Le 77, rencontre en détente
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Auteur·ice : Pierre Simon
10/12/2019

Le 77, rencontre en détente

Alors que leur projet Ultim est sorti depuis un petit temps, il est maintenant temps pour le groupe belge de venir le défendre sur scène. Chose faite lors du festival Beautés Soniques à Namur qui invitait une foule d’artistes sur plusieurs jours et dans différentes scènes de la capitale wallonne. Le 77 se décrit dans son intro comme une bande de copains et, le temps d’une interview, ils m’ont même permis d’en faire partie.

La Vague Parallèle : Comment s’est faite la connexion avec Blu Samu ? 

Félé Flingue : En gros, Blu Samu, c’est une bonne pote à une trop bonne pote à Morgan, donc on la connaissait vite fait. Elle était déjà passée au 77 à l’époque et puis un jour on apprend qu’elle cherchait à habiter à Bruxelles et qu’elle était un peu dans la merde, car elle devait trouver un logement assez vite. C’est comme ça qu’elle est venue habiter avec nous. On avait une pièce et on ne savait pas trop quoi en faire, et au final on lui a proposé. Elle est venue s’installer et a habité avec nous pendant deux ans et demi, plus ou moins. Mais maintenant elle n’habite plus avec nous.

La Vague Parallèle : Et donc quelle est sa place dans le groupe ? Car c’est la seule invitée sur ce projet.

Félé Flingue : Aucune, elle n’est pas venue à l’Ancienne Belgique. (rires) Non mais sérieusement, elle était censée venir à l’AB mais elle était en résidence à Paris, un truc super important pour elle. Mais elle a bien évidemment une place super importante dans le groupe, on a fait plein de trucs ensemble.

La Vague Parallèle : Justement, avant de venir j’écoutais Nathy de Blu Samu, où Peet tu frappes en espagnol. D’où te vient la maîtrise de cette langue ? 

Peet : Je suis parti en Amérique du Sud six mois et donc j’ai appris là-bas.

La Vague Parallèle : Pour revenir à votre concert à l’Ancienne Belgique, vous préférez festivals ou concerts ?

Peet : L’AB c’est incomparable car c’est des gens qui ne sont là que pour nous voir, nous. C’est vraiment différent. En fait quand on fait Dour, par exemple, c’est beaucoup plus rock’n’roll alors que l’Ancienne Belgique c’est plus une consécration, surtout qu’on a fait sold-out. C’est gratifiant !

La Vague Parallèle : Justement, sur scène il y a une volonté de “turn up”. C’est vous qui aimez ça ou c’est juste les gens qui réceptionnent la musique comme ça ? 

Félé Flingue : Cela dépend, on fait des morceaux chill et des morceaux plus peps. Il y a des morceaux pour lesquels, en fonction de la prod, on se doit de taper dedans et donc on pense direct “concert” à ce moment-là.

La Vague Parallèle : Vous pensez d’abord à la prod ou elle se fait une fois que le texte est écrit ? 

Félé Flingue : D’abord la prod et ensuite l’écriture.

Peet : C’est toujours comme ça.

Félé Flingue : D’ailleurs, c’est la prod qui va nous aiguiller pour savoir sur quoi écrire. C’est ce qu’elle raconte, elle, qu’on va venir suivre. Si elle est sentimentale, énervée ou autre.

Peet : Même pour savoir quel flow utiliser.

La Vague Parallèle : En lisant d’autres articles sur vous, on se rend compte qu’on vous catalogue vite comme un rap un peu “rigolo”, alors qu’en écoutant l’album, il y a pas mal de sons où vous êtes plus premier degré.

Peet : Aaaah, merci monsieur ! Tu es un des premiers qui nous dit cela mais c’est exact. Je pense juste que c’est l’image du 77, quand tu regardes les clips par exemple, tu vas tomber sur des trucs plus rigolos. Mais si tu prends le projet dans son entièreté, il y a des trucs où l’on parle juste de ce qu’on vit, de nos peines, etc.

Félé Flingue : Après, c’est un véritable atout d’avoir un peu cette image, car cela nous permet, même en concert, de fauter. Limite, c’est ce que les gens attendent de nous : qu’on ne se prenne pas la tête.

La Vague Parallèle : En parlant de la scène, pour vous c’est indispensable ou vous êtes plus des mecs de studio ? 

Peet : On n’est pas des mecs de showcase.

Félé Flingue : Ce qui est indispensable, notre mot clé, c’est la surprise. Ce qui va définir si le concert est réussi c’est d’avoir surpris notre public en nous étant surpris nous aussi. Rendre chaque concert unique pour nous et faire en sorte que le public passe un bon moment.

La Vague Parallèle : Vous avez une vraie communauté. D’ailleurs, vous avez démocratisé ce que vous appelez les “lunettes de skilz” qui sont reprises dans le rap mais surtout dans vos concerts. Cela vous fait plaisir ? 

Félé Flingue : De ouf, c’est trop kiffant.

Peet : Moi, je me souviens de la première fois où cela m’avait vraiment frappé. C’est quand on a joué pour la première fois en Suisse à Genève et il y avait 4-5 types avec des lunettes. Et, à l’étranger, c’est encore plus flashant qu’ici en Belgique. Cela permet de nous identifier aux gars dans la salle et de savoir qu’ils sont dans le même délire que nous.

La Vague Parallèle : Justement, au niveau de votre apparence, vous faites des références à Helly Hansen. Vous avez d’ailleurs des pulls avec un chouette visuel. Est-ce que le monde de la mode vous parle ? 

Peet : Ça n’a pas une place hyper importante, mais on aime bien. Il y en a dans le groupe qui sont plus dans la sape que d’autres. Moi, je l’étais beaucoup moins avant. De base, je ne suis pas quelqu’un qui fait attention à ses vêtements mais Félix (Félé Flinguendlr) est plus dans le milieu que moi.

Félé Flingue : Se sentir bien dans ses sapes, c’est important. Et puis, c’est attaché au hip-hop, cela fait partie de la culture. Après, est-ce que cela nous rend service ? Il y a tellement de groupes de rap qui s’en foutent donc on aurait pu faire pareil.

La Vague Parallèle : Dans l’intro, vous dites : “Le 77 c’est une bande de copains qui ont des tempéraments différents”. Au final, cela ne crée-t-il pas des conflits de travailler avec des gens différents ? 

Peet : Si, parfois. Mais c’est ça qui fait la force aussi. On arrive à passer au dessus des conflits. Mais bon, je parle de conflits mais cela reste très rare. C’est un peu comme des frères, quand tu es toujours avec des gens, c’est toujours comme cela. Mais au niveau musical, cela ne pose pas de problème. Et ce malgré le fait qu’on ait des univers différents. Moi, je suis plus sur le rap français avec des paroles travaillées. Felix est plus dans le rap américain moins prise de tête. Morgan c’est plus un peu de tout mais surtout le jazz, soul, funk,  des choses plus chantées. D’ailleurs, il va sortir un projet et cela sera fort différent de ce qu’on fait actuellement.

La Vague Parallèle : Du coup, vous nous préparez des choses en solo ? 

Peet : Exact ! Moi je suis sur un truc solo pour l’instant. Morgan aussi. Félix, lui, c’est un homme de groupe.

Morgan : Et Rayan va sortir un projet reggae et roots.

La Vague Parallèle : Félé Flingue, de base tu viens de L’Or du Commun. Swing était d’ailleurs présent sur votre premier projet. Avez-vous toujours des contacts avec eux ? 

Félé Flingue : Oui, bien sûr ! Le problème, c’est qu’ils sont fort occupés, qu’ils partent beaucoup et que quand ils sont à Bruxelles ils bossent. Donc on se voit moins. Mais c’est comme nous au final : on ne prend pas toujours le temps d’aller voir d’autres rappeurs, à moins de bosser avec eux. Mais comme on n’a jamais fait de feat avec L’Or du Commun, on n’a pas vraiment l’occasion de les inviter. Ceci dit, dès qu’on a l’occasion de se voir, cela se passe super bien et il n’y a jamais eu d’embrouille. C’est juste une question de distances et d’occupation.

La Vague Parallèle : J’ai l’impression qu’il y a un réel soutien au niveau de la scène belge. Est-ce qu’en tant qu’artistes vous le remarquez aussi ? Et est-ce sincère ou plus pour supporter la vague émergente ? 

Félé Flingue : Si, bien évidemment, à chaque fois. Et pour la deuxième partie de la question, je pense que c’est sincère. Nous, on fait du son maintenant et on est content de se prendre cette vague-là. Mais si elle n’avait pas été là, on aurait fait la même chose.

Peet : Pour moi, il y a deux trucs dans le partage des artistes. Moi, par exemple, je partage soit parce que je kiffe trop le son ou bien quand c’est mon frangin. Même si cela ne me touche pas, je partage.

La Vague Parallèle : Vous avez une réelle volonté de travailler en équipe mais seriez-vous ouverts à signer dans des structures plus imposantes ? 

Peet : Non, on est bien en équipe. En plus, on a la chance d’avoir des gens dans le groupe qui savent créer des prods. Moi, j’enregistre donc on se suffit à nous-mêmes et on kiffe ça.

La Vague Parallèle : On lit souvent sur vous que vous ne vous considérez pas comme des rappeurs. C’est vrai ? 

Peet : Oui. Déjà, on travaille tous sur le côté. Je n’aime pas cette connotation de rappeurs, je préférerais artistes ou musiciens. Car on crée mais quand tu regardes sur l’album, il y a un son reggae par exemple. Le projet est diversifié. Même quand on rappe, on essaye de sortir des sentiers battus.

La Vague Parallèle : Vous suivez le rap actuel ?

Peet : Oui, on suit. Après, il y a pleins de trucs qu’on n’écoute pas, qui me gavent, qui ne me touchent juste pas. Mais j’écoute un peu tout ce qui sort.

La Vague Parallèle : Que ce soit dans le milieu de la musique ou non,  qu’est ce qui vous a inspiré ? 

Peet : Moi, c’est des artistes et le monde du skate. Aussi mon quotidien, pour l’inspiration des lyrics. J’ai diverses inspirations qui vont créer ma personnalité. Et on est tous pareils à ce niveau là dans le groupe. Au niveau du rap, le freestyle Grunt de VIK m’a marqué. Et j’ai  aussi beaucoup écouté Caballero quand j’ai commencé le rap.

Phasm : Caballero qui a fait un freestyle Give Me Five grâce à VIK, on y revient. (rires) Avec Nekfeu, d’ailleurs !

La Vague Parallèle : Dans le projet il y a deux références bien différentes. Une à Cerbère et l’autre à OSS117. D’où viennent-elles ? 

Peet : Sur OSS77, c’est parce qu’on a utilisé un sample de la BO du film OSS117 et puis le son est assez humoristique et un peu “agent secret”.

Félé Flingue : Pour Cerber, on voulait un truc sombre et j’ai juste tapé un refrain et c’est tombé là-dessus donc on a gardé Cerber et le thème des enfers.

La Vague Parallèle : Pour conclure, dans Trigoltar vous évoquez souvent Bruxelles. La ville a-t-elle joué un rôle sur votre musique et/ou sur qui vous êtes ? 

Peet : D’office. Puis c’est normal de dire d’où l’on vient.

Félé Flingue : C’est juste que cela fait partie de nous et cela s’est retrouvé dans un texte. C’est ce qu’on vit, notre quotidien. Donc d’office on représente et on est fiers. Et puis, les gens s’identifient. On est fier de ce qui se passe à Bruxelles.

Et voilà, sur ces jolis mots de Félé Flingue, cette interview se finit bien ! Malheureusement, je dois déjà quitter cette joyeuse bande de copains qui aura été la mienne le temps d’une interview.