C’était une idée qui nous trottait dans la tête depuis un moment (ou tout du moins dans la tête de l’auteur de ces lignes) : parler de films qui parlent de la musique. Pas tant de films ou de séries dont la bande son se contente d’être incroyable, comme Trainspotting ou n’importe quelle oeuvre de Tarantino, mais des longs métrages dont la musique agit comme un moteur, comme un personnage à part de l’histoire ou un arc narratif.
La recherche du film qui commencerait cette série d’articles fut longue et réfléchie, mais en ce début d’année 2017, elle fut surtout frappée par une évidence assez implacable.
En effet, si l’on veut parler de cinéma autant que de musique, il est impossible de ne pas aborder La La Land de Damien Chazelle.
Petit retour en arrière. Fin 2014, Damien Chazelle présentait sa première oeuvre Whiplash. Véritable déclaration d’amour à la musique jazz, le film mettait à l’honneur la batterie et transformait les scènes musicales en scène de guerre à la tension palpable. La confrontation entre Miles Teller et J.K Simmons était carrément jouissive et le film emportait tant l’adhésion des critiques que du public, plaçant Chazelle en nouveau petit génie à suivre.
On aurait pu penser que l’auteur, devant tant de pression, craquerait. Mais à l’annonce de son futur film – une comédie musicale rendant hommage à l’âge d’or du cinéma hollywoodien -, un mélange d’excitation et de peur s’est emparé de nous. Les premières bandes annonces nous rendant complétement fou d’impatience.
Et puis l’emballement médiatique, propre à la musique comme au cinéma, la razzia de Golden Globes comme un tsunami incontrôlable, nous aurait presque rendu suspicieux. Alors La La Land mérite-t-il tout cet emballement ? Mille fois oui.
Le jeu de mots semblera facile, il est pourtant bien réel : La La Land enchante. Dès sa première scène assez incroyable dans les bouchons, Chazelle apporte une incroyable modernité à un genre qu’on croyait pourtant suranné. Tout le propos du film et son intérêt sont finalement résumé dans des propos de John Legend à propos du Jazz : s’il est bon, et même normal de vouloir défendre et protéger un genre qu’on adore, il ne faut pas oublier que ce genre a été créé par des gens qui composaient le cinéma (et la musique) du futur. C’est comme ça que Chazelle a conçu son film, son intemporalité en faisant sa modernité. L’homme rend hommage, mais n’oublie jamais de créer, de proposer quelque chose de différent, d’inédit et de beau.
Le film est aussi un hommage à Los Angeles (L.A, hum hum…), ses habitants pleins de rêves qui s’écrasent sur la triste réalité, ses gens talentueux qui refusent de renoncer malgré les murs qu’on place inlassablement devant eux.
Le film navigue entre fantaisie et réalisme, la caméra virevolte, suivant avec un plaisir communicative la romance des deux personnages principaux incarnés par Emma Stone et Ryan Gosling. La complicité des deux acteurs nous avait déjà frappé dans Crazy Stupid Love et Gangster Squad, elle explose ici en technicolor. Entre pas de danse sous la lune, rêve éveillé dans un planétarium et joute verbale dans un club de jazz, c’est avec plaisir qu’on suit les aventures de nos deux idéalistes, qui se nourrissent chacun des rêves et espérances de l’autre… Jusqu’à la rupture ? Peut être, peut être pas. L’autre grande qualité du film c’est son réalisme. Ce sont les acteurs qui chantent, laissant ainsi transparaitre les défauts et les émotions dans les chansons, qui n’en ont que plus d’impact.
Le couple et sa relation le sont aussi, jouant surtout de l’alchimie évidente entre ses deux protagonistes, l’histoire évite toute mièvrerie et tout ennui, défauts souvent présents dans n’importe quelle comédie romantique ou musicale.
Et la musique dans tout ça ? Elle est une nouvelle fois l’œuvre Justin Hurwitz, ancien camarade de Chazelle à Harvard. Il lui aura tout de même fallu plus de deux ans et environ 2000 maquettes pour arriver au résultat final. Ça en valait largement la peine.
Déjà à la baguette des chansons originales de Whiplash, il signe ici une composition musicale parfaite, entre classicisme de l’âge d’or hollywoodien, jazz précieux et pop moderne. La musique devient alors le troisième personnage principal du film, accompagnant brillamment les images et les émotions.
La La Land est donc un film total, une ode à un Hollywood disparu, mais aussi à la vie, à l’amour et à la musique.
Un feel good movie parfait qui donne envie de chanter, de danser et de tomber amoureux. Chazelle nous offre un grand moment de cinéma, de fantaisie, de poésie et de bonheur. Un film essentiel et évident par les temps qui courent, et qui se trace tout seul une route pavée d’or en direction des Oscars.
Futur maître du monde en formation.
En attendant, chevalier servant de la pop francophone.