La Nuit des Perséides, l’ode à l’oisiveté par Biche
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Auteur·ice : Charles Gallet
03/05/2019

La Nuit des Perséides, l’ode à l’oisiveté par Biche

Le mois de Mai frappe à notre porte et il est temps pour nous de réaliser un point que vous aurez sans doute tous remarqué, on aime beaucoup trop les noms de groupes mignons. De Voyou à Oré en passant par Petit Prince ou Miel de Montagne, on a un amour certains pour les noms de groupe qui auraient pu être ceux des doudous de notre enfance. Bon la plupart du temps, il faut dire que ces groupes font aussi une musique sacrément cool ce qui explique notre enthousiasme. Aujourd’hui Biche vient se rajouter avec bonheur à cette longue liste, eux qui nous présentent leur premier album, La Nuit des Perséides.

En 2019, prendre son temps tiendrait presque de l’acte politique. A l’ère de la startup nation, où l’on voudrait nous faire croire qu’on ne peut trouver notre bonheur et un sens à notre existence dans le travail et le concret qu’il apporte à nos vies, l’oisiveté est presque devenue un mot grossier, même dans le monde de la musique. Prendre le temps de faire les choses biens n’a plus de sens, il faut produire et exister coûte que coûte avec ce que cela apporte de produit mal fini et parfois franchement honteux. Heureusement dans ce marasme de la vitesse, il existe des résistants, des artisans qui voient dans leur musique un travail d’orfèvre plutôt qu’un vulgaire produit de consommation. Il aura ainsi fallu 6 ans à Alexis Fugain et sa Biche pour nous offrir son premier effort La Nuit des Perséides. Grand bien lui en a pris.

Passer du temps à rien faire mais bien le faire. Rarement une phrase aura à ce point résumé un projet ou un album. Celle-ci issue du titre l’Essor résume à elle seule le message qui apparait en filigrane dans La Nuit des Perséides. Ce message c’est celui de l’oisiveté créatrice, de la nonchalance érigée en guide de vie. Trouver dans les périodes de creux et de vide la nourriture nécessaire à la création artistique, c’est un peu ça Biche. Jouir des instants de vie, le bonheur du quotidien pour ensuite créer une musique à l’image de cette paresse bienveillante.

Le déclin ouvre la porte de cette épopée merveilleuse où le temps qui passe n’est plus une contrainte mais un élément qui se malaxe à l’envie et où le tic-tac des secondes qui défilent se transforment en métronome des rêveries éveillées. Prendre le train de La Nuit des Perséides c’est embarquer dans un voyage entre le réel et le fantasmé, là où tout fait corps mais dans le même temps chaque chapitre peut se prendre de manière indépendante.

Bien loin d’un Tame Impala auquel on voudrait artificiellement le rattacher, le code génétique de Biche prend son essence dans une veine française aux influences anglo-saxonnes. Entre François de Roubaix et les Beatles, Biche trouve ses cousinages les plus évidents auprès de ses contemporains, que ce soit Forever Pavot, Dorian Pimprenel ou même ce qu’à pu faire le Klub des Loosers sur Le Chat et autres histoires. En résulte une recherche permanente de la mélodie, celle qui bouge, qui se déplace et qui change. Ainsi bien loin de s’enfermer dans un exercice de style, la musique de Biche se déplace au rythme de ses intentions et de ses envies. Si la paresse et l’oisiveté sont les thèmes récurrents de leur pièces musicales, on sent chez Biche l’envie réelle d’offrir des vrais morceaux, de ceux qui deviendront au fil du temps de vrais classiques, tout en cherchant toujours à échapper à toute temporalité (comme à pu le faire récemment Drugdealer avec son Raw Honey). Ainsi entre le groove insolant de Kepler Kepler, la mélancolie douce de L’essor, les expérimentations de Astrud et Le laboratoire où les titres instrumentaux que sont Film noir et Mon morceau préféré, tout se répond et tout diffère et les écoutes répétées permettent de trouver des trésors de subtilité, chaque écoute révélant à son tour une image différente en fonction de l’instant. Ainsi écouter As-tu peur du Matin au réveil n’aura pas le même impact émotionnel que de l’écouter au coucher, seul ou avec des amis. Les chansons évoluent ainsi comme les saisons et les émotions dans une œuvre aussi maitrisée qu’elle est accessible.

La Nuit des Perséides nous offre ainsi la même envie que le phénomène astronomique dont il s’inspire : se poser dans l’herbe douce d’un parc un soir d’été et regarder le ciel, prendre le plaisir de laisser le temps s’étirer à l’infini et laisser notre cerveau vaquer à des divagations méritées et inattendues. La musique de Biche marche ainsi de la même manière, offrant l’évasion et la douceur nécessaire pour s’échapper du quotidien et surtout rappeler un fait tout simple : l’oisiveté est une chose magnifique et nécessaire.

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