La MidLife crisis selon H-Burns
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Auteur·ice : Victor Houillon
31/03/2019

La MidLife crisis selon H-Burns

H-Burns est un homme discret. Après avoir mis en musique le concept de nostalgie anticipative sur l’excellent Kid We Own The Summer, nous sommes plusieurs au sein de la rédaction à avoir guetté des signes de vie de la part de l’artiste du label de So Press, Vietnam Records (O – Olivier Marguerit, Concrete Knives). Il faut dire que l’album porté par Naked, cette ode aux pages qui doivent se tourner, avait su trouver le juste milieu entre textures vaporeuses et paroles frontales. Que de curiosité, donc, à l’annonce de la sortie de MidLife, un album qu’on nous annonce plus brut, plus DIY, plus cru. Verdict.

Commençons par la première impression, visuelle. A l’annonce du premier single, on retrouve à nouveau une photo ensoleillée, évoquant un air de vacances. Mas cette fois-ci, la femme contemplant la nature de dos du précédent album laisse place à une protagoniste qui nous fixe droit dans les yeux, casque vissé sur la tête et batte de base-ball à la main. Le ton est donné. Pour accompagner cette image, c’est le titre Crazy Ones qui est choisi. Et force est de constater que le virage pris par H-Burns permet de distinguer ce nouveau projet des deux albums précédents. Les instruments sont centraux, le rythme soutenu, et la voix se pare d’une légère distorsion. Sans négliger le style vocal entre espoir et lassitude caractéristique de l’artiste, la signature sonore semble évoluer vers un univers rappelant les songwriters lo-fi américains comme Eels.

 

 

De l’aventure…

Au-delà de ce tube marquant le retour d’H-Burns, MidLife est un album complexe, oscillant entre les thèmes de l’aventure, des échecs, regardant à la fois dans le rétroviseur et vers l’avenir. Pour ce qui est de l’aventure, on y trouve plusieurs chansons nous incitant à mettre le contact et partir en road-trip sans trop savoir vers où. Au-delà du (trop?) immédiat Crazy Ones, la lente progression de Black Dog en est un bel exemple, avec cette guitare acoustique d’influence folk US à laquelle se rajoute progressivement différentes arpèges électriques ainsi qu’une basse rythmique épurée mais efficace, dans une fuite en avant fluide. On citera aussi les arrangements plus fournis de Tigress, qui ouvre l’album sur une batterie charnelle et des soupçons de guitares saturées.

Cette aventure qu’est la vie est ainsi dépeinte en filigrane tout au long de l’album. Une aventure où s’entremêlent départs et retours. A la fois l’Iliade et l’Odyssée, c’est le récit d’un homme qui tourbillonne entre ses certitudes et ses espoirs. Sur Tourists, il revient dans sa ville natale en se demandant “Are you living in the past ?” ou encore “What if I fall back ? I don’t want to fall back” sur un air à la fois apaisé et triste. Certes, on n’approche pas personnellement de la quarantaine, mais ces questionnements sont le propre de tout individu étant parti à l’abordage loin de ses racines. En écho, le morceau qui suit est intitulé Leaving, une ballade qui associe boite à rythmes et guitares acoustiques à écouter au bord d’une plage. “I’ve been trying to leave you, but I don’t know where to start“.

… à l’introspection

Cet album offre également une touche plus mélancolique, faisant la part belle à l’introspection. Et ce n’est pas pour nous déplaire. Saturday aborde ce sentiment de rejet que l’on peut éprouver à propos d’où l’on vient lorsqu’on s’est construit en pensant que la réussite serait ailleurs: “It feels like yesterday, and I’m not even joking. God I’d hate to die alone here, on a Saturday“. Une thématique très Ouellebecquienne, qui disait de son personnage que “l’idée de mourir à Rouen lui paraissait insupportable” dans Extension du domaine de la lutte. La ballade au piano Pretty Mess s’inscrit dans ce même registre, alors que le chanteur passe par plusieurs émotions contradictoires, entre mise en cause de son enfance pour ce qu’il est devenu et surprise de ressentir une certaine satisfaction au moment de se retrouver dans cette ville tant haït. Sur le titre MidLife, H-Burns scande dans un question – réponse étrangement positif le mantra “It’s just the passing of the time” à mi-chemin entre joie et angoisse, tandis que sur Friends clôture le disque sur un limpide “All the girls I knew in town are either worried, married or alcoholic / All the friends I had in town are either dead, or crazy, or departed“. Un constat toutefois contrebalancé par la phrase suivante : “And then there’s you, looking bright and clear, and unprecedented“. Toujours ce doux équilibre entre défaitisme et optimisme qui suit H-Burns depuis le début de sa carrière.

Finalement, MidLife est un album qui incite à l’évasion tout en rendant hommage à ceux qui n’ont pas cette chance. Une célébration des personnages ordinaires sur des ballades acoustiques à la Neil Young comme sur le duo Sister  où Renaud épouse la douce voix de Kate Stables. C’est encore plus frappant sur Actress, l’histoire d’une jeune serveuse se rêvant actrice, dont la narration et le style rappellent fortement Unknown Legend (peut-être le plus beau titre du vétéran canadien). En fermant les yeux, il est aisé de visualiser le diner, l’employée en tablier, la Cadillac garée devant, et le soleil se couchant sur la route 66. Une Cadillac et une route 66 que l’on emprunte sur le solo confus et lancinant de Dreamchaser, véritable pépite de l’album. On se laisse porter à la poursuite de nos rêves par ce fuzz, tourbillon mélancolique trouvant son écho dans les contradictions des mots: “I see through you but I know so little of myself / I fear tomorrow but I care so little for today”. Avant de conclure dans un dernière envolée de guitare traduisant en émotion la conclusion “the dreams that I was chasing, they went out for a ride“.

Renaud Brustlein, celui qui se cache derrière H-Burns, réalise donc un album à écouter deux fois. Une première fois pour être dérouté par le virage effectué par l’artiste, qui renie les textures vaporeuses de ses précédents disques au profit d’une esthétique lo-fi plus frontale. Une deuxième fois pour se concentrer sur des paroles toujours aussi justes dans la contradiction, toujours aussi belles dans la célébration des bas qui définissent autant une vie que les hauts. Parce qu’il n’y a pas d’âge pour se remettre en question, chacun y trouvera son compte dans la musique de H-Burns.

 

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