paroles introspectives, s’appuyant sur des mélodies qui empruntent à la pop psychédélique, à l’indie-rock et parfois au flamenco (sur le morceau Peel).
Le second album du groupe de Brooklyn, Way to be, vient de sortir sur le label Hardly Art de la galaxie Sub Pop. Il fait suite à Compare & Despair en 2020. Ce premier album nous avait permis de découvrir un groupe en formation, avec des pépites à l’état brut comme la chanson My Side.
Way to be vient confirmer les espoirs placés dans cette formation musicale. Selon les informations du kit de presse, proposé par le label, Llobet aurait trouvé sur son chemin de Damas une Patti Smith, dressée dans les souterrains de la gare de Penn Station à New York, qui lui aurait dit de ne pas abandonner la composition et de continuer son travail.
Devant cet échange brandi comme un rattachement à une idole ou à une tradition, Llobet se serait alors forcé·e à dépasser l’anxiété sociale et le syndrome de l’imposteur qui l’empêchaient de trouver sa voix et son écriture. Tant mieux.
Avec Way to Be, le groupe propose un son plein de recoins où se réfugier, des éruptions de guitares électriques, des lignes de basses fabuleuses et un rythme qui maintient toujours les morceaux en tension. Sur les vidéos de youbet en live, on voit clairement la batteuse Jojo Quinn ferme fort les yeux en souriant devant tant de groove qui s’écoule des instruments du groupe.
Du groove, il y en a dans chaque morceau de cet album. Mais la chanson qui nous fait le plus de bien et qui nous emporte dans cet état de transe si agréable que procure la bonne musique est Alive to you. La voix caractéristique de Llobet, avec son rythme entêtant, encapsule tout l’esprit musical de ce groupe dont le terreau new-yorkais se ressent dans les influences éclectiques qui font pousser chacune de ses notes. Ces groupes qui s’enchaînent dans le fameux bar Baby’s Allright et se croisent dans les rues de Brooklyn forment une scène vaste. Très diverse, elle se solidarise sûrement dans la difficulté qui existe à vivre dans ces villes mondes aux loyers exorbitants pour des petits groupes qui essayent de produire une musique indépendante. En même temps, pour ce prix, on peut vivre sur quelques kilomètres carrés et croiser des groupes aussi talentueux que youbet, Tomberlin, Nation of Language, Widowspeak, ou Mary Shelley (liste loin d’être exhaustive). Sans parler des mélanges qui existent avec les musiques alternatives et Jazz que pratiquent Zoh Amba, Wendy Eisenberg, Immanuel Wilkins et toute la scène club. Vous l’aurez compris, un groupe comme youbet évolue dans un écosystème tellement singulier.
Toutes les expérimentations musicales, les questionnements de cette génération pour dépasser les identités sclérosantes, le ralliement à des mouvements protestataires, la pensée critique qui fertilise toute cette éruption artistique, permet à trois jeunes musicien·nes de former un groupe brut. À la limite du grunge sur certains éraillements, le rock psychédélique et les ballades pop qui se succèdent sur cet album en font un des plus excitants de l’année. L’agilité et la grâce de la basse de Micah Prussack alliées à la maitrise de la guitare de Nick offrent à des morceaux comme Do des airs d’hymnes rock complètement déconstruits par les retombées harmoniques de la guitare et de la voix. Ces changements de registre qui font la signature du groupe créent un décalage, un sol instable sur lequel avance chaque piste et qui entretient un désir jamais assouvi. On relance alors l’album pour se replonger dans tous ces contrepieds.
On vous conseille vivement de découvrir ce groupe et on ne peut qu’encourager les tourneurs à faire venir ce trio sur les scènes françaises dès cet été !
Je soutiens la thèse que Lana Del Rey est la nouvelle Bob Dylan.
