Le duo belgo-japonais AILI nous livre les secrets de leur électro-pop rebondissante
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Auteur·ice : Chloé Merckx
05/06/2024

Le duo belgo-japonais AILI nous livre les secrets de leur électro-pop rebondissante

| Photos : Hugo Payen pour La Vague Parallèle

Si Aili et Orson n’avaient pas fait de musique, l’une serait cascadeuse et l’autre ingénieur électronique. Quand on assemble deux personnalités aussi électriques, le résultat ne peut qu’être rebondissant. Après un premier EP en 2021, le duo belgo-japonais en pleine ascension est retourné en studio pour concocter Nandakke?, un premier album qui se veut spontané et ludique. Quelques heures avant d’enflammer la Fifty Session avec leur électro-pop surréaliste, nous avons rencontré le duo qui nous ont raconté comment se crée leur magie en studio. 

La Vague Parallèle : Hello ! Vous allez bien ? Avez-vous avez hâte de monter sur scène ce soir ? 

Aili : Oui !

LVP : Pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore votre musique, pourriez vous décrire votre univers en trois mots ? 

Orson : Nous sommes un duo qui fait de la musique électro-pop avec des textes en japonais…

Aili : Trois mots !

Orson : Ah d’accord ! Duo, électro-pop et japonais ! (rires)

LVP : Votre album Nandakke? est sorti en février dernier, quel a été la plus gros défi dans la création de cet album ? 

Orson : Avant Nandakke? nous avons sorti un EP, rien n’était vraiment planifié mais il a eu un certain succès. Et pour Nandakke?, on a un peu souffert de la page blanche pendant un petit moment.

Aili : Il y avait déjà comme une attente pour la suite et nous voulions répondre à cette attente, s’assurer de rester dans la même direction et garder une certaine cohérence. Obstacle n’est pas le bon mot, mais il fallait que tout s’emboîte correctement : l’artwork, le timing, une histoire… Je pense qu’aujourd’hui pour un album, il faut vraiment qu’il y ait tout un package. Créer tout cela ça prend du temps et du temps on n’en a pas toujours beaucoup.

Orson : Avec l’EP, tout venait assez naturellement, rien n’était planifié donc c’était assez facile d’assembler les différentes pièces du puzzle. Mais avec l’album tout d’un coup, on était beaucoup plus conscient·es qu’il nous fallait quelque chose de nouveau.

Aili : Mais à la fin tout s’est bien emboité et on est très heureux·ses du résultat.

LVP : Comment décririez-vous votre évolution entre votre dernier EP et Nandakke? ?

Aili : Un EP ce n’est que cinq titres mais maintenant que nous avons trouvé notre genre, nous avons trouvé nos instruments, notre son, je pense que nous allons simplement évoluer autant que nous le pouvons. Avec tous les ingrédients que nous avons maintenant, on peut encore faire beaucoup. Dorénavant, je pense que nous allons surtout découvrir ce qui est possible. Je ne pense pas que nous utilisons des méthodes spécifiques, on crée de manière impulsive dans le studio et on laisse des accidents se produire, on mélange des choses ensemble et je pense que c’est un peu le thème dans notre studio.

Orson : Je pense que notre musique a un peu évolué, quand on la compare avec l’EP, c’est un peu plus mature. J’ai l’impression que certaines des chansons sont beaucoup plus rapides que celles que nous avons faites sur Dansu. L’album nous a aussi fait découvrir de nouveaux endroits.

LVP : Si je comprend bien, vous avez une manière de travailler et de créer assez spontanée. Comment vos deux parcours et vos deux personnalités se complètent en studio ?

Orson : Je pense qu’on se complète de nombreuses façons, nous sommes complètement opposé·es dans beaucoup de domaines. On s’équilibre de manière positive.

Aili : Oui c’est vrai, c’est un processus amusant. Orson est beaucoup plus patient, je suis plus rude, il est plus poli. Nous sommes tous les deux créatif·ves mais de différentes manières. Orson est un peu plus classique parce qu’il a un background plus technique, une formation que je n’ai pas. Moi je n’ai pas vraiment de filtre alors que lui en a un. Donc c’est vraiment agréable de partager cela.

LVP : Vous avez aussi un univers esthétique assez travaillé, notamment dans vos clips. À quel point êtes vous impliqué·es dans les aspects visuels de votre musique ? 

Aili : La plupart des idées viennent de nous mais on a aussi la chance d’avoir des ami·es très créatif·ves. Les clips et la plupart des visuels ont été fait par nos ami·es, sauf les visuels pour notre deuxième album qui sont d’un artiste japonais que nous n’avons pas encore rencontré. Mais tout le reste est fait par des ami·es, ce qui est vraiment chouette parce que quand on a un concept en tête, on travaille les choses ensemble par la suite. C’est toujours des collaborations parce qu’évidemment, on n’est pas vidéastes, mais avoir des personnes créatives dans votre entourage c’est chouette parce que ça donne vie aux idées qu’on a en tête.

LVP : “Nandakke”, c’est une expression qu’on utilise en japonais quand on ne trouve pas ses mots. Comment cette identité belge et japonaise a guidé votre processus créatif ? 

Aili : Pour écrire des paroles, trouver les bons mots, la bonne musique c’est tout un voyage. “Nandakke” c’est un peu l’expression parfaite pour décrire le sentiment que j’ai en tant que personne à moitié japonaise et à moitié belge. Mais au niveau de la musique, on a bien sûr été inspiré·es par des instruments japonais, par des samples que nous avons fait là-bas et puis mon père et ma famille ont eu beaucoup d’impact. Tout est un peu imbriqué et cette identité reste dans la musique. Je me pose beaucoup la question de savoir si on va continuer à faire ça pour le deuxième album, je ne peux pas juste écrire sur ma famille tout le temps. (rires)

Orson : Oui c’est une discussion qu’on a eu déjà avec cet album-ci, on ne savait pas si on allait avoir assez de sujets à aborder mais finalement c’est sorti comme ça.

LVP : Pourriez-vous nous donner quelques exemples d’artistes japonais qui ont été une source d’inspiration pour cet album ? 

Aili : Il y a Ryuchi Sakamoto, puis pour le hip hop c’est les Teriyaki Boys, c’est du hip hop très années 90-2000. Et aussi les sons de Hiroshi Oshimura qui sont plutôt de l’ambient pour des sons comme Ichibansen. Et sinon Soichi Terada qui est un artiste house vraiment bon.

LVP : Quelles émotions vous avez envie d’évoquer chez votre public avec votre musique ? 

Orson : Je pense qu’on peut dire que c’est un bon show quand tout le monde s’est amusé.

Aili : Je suis d’accord, je dis aussi toujours de la joie et du fun en premier, mais parfois je me demande si on devrait avoir un message plus profond que ça. Au fond je ne pense pas, c’est du fun spontané.

Orson : On a des chansons qui ont un message, mais personne ne le comprend vraiment en Belgique.

Aili : Oui c’est pour cela qu’on est plus dans l’optique d’un sentiment qu’on a envie d’amplifier. Et ce n’est certainement pas un ensemble triste, ce n’est pas non plus politiquement chargé avec un message ou autre, donc oui je pense que c’est plus une question de créativité et de fun, de jeu.

LVP : Est-ce qu’il y a une certaine constance au niveau des thèmes dans les paroles ou tout est vraiment différent ? 

Aili : Je pense qu’il y a trois thèmes qui ressortent plus que les autres. Par exemple les phénomènes japonais, comme avec Oyasumi qui parle de tous ces gens qu’on voit dormir dans la rue et dans les trains parce qu’iels travaillent trop. Il y a aussi la langue japonaise, par exemple l’interlude Gari Gari, c’est une chanson qui parle de toutes les onomatopées qui décrivent les sons que tu fais en mangeant. Et aussi la famille, la transmission, comme avec Takoyaki.

LVP : Vous avez joué au Japon plusieurs fois, quelle est votre relation avec la scène et le public japonais ? 

Orson : Nous avons un petit public qui grandit là-bas, on a quelques fans qui nous suivent sur Instagram, on a vendu quelques disques. On a fait un show sold out dans un petit club à Tokyo, donc c’est très agréable de voir que les chansons japonaises trouvent aussi leur chemin vers le Japon.

Aili : Cependant comme on n’est pas sur place et que le Japon a une culture assez insulaire, c’est assez difficile de trouver sa place là-bas. Après, on a une sorte d’entrée comme je parle japonais, on a de la chance d’avoir cet aspect-là. Mais c’est assez difficile d’entrer dans la scène japonaise car elle est soit très underground, soit très commerciale et l’entre-deux est plus difficile à trouver qu’en Belgique.

LVP : Quelle est la chanson que vous préférez jouer sur scène ? 

Orson : En ce moment pour moi c’est Takoyaki, parce que j’ai un solo. (rires)

Aili : Moi je dirais Ichibansen, on ne la joue pas aujourd’hui par contre donc venez à nos autres concerts ! (rires) J’aime bien Ichibanzen parce qu’elle est un peu plus émotionnelle pour moi car cela parle aussi de trucs familiaux. Et je peux jouer avec beaucoup de choses différentes.

LVP : C’est quoi la prochaine étape pour vous?

Aili : En ce moment, on travaille sur la bande son d’une série, on ne peut pas encore dire ce que c’est mais ça va être sympa, la ville de Bruxelles y est très représentée. Mais c’est un défi différent pour nous, ce qui est vraiment chouette, on s’amuse beaucoup. Et bien sûr l’été arrive donc on va jouer dans beaucoup de festivals aussi. Et je pense qu’à l’automne on va commencer à écrire, si quelque chose nous vient en tête. J’espère qu’il y aura un deuxième album, sinon je vais devoir faire autre chose que de la musique.

LVP : Qu’est-ce que vous seriez devenu·es si vous n’aviez pas fait de la musique ?

Orson : Probablement un ingénieur électronique.

Aili : J’ai toujours voulu être cascadeuse. J’ai même fait des recherches un jour, je voulais aller dans une école spécialisée pour les cascades à Los Angeles et puis j’ai vu que c’était 60 000€ par an donc j’ai laissé tombé. Et après, j’ai trouvé Orson donc on a fait de la musique ! (rires)

LVP : Tu peux peut-être t’y essayer dans un prochain clip ?

Aili : Oh oui pourquoi pas !

 

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