Certain·es artistes n’attendent pas la « maturité artistique » (comme disent les journalistes) pour sortir un premier projet. D’autres, comme Le Sid, préfèrent vivre et attendre le bon moment avant de se lancer. On va dire que je fais partie de cette deuxième catégorie, histoire de justifier cette tardive chronique… Trois mois après avoir écouté pour la première fois le premier EP du Sid – après l’avoir emmené partout avec moi, après l’avoir écouté dans différents moods et après avoir essayé de comprendre si c’est vraiment un projet que j’apprécie – je vous propose enfin de le découvrir, pour quand même avoir une chance de pecho cet été. Je vous invite à ouvrir votre cœur pour essayer de comprendre celui du Sid : Kokoro.
Kokoro, comprenez “cœur” en japonais, n’est pas un artifice pour éviter d’appeler son projet “cœur“. Évidemment que la formulation exotique est plus poétique, mais là n’est pas la subtilité. En effet, un même mot peut souvent revêtir plusieurs significations au Japon. Certes, le cœur désigne l’organe musculaire creux qui assure la circulation sanguine en pompant le sang vers les vaisseaux sanguins et les cavités du corps à travers des contractions rythmiques – beaucoup trop complexe. Ce dernier est également associé à l’amour, mais c’est un mot qui n’englobe pas « que » cela.
Kokoro c’est un mot qui me suit depuis très longtemps. C’est un mot qui n’englobe pas que l’amour. C’est le cœur dans tout son sens : la haine, la soif de revanche, la vengeance, l’amour, etc. Pour moi ça englobait parfaitement tous les thèmes que j’ai mis dans le projet. Il y a une largeur dans la définition que l’on ne retrouve pas dans les langues latines.
À cœur ouvert
L’amour est donc le grand sujet de cet EP. Sujet qui se marie merveilleusement bien avec d’autres sentiments et émotions à travers lesquels Le Sid navigue : le sentiment de trahison par exemple. Un élément qu’il lie inévitablement à l’amour. Mais outre les tensions et difficultés que Le Sid retranscrit dans ses morceaux, notamment sur Summer Night, et les aspects négatifs que l’amour peut entraîner, il y a aussi de la place pour de la tendresse et de la passion. Comment faire autrement quand on invite Nelick sur un morceau ?
Il y a des sons coups de foudre et des sons plus tristes où j’aborde ma paranoïa dès qu’il s’agit de se mettre en couple. Avec Nelick on essaye toujours de prendre une direction qui dépasse ce qui se fait ailleurs (à nos yeux en tout cas). On essaye de pousser le truc vers des couleurs qui nous plaisent vraiment sans se poser la question du « est-ce que ça va plaire ou pas ? » C’est la seule règle entre nous !
Plan à trois
L’autre belle collaboration de Kokoro, plus improbable cette fois-ci, c’est la connexion entre Le Sid, A2h et le rappeur allemand badchieff. Un trio étonnant et « absurde » qui fait du morceau Dreams l’un des hits de ce projet. Les trois artistes se sont bien trouvés et amènent chacun leur touche de douceur sur une prod planante. Si l’invitation d’un rappeur allemand sur un projet francophone n’est pas une nouveauté, cette dernière reste rarement dans les annales. Ce qui est certain, cette fois-ci, c’est que cette collaboration aura au moins le mérite de vous faire danser cet été et c’est déjà largement suffisant. Une belle histoire aussi pour Le Sid qui s’associe à son « grand frère dans la musique », A2h, qui le suit depuis un petit temps dans son processus de création.
A2h ça fait super longtemps qu’on parle ensemble, à l’époque de Facebook où c’était encore à la mode. Il suivait les premiers trucs que je faisais, il trouvait ça cool. Moi du coup à l’époque j’avais essayé de lui prendre un feat mais il m’a ignoré complètement (rires). A2h c’est un peu un grand frère, il m’a toujours poussé, conseillé, il m’a mis entre les mains de personnes qui ont pu m’apprendre des choses et qui m’ont aidé à en arriver jusque-là : sur la ligne de départ on va dire. Parce que je considère ce projet un peu comme une ligne de départ.
La soif de vaincre
La revanche est un autre aspect important de ce projet. Thème qu’il aborde notamment en featuring avec Bolémvn : « La meilleure revanche c’est le succès ». Une revanche que Le Sid prend sur celleux qui n’ont pas cru en lui, sur les personnes qui doivent toujours se mettre en travers de son chemin, mais également sur lui-même. En effet, à maintenant 30 ans, Le Sid se libère enfin en sortant un premier EP. L’occasion de le rappeler dans le premier morceau où il porte un Toast à sa réussite et sa carrière dans la musique qui démarre avec Kokoro : « J’lève mon verre à tous ceux qui ont pas cru en nous, sans vous j’y arriverai pas ».
J’ai l’impression, quand je réécoute les sons, que je ne parle pas que des autres. Je pense que je suis la première personne à me mettre moi-même des bâtons dans les roues. J’ai un côté très autodestructeur. Il y a aussi cet aspect de la famille qui ne comprend pas et qui a peur pour toi. Certaines disciplines, comme la musique, sont vues comme inaccessibles (surtout financièrement). Et vu que c’est difficile de faire sa vie avec, autant ne pas tenter sa chance.
Réussir pour les siens
Si certaines personnes ne le soutiennent pas, voire s’avèrent être contre-productives dans son cheminement en tant qu’artiste, heureusement il peut compter sur « ses frères ». Comme il le répète dans le huitième morceau de l’EP : « Y’a qu’avec eux que je peux le faire S/o mes frères ». Une belle déclaration d’amour à ceux qui le soutiendront toujours. Là aussi, on retrouve cette obsession pour la méfiance et la trahison qu’il aborde tout au long de Kokoro.
J’ai toujours eu une approche un peu théâtrale. Je grossis toujours tous les sentiments. J’ai toujours été éduqué comme ça dans la musique. Je pense que naturellement j’ai envie de prendre ces deux antipodes et de les mettre ensemble. La peur d’aimer dans Rupture 21 face à Slave 4 you où je suis complètement amoureux de cette fille qui m’a subjugué.
Du love, de la trahison, de la tristesse, de la revanche et de l’ambition. Un mélange explosif et passionnant à la fois. Voici Kokoro, le premier EP du Sid.
Culture musicale inexistante car, pour certains, le rap n’en fait pas partie.
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