Le rock 2.0 de Please : “il faut que ça glisse pour les oreilles”
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Auteur·ice : Marthe Rousseau
17/11/2024

Le rock 2.0 de Please : “il faut que ça glisse pour les oreilles”

Photo : Hector Passat

C’est l’histoire de trois copains qui se sont rencontrés au collège, ont formé un groupe de rock et ont failli laisser tomber la musique quelques années plus tard pour embrasser des carrières de cadres supérieurs qui leur donnaient le vertige. Please joue aujourd’hui en première partie de L’Impératrice, et s’amuse de son image de “groupe de rock” qu’il détourne dans des clips quasi parodiques. Le trio nous offre des mélodies pop minutieusement travaillées et puise son inspiration aussi bien chez Supertramp, Mac DeMarco ou Tame Impala. Son deuxième EP Flashlight sorti début octobre nous a totalement conquis. Dylan (chant), Aristide (guitare), et Louis (batterie) ont accepté de se raconter quelques heures avant leur live au MaMA, à La Cigale, le vendredi 18 octobre.

La Vague Parallèle : Hello tous les trois ! C’est la première fois qu’on se rencontre. Pour vous, c’était en classe de 5e au collège Buffon dans le 15e…

Aristide : Oui, Dylan et moi étions dans la même classe. Et on a drafté Louis, une classe au-dessus, qui était le meilleur batteur du collège. Il y avait des soirées qui s’appelait “Les Talents cachés de Buffon” : des spectacles d’élèves, organisés deux fois par an, à l’américaine. Sans ces soirées, il n’y aurait peut-être jamais eu de groupe.

Dylan : N’empêche que pour faire avancer un projet, il faut des rendez-vous. Même à 12 ans, on avait l’objectif de faire trois reprises, on s’y était engagé. Ça te donne un cap.

Aristide : On avait des objectifs clairs. Il fallait un cap clair (rires).

Faire du simple avec du complexe, il faut que ça glisse pour les oreilles”, Please

LVP : Comment avez-vous pensé votre deuxième EP Flashlight fraîchement sorti ?

Dylan : Dans la forme, on a essayé d’être un groupe de rock mais dans le fond, de faire de la pop. Contrairement au premier EP (Please, 2023 ndlr) qui puisait dans ce qu’on aime par dessus-tout, à savoir le soft rock des années 1970 ; là, on a cherché à crader le son, à le détruire, et à trouver des textures plus hybrides tout en conservant notre ADN pop.

Aristide : C’est vrai qu’on a souvent renié les années 80, qu’on trouvait un peu trop kitsch et industrielles. Et finalement ce nouvel EP mêle à la fois la grandiloquence de ces années-là et la chaleur des années 70.

LVP : Quelles ont été vos influences ?

Dylan : Il y avait Daryl Hall & John Oates, un groupe de calif’ des années 1970-80, comme Steely Dan, Doobies Brothers. Leur morceau “Out of Touch” a tourné en boucle.

Aristide : Michael McDonald aussi.

LVP : Qu’est-ce que vous appréciez dans la “calif'” ?

Aristide : C’est une musique qui paraît légère mais qui est souvent riche et complexe. Les Beach Boys par exemple proposent des arrangements de fous furieux, des grilles d’accords pas possible.

Dylan : Faire du simple avec du complexe. Il faut que ça glisse pour les oreilles, mais qu’il y ait beaucoup à manger.

Please au MaMA Festival © Tiphaine Mercier pour La Vague Parallèle

LVP : Quel est le titre de l’EP que vous aimez particulièrement jouer sur scène ? 

Dylan : Franchement c’est dur.

Louis : Hard Loving.

Dylan : Flashlight, je trouve ça très kiffant.

Aristide : Never really wanna change. Quand le public chante le refrain… C’est un moment qui met tout le monde d’accord.

LVP : Est-ce si facile de vous mettre d’accord justement, au moment de composer vos morceaux ? Comment vous répartissez-vous les rôles ?

Dylan : Déjà, on est tous multi-instrumentistes, donc en studio, il n’y a pas vraiment de frontières. De mon côté, je passe une heure et demie tous les jours au piano pour trouver des mélodies. Je chante dans une langue imaginaire, de manière instinctive. Avec Louis, on est plus dans la recherche et dans l’expérimentation et c’est souvent Aristide le faiseur de rois. Il faut quelqu’un qui puisse avoir les oreilles fraîches. Aristide est aussi le cerveau du groupe concernant l’image, les clips par exemple.

LVP : Il y a d’ailleurs un côté très second degré dans vos clips, ça se voit que vous rigolez bien ensemble. Comment avez-vous pensé votre image ?

Aristide : On se prend beaucoup la tête sur notre musique, mais on est aussi des bons déconneurs. On se fait tout le temps des blagues, c’est notre carburant. On a donc intégré spontanément cette dimension dans nos clips. C’est aussi une main tendue au public, une sorte d’invitation : “Est-ce que vous voulez intégrer la bande ?

Dylan : On ne voulait pas non plus proposer une image trop attendue, tomber dans l’évidence et l’écueil du “groupe de rock”, sur fond vert où on se trémousse et où on danse, sinon ça nous déprime. Dès qu’on a commencé la musique, on avait beaucoup de recul sur les choses parce qu’on était censés travailler dans une “vraie” boîte avec des “vrai·es” collègues, et non pas jouer avec ses potes. Maintenant qu’on a réussi, on est obligé de se détacher de l’importance que l’on peut donner à ce projet par l’humour, le second degré.

Aristide sur la scène du MaMa, à La Cigale, le 18 octobre © Tiphaine Mercier pour La Vague Parallèle

LVP : Justement, quand vous parlez de “vrai·es collègues” : avec quels types de collègues vous étiez censés travailler ? J’ai cru comprendre que vous avez arrêté pendant un moment la musique pour vous consacrer à vos études. C’était dans quelles branches ?

Louis : Ingénieur dans l’aérospatial.

Aristide : J’étudiais dans les médias, en école de commerce.

Dylan : Et moi à Sciences Po Paris, en finance.

LVP : Ah oui rien à voir ! Et finalement, vous avez décidé de vous “reformer”, lorsque vous êtes arrivés au terme de vos études respectives, au moment du stage en entreprise… Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Aristide : On a ressenti un tel vertige face à la vie qui nous attendait…

Louis : Totalement. Et pour la petite histoire, les retrouvailles se sont passées en 2019. On est partis pour mon anniversaire dans la maison de mes parents, en Normandie et on se disait : “on pourrait faire un EP ici“.

Dylan : Et on l’a fait (d’un air solennel). Après ça ne s’appelait pas encore Please. Entre temps, on a joué au Supersonic, Aristide était en lead singer.

Aristide : Alors que je ne savais pas chanter (rires). C’était plus pour se détendre, pour se marrer. J’avais proposé à Dylan de faire des reprises punk, qui m’a répondu “ouais je suis chaud“. Et après j’en ai parlé à Louis qui était partant aussi. On a relancé la machine comme ça.

LVP : Et vous avez bien fait ! Vous êtes programmés aujourd’hui en première partie de L’Impératrice. Vous avez commencé le 11 octobre à l’Aéronef de Lille et le lendemain au Stereolux à Nantes avec eux. Comment se passe le début de la tournée ?

Dylan : Le public de L’Impératrice est super sympa, on sent qu’il est attentif et curieux, ce qui n’est pas toujours le cas en première partie. Et puis l’applaudimètre n’est que croissant pendant le concert donc ça rassure.

LVP : Comment appréhendez-vous le concert de ce soir dans le cadre du MaMA ?

Aristide : On a eu un petit coup de stress hier quand on a réalisé qu’on jouait à La Cigale ! Mais là les balances se sont hyper bien passées, donc ça nous met en confiance. On va y aller au naturel, comme on est.

Dylan sur la scène du MaMa, à La Cigale, le 18 octobre © Tiphaine Mercier pour La Vague Parallèle

LVP : Qu’est-ce que vous avez envie que le public ressente ce soir ?

Aristide : Un choc. Un choc émotionnel (rires).

Louis : De l’excitation.

Arisitde : Qu’il se réveille.

Dylan : Je pense qu’on va donner le max de notre énergie comme à chaque fois. Pour moi, un live réussi, c’est quand tu sens vraiment que le public attend la prochaine seconde avec impatience et qu’il est pleinement avec toi.

LVP : Et après cet EP, avez-vous prévu de sortir un album ?

Aristide : On va commencer à s’y mettre quand la tournée avec L’Impératrice sera terminée. Pour le moment, on est surtout en train de faire vivre notre EP qu’on a mis un an à réaliser.

LVP : J’ai lu dans une interview de nos confères de la Face B que vous parliez du rock comme quelque chose de kitsch. Pourquoi faire du rock aujourd’hui, c’est kitsch selon vous ?

Dylan : C’est kitsch et désuet.

Aristide : En fait, le genre rock, il appartient au siècle d’avant car il était au cœur de la musique et ce n’est plus le cas maintenant. Si tu te revendiques du rock aujourd’hui, c’est quelque part que tu as une démarche un peu réac’.

LVP : Et vous ne pensez pas pouvoir créer quelque chose de nouveau à partir de ça ?

Dylan : Si justement, mais la vision actuelle du rock est une vision nostalgique.

Louis : Passéiste.

Dylan : Alors que nous, on sait très bien qu’on a la forme d’un groupe de rock et qu’on en fait. Et même le kitsch, on le kiffe. On aime son esthétique.

Aristide : On est des rockers.

Dylan : Oui, on l’est. Mais on essaie de dépasser ça et d’aller chercher des sonorités dans des époques et des genres différents : dans le rock progressif, dans la pop calif’, dans les années 80, etc., pour l’enrichir.

Aristide : Le rock, c’est quand même le genre de la contre-culture qui allait chercher d’autres choses, qui allait repousser les murs. Mais aujourd’hui, si tu n’apportes rien, tu n’es pas rock.

Dylan : Le “rock 2.0” c’est justement le rock conscient de ce que le rock peut faire.

LVP : Je comprends mieux, hâte de découvrir la suite, merci les gars ! 

En chœur : Merci à toi !

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