Le voyage de FORM dans les profondeurs de l’âme
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Auteur·ice : Jeremy Vyls
31/01/2020

Le voyage de FORM dans les profondeurs de l’âme

3 corps, 1 âme. FORM le brandit fièrement, cet étendard, avec la sortie de leur deuxième EP, C.W.T (It Comes With The Territory). Derrière le slogan, on ressent une vraie volonté de matérialiser, en mots et en sons, ce qui les ébranle, les secoue, les fait vibrer au plus profond d’eux-mêmes. Basses ténébreuses, montées entêtantes et voix solennelle mènent la danse dans un groove léché et implacable. Allongez-vous pour la psychanalyse.

C.W.T sonne déjà comme l’heure du bilan pour FORM. Après Underwater, premier EP en 2018, des ouvertures pour Jungle, Fakear ou Thylacine, et un paquet d’expérience engrangée, le trio de la banlieue parisienne regarde dans le rétroviseur. Ou plutôt se regarde en face. “Facilité”, ce n’est sans doute pas le mot qui caractérise le mieux leur chemin parcouru jusqu’ici. Depuis les débuts au sein d’Akousmatic jusqu’à la transformation en FORM, Hausmane (voix, claviers), Adrien (voix, claviers) et Aksel (percussions) ont apparemment connu plus d’une galère. Leur réussite actuelle n’est qu’un mirage, ils le savent. Histoire de garder la tête froide et les idées claires, une digestion de ces hauts et de ces bas s’opère alors. Elle va déboucher sur sept morceaux en forme de mémoires. Des textes auto-analytiques enrobés et portés par un son sombre mais rond, direct mais galvanisant, électronique mais organique.

 

Au jeu des ressemblances, on les jurerait cousins germains de Jungle, on parierait sur un lien du sang quelconque avec James Blake, on se dit qu’ils doivent certainement être demi-frères avec Her et J. Bernardt, et on mettrait notre main à couper qu’il y a un air de famille avec The xx ou Ulysse (Hausmane, cette voix).
Sur C.W.T., les spectres de cette famille éloignée planent comme dans l’ambiance ouatée d’un rêve. Un songe qui nous embarque dans une sorte de virée nocturne. On s’imagine aux côtés des trois gars de FORM, nos guides du soir, déambulant dans les rues désertes et silencieuses d’une ville, baignée par la douceur d’une nuit d’été déjà bien entamée. La bienveillance apparente qui se dégage des trois potes nous met en confiance. Mais l’inquiétude est bien présente, car on sait qu’il y aura un avant et un après. On les suit, intrigués, et on se plie à la thérapie qu’ils nous proposent, engloutis par la nuit.

Tout au long des sept morceaux de C.W.T., l’objectif de notre errance se matérialise : la découverte des tréfonds de notre âme et de nos sentiments. On y plonge la tête la première sur trigger. Le single incontesté de l’EP, en ouverture, sonne déjà comme un climax. Il nous met face à “cet instant si court et à la fois si puissant, symbole d’une action irréversible, cette catharsis qui devient le prisme de tous les moments où l’on a du prendre sur soi pour ne pas exploser, en vain”. Les percussions tapies mais mécaniques en toile de fond, cette voix qui nous prend par la main jusqu’à l’irréparable, les nappes de synthés qui se superposent et qui montent, qui montent, jusqu’à l’explosion, synonyme de rédemption. Le glaçant mais magnifique clip en plan-séquence accompagnant le morceau illustre à merveille ces ressentis.

mirrors refroidit l’air. Il nous met face aux dérives de l’époque, dans lesquelles on prend plaisir à se complaire, tout en étant bien conscients du danger. Les basses oppressantes distillent une poésie brute à la Black Mirror, qui nous met en garde : “la multiplication des écrans nous force à trop nous regarder, on en oublie la vie et la beauté de ses moments de simplicité”.

Nos paradoxes et conflits intérieurs sont à nouveau exhumés sur WHITE FLAG. Dans une sorte d’exhortation au self-control face à l’injustice, l’harmonie des voix d’Hausmane et Adrien soutiennent la mélancolie des accords mineurs. Le tout s’envole vers l’agitation du drapeau blanc. Usé par le combat, on rend les armes. Non comme une capitulation mais comme la promesse d’une paix intérieure.

Au détour de ce vagabondage dans notre for intérieur, on fait des rencontres inattendues, qui marquent. Comme sur waterfall avec La Chica, qui nous apparaît telle une Sainte Vierge franco-vénézuélienne, nous inondant de la lumière mystique de sa voix. Ou avec Elbi, se mariant délicatement avec le groove lancinant de drifting. Même le flow de l’américain Mr. J. Medeiros sur fucks on zero, dénotant avec l’ambiance planante de notre excursion nocturne, nous remet les idées en place.

De l’inconnu, de la découverte de soi, des remises en question peut-être. La nuit se termine doucement sur ces conclusions, on aperçoit déjà le soleil nouveau poindre à l’horizon. La lumière matinale d’alive, qui “nous pousse à nous affranchir de ce qui nous empêche de vivre”. “I feel alive / Would you feel alive with me ?” Après ces épreuves nocturnes, comment ne pas répondre oui ?

On n’est plus très sûrs d’avoir vécu un rêve tout à coup. Car FORM a mis son cœur, son âme et ses tripes sur la table avec ce disque. Et nous a tendu le miroir. C’est parce qu’on se retrouve dans leur message et leur son que cet album nous apparaît si cohérent, comme un tout indissociable. Un disque complet dans son propos, en forme de thérapie rédemptrice, synonyme de nouveau départ. Pour se sentir en vie.

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