La sérénité version Σtella : “Les étoiles se sont alignées et cet album est né”
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Auteur·ice : Joséphine Petit
10/07/2024

La sérénité version Σtella : “Les étoiles se sont alignées et cet album est né”

| Photo : Clémence Trebosc à Pete the Monkey pour La Vague Parallèle

Alors qu’Up and Away reste notre album au goût d’été préféré, nous avons profité du festival Pete the Monkey l’an dernier pour échanger avec Σtella. Composé avec le producteur londonien Redinho, le disque est une pépite pop aux influences grecques délicieuses dont on ne se lasse toujours pas. L’artiste a pris le temps de discuter avec nous de sa carrière internationale, du rapport à la musique en Grèce, et de nous confier quelques anecdotes croustillantes. 

La Vague Parallèle : On se rencontre juste avant ton concert à Pete the Monkey. Comment tu te sens aujourd’hui ?

Σtella : Très excitée ! J’aime beaucoup l’endroit.

LVP : Est-ce que c’est ta première fois dans cette région de France ?

Σtella : Oui, en Normandie ! On est allé·es voir l’océan aujourd’hui, c’était très joli !

LVP : C’est la première fois qu’on se rencontre en interview pour La Vague Parallèle. Est-ce que tu peux nous présenter ton projet pour celles et ceux qui ne le connaissent pas ?

Σtella: Je viens d’Athènes, en Grèce. Je suis musicienne, j’ai commencé à écrire de la musique il y a environ dix ans, après la grande crise financière en Grèce, où j’avais un travail complètement différent. La musique, c’est amusant. Ce n’est pas une blague, mais je travaillais dans des magazines pour lesquels je prenais des photos quand la crise a frappé la Grèce. Tous les magazines pour lesquels je travaillais ont fermé. J’ai toujours joué de la musique depuis que je suis très jeune, donc quand j’ai perdu mon travail, j’ai commencé à jouer de la musique et à écrire des chansons. Ça a été un moment génial.

LVP : Donc maintenant, tu considères la musique comme ton travail ?

Σtella : La musique, c’est ma vie. (rires)

LVP : Ton album Up and Away a maintenant un an, comment as-tu vécu les douze derniers mois ?

Σtella : C’était très palpitant, surtout après avoir été confiné·es avec le covid pendant deux ou trois ans. J’ai l’impression de ne même pas me souvenir de cette période, comme si elle avait été effacée.

LVP : Tu as travaillé avec Redinho, un producteur qui vit à Londres. Comment s’est passé la collaboration ?

Σtella : Je pense qu’on a vraiment eu une bonne alchimie. On a travaillé avec deux excellents musiciens grecs qui ont enregistré pour cet album : Christos Skondras qui a joué du bouzouki et Sofia Labropoulou qui a joué du qanoûn. Je crois que ça a donné beaucoup de couleurs à l’album.

LVP : Tu n’utilisais pas d’instruments traditionnels avant ?

Σtella : Pas vraiment. Les morceaux que j’écrivais avant avaient peut-être des bribes de ça. Dans mon album précédent, The Break, je jouais de la guitare d’une manière qu’on pourrait confondre avec le bouzouki si l’on ne connaît pas l’instrument. Évidemment, quelqu’un·e qui connaît le son du bouzouki n’y croirait pas (rires), mais quand même, l’ambiance était déjà là.

LVP : Les instruments traditionnels, c’était l’idée de Redinho ?

Σtella : Le bouzouki était son idée, puis je me suis dit que si on mettait du bouzouki dans l’album, autant y mettre du qanoûn. Je pense qu’on voulait tous·tes les deux faire quelque chose qui sonnait plus vintage d’une certaine manière, comme si ça venait d’une autre époque. Les étoiles se sont alignées et cet album est né.

LVP : Comme tu l’as dit, il y a une vibe vintage dans ce disque. Parfois, on entend les années 60. En France, on pourrait penser à Françoise Hardy.

Σtella : Oh oui ! Je pense que j’ai écouté beaucoup de musique des années 50 et 60, surtout de la musique américaine des années 50, comme The Crystals. C’étaient des groupes très sensibles. Tout dans leur musique parle d’amour et je pense que j’ai implanté tout ça dans ma tête et dans les mélodies de ce disque.

LVP : Tu dis que ce n’est pas facile de chanter en anglais quand tu veux être artiste en Grèce, parce que les gens là-bas s’intéressent plus à la musique grecque.

Σtella : Oui, en Grèce, le public pour la musique que je fais n’est pas développé. Il y a un public, mais tu ne peux pas le comparer à des pays comme la France où on écoute plus de musique internationale. En Grèce, peut-être 80% des gens écoutent de la musique grecque et parfois de mauvaise qualité. Nous avons beaucoup de bonne musique des années 30, 40. La musique folk de ces décennies est incroyable. C’est vraiment important pour moi, et je suppose pour d’autres personnes aussi. Mais il y a aussi beaucoup de musique de ces deux dernières décennies qui est mauvaise, sauf que beaucoup de gens l’écoutent. (rires)

LVP : Puis chanter en anglais ouvre ta carrière au reste du monde.

Σtella : Oui ! Quand j’ai commencé à écrire de la musique, j’ai fait quelques chansons en grec, mais elles sonnaient très kitsch (rires). Je sens que quand je chante en grec, tous les mots ont un sens très lourd parce que c’est ma langue, mais en anglais, ça sonne plus doux et c’est plus facile à dire.

LVP : Tu es la première artiste grecque à être signée sur Sub Pop Records. Comment c’est arrivé ?

Σtella : Oui, je n’arrive pas à y croire ! C’était en 2018, quand je travaillais sur mon album précédent et que j’envoyais des emails toute la journée, à tout le monde, à chaque label international auquel je pensais convenir. À un moment donné, j’ai envoyé un email à Tony Kiewel qui est le vice-président de Sub Pop, mais je ne le savais pas. Je pensais que c’était juste un DA, quelqu’un d’important, mais pas le vice-président. J’ai envoyé un email avec mon album précédent et j’ai reçu une réponse de lui trois mois plus tard. L’email commençait par “J’espère que tu n’as pas abandonné l’espoir d’avoir un retour de ma part” (rires). J’ai failli m’évanouir. Il a dit “J’aime vraiment l’album et la musique. Est-ce que je peux partager l’album avec d’autres personnes chez Sub Pop?”. C’est comme ça que la relation a commencé. À l’époque, je discutais déjà pour que cet album sorte sur Arbutus Records, le label chez qui j’étais avant. J’ai signé l’édition avec Sub Pop, puis j’ai sorti cet album juste au début du covid, en février 2020, donc je n’ai pas pu faire de tournée avec ce disque. Il est sorti sur Arbutus et puis nous avons discuté du fait de publier un autre album ensemble, parce que j’avais déjà presque terminé Up and Away. Mais à cause du covid et de l’incertitude de la situation, nous ne l’avons pas fait. Je devais de nouveau trouver un autre label, alors j’ai recommencé à envoyer des emails et ça a marché ! Même si j’avais la connexion avec l’édition, j’ai eu de la chance car Sub Pop a écouté cet album par une autre source. Ça fait une énorme différence d’être chez Sub Pop. Ils ont un plus grand public. Le placement est un peu mieux pour la musique. C’est une grande différence pour moi.

LVP : Avant de faire de la musique, tu étudiais aussi le dessin. Est-ce que tu pratiques encore ?

Σtella : Oui, je dessine quand je trouve du temps libre, mais je le fais aussi pour mes albums. Je les dessine ou je dirige toute la DA.

LVP : C’était donc important pour toi d’avoir ce clip animé pour Up and Away ?

Σtella : Oui, ce clip est très important pour moi car il s’inspire d’événements réels qui se sont produits en 1945, quand c’était encore la guerre en Grèce. La musique était interdite d’une certaine manière, on ne pouvait pas en jouer dans les rues. Il y avait donc de petits lieux underground à Athènes, où les gens se réunissaient dans des caves pour jouer de la musique. C’est l’histoire vraie de deux musiciens qui jouaient dans un sous-sol pendant l’été. En partant, les Allemands les ont vus et ont commencé à leur tirer dessus, alors ils ont couru et pour sauver leur vie, ils ont sauté dans l’hippodrome d’Athènes.

LVP : Maintenant on comprend mieux la fin quand ils se transforment en chevaux ! (rires) Peux-tu confier comment se dessine la suite pour toi ?

Σtella : J’aime faire différentes choses, donc maintenant je vais sortir un nouveau single en août. J’attends cette sortie avec impatience. Je travaille aussi sur un nouvel album, mais ce n’est pas pour tout de suite.

LVP : Une dernière question, y a-t-il un·e artiste que tu aimerais particulièrement voir dans la programmation de Pete the Monkey ?

Σtella : Je connais Johan Papaconstantino, parce qu’il a des influences grecques dans sa musique. Je l’ai écouté pour la première fois il y a cinq ans. Il a une chanson qui est une sorte de reprise d’une autre chanson grecque, J’sais pas. La mélodie est très similaire à une chanson grecque de Mitropános, qui était une voix très célèbre et très importante pour la Grèce. Le morceau s’appelle Pes Mou Pou Poulan’ Kardies, ce qui signifie : “Dis-moi s’il y a un endroit où les gens vendent des cœurs pour que je puisse t’en acheter un” (rires). J’ai hâte de le voir jouer !


Et si l’ambiance de cette conversation vous fait envie, Pete the Monkey revient à Saint-Aubin-sur-Mer dans quelques jours et les dernières places s’arrachent par ici.

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