| Photos : Louis Derigon
Début juin, La Vague Parallèle embarquait dans un train de nuit direction la ville rose, pour un festival qui lui tient particulièrement à cœur : le Weekend des Curiosités. Autant vous dire qu’il porte bien son nom : en trois jours, trésors et merveilles en tous genres y ont éclos ou s’y sont sublimé·es, célébrant la fin du printemps et les premières chaleurs de l’été. Dénicheur de pépites avant l’heure, le festival toulousain a réuni à l’affiche des noms qui s’apprêtent à sillonner la carte de France pendant les prochains mois, donnant un aperçu lumineux de l’été à venir. Sortez vos éventails et vos lunettes de soleil : l’été s’annonce beau et chaud !
Vendredi 2 juin
Ouvrir un festival avec Aghiad, c’est donner la beauté d’un instant suspendu en amuse-bouche de la soirée. C’est sur un “hommos” clamé comme un rituel que démarre l’enchantement, dans une ambiance dorée et solaire de fin de journée. Aghiad et ses deux musiciens, Tom et Billy, enchaînent alors des titres plus beaux les uns que les autres, d’Anima à Liman jusqu’à Karagül, naviguant entre moments de douceur et drops éclairés par des chœurs lumineux d’une beauté à décrocher des frissons. Doucement, la scène Curiosités se remplit et la foule prend forme sur le parking du Bikini. Ici, sur le béton chaud, les conversations se tarissent et la sincérité du propos d’Aghiad transperce les âmes jusqu’à décrocher des “non !” touchants à l’annonce du dernier morceau. Nous aussi, on aurait aimé que jamais ça ne s’arrête.
Heureusement pour nous, la suite n’a rien à envier aux premiers. C’est alors Mandarine qui prend possession de la grande scène, dans un départ en feu sous les stroboscopes, pour ensuite manier avec brio l’art d’équilibrer la vitesse et les ralentis. Tandis que chaque musicien prend le temps de poser ses phrases dans l’espace, des tempêtes comme Danse Macabre mettent tout le monde d’accord. Lorsqu’ils décident de faire courir la foule d’un côté à l’autre de la salle et que quelqu’un nous glisse un petit “c’est l’avenir des pogos” à l’oreille, on se dit qu’il a raison. C’est à l’image du quartet, tout comme la couleur qu’apportent la trompette et le saxophone : chaleureux, généreux et bienveillant. On finira par s’oublier dans l’ambiance bleutée de la fin du set, emporté·es loin par les très beaux fond de l’eau et avant l’averse.
Au tour de Prattseul de nous montrer ses talents. En costume jaune en guise de rime avec le soleil, le dandy ne cache pas son plaisir de jouer dans sa ville d’adoption lorsqu’il demande au Bikini s’il va bien en ajoutant “c’est trop cool de pouvoir dire ça”. Alors que cette petite réflexion contient tout le sens que revêt le fait de jouer sur cette scène lorsqu’on a grandi à Toulouse, on se dit qu’il ne pouvait pas mieux trouver pour nous toucher et le show prend une jolie couleur d’émotion. Efficace et juste, Prattseul fera remarquer qu’ils sont ce soir “le seul groupe avec une batterie”. De quoi nous laisser réfléchir pour quelques heures à l’évolution de ce qu’on pensait éternel. On le laissera sur les dernières notes bouleversantes de Mon vieil ami dans le soleil couchant pour essayer de ne pas perdre une miette de la scénographie du prochain.
| Photos : Mandarine et Prattseul par Louis Derigon
C’est alors qu’on retient notre souffle aux premières notes de Flavien Berger. Le ton est donné lorsqu’il nous glisse en plein Berzingue “faut juste que je vous communique les paroles” en enchaînant avec un poème de clings. Entrée immédiate dans une spirale d’expérimentations sonores et vocales ponctuées d’une sirène qui semble être devenue son jouet préféré. Dans une installation lumineuse qui alterne les ambiances douces (D’ici là, Soleilles, Pamplemousse) et la folie des ailleurs (666666, Deep See Blue Song, La fête noire), on retiendra plus encore l’introduction stellaire de Maddy La Nuit et la chaleur des oranges-violets de Castelmaure. On finira ensuite par se précipiter sur les seize flavons restants au merch (oui, vous avez bien lu, les flavons sont des savons artisanaux fabriqués par Flavien) après un final dans la foule à glisser sur le dancefloor tous bras en l’air.
Tandis qu’on attendait Eloi qui annulera malheureusement sa venue à la dernière minute, nous nous consolons avec Aime Simone puis Train Fantôme avant de rentrer. Le premier foule la scène et tourbillonne dans une effusion de paillettes qui rappelle parfois le grand Oscar and the Wolf sur Answer The Night. On s’y perd un peu, mais toutes les générations s’y retrouvent, lorsqu’on aperçoit au premier rang un enfant sur les épaules de son père, un casque anti-bruit vissé sur la tête, les bras en l’air et toutes dents dehors. On raccrochera avec Train Fantôme et leur punk-rap un peu plus tard, dans une énergie brûlante et contagieuse qui soulève le Bikini et sonne les premiers vrais pogos de la soirée. Alors qu’une bannière Crédit Agricole tombe du balcon dans une foule en folie qui se l’arrache, les gobelets volent et le collectif ne lâche pas le rythme jusqu’à épuiser nos dernières ressources. Direction nos lits et à demain le Bikini !
| Photo : Flavien Berger par Louis Derigon
Samedi 3 juin
Le lendemain, c’est avec Aupinard que nous prendrons les premières notes de soleil, dans une foule déjà bien large venue accueillir le Bordelais. Enchaînant titres courts et efficaces et néologismes en tous genres (bossrnb, bossabaile), la douceur de sa bossa nova sied à la chaleur de ce samedi tandis que ça se déhanche en claquant des doigts en rythme. C’est alors que Marceau change la couleur dans une entrée tout en vert sur la scène du Bikini. Sous les rayons et dans une atmosphère planante, le Toulousain joue avec l’intensité de ses morceaux et ses capacités vocales jusqu’à mettre tout le monde d’accord sur un Doux Leurre magistral où tout prend sens.
Il est temps de se faufiler pour voir Johnny Jane, devant qui l’on réalise qu’un bon trois quarts des paroles a déjà élu domicile dans notre mémoire. Le temps que la fête commence avec Zéro et Missiles, qu’elle décolle avec Normal, et qu’on tente d’éloigner ce gris orageux avec Dans mon corps et Kleenex, on prend plaisir à danser et sautiller gaiement au milieu des gens. Vient l’heure de retrouver la grande Yoa, grande par ce samedi de juin où elle aura su briller au cœur de la nuit comme jamais encore on ne l’avait vue. Seule sur la scène du Bikini, elle fait danser et hurler les foules telle une reine, lorsqu’on tourne la tête vers nous et qu’on nous lâche “cette star, quand même !”. Oui, alors qu’elle vient de nous annoncer être malade comme un chien, elle occupe ce soir l’espace comme les plus grand·es. Elle finira par faire scander aux festivaliers “j’ai plus peur”, dans une explosion de couleurs et un cri salvateur qui nous aura valu une bonne dizaine de séances de psy accompagnées des frissons de la soirée.
| Photo : Yoa par Louis Derigon
On joue des coudes pour retourner du côté de la scène Curiosités et se poster aux premiers rangs. Si Toulouse ne sait pas encore la tornade qui s’apprête à la retourner, nous on la connaît par cœur : elle s’appelle Walter Astral et monte sur scène timidement. Il suffira d’un morceau pour que les festivaliers comprennent à qui ils ont affaire : nappes et beats électroniques s’entrechoquent à des guitares et banjo élevant des textes planants jusqu’aux nuages au-dessus de nos têtes. Tristan et Tino enchaînent douceurs aériennes et claques terriennes dans un cocon de folie érigé pour faire tomber la nuit avec toute la fièvre qui l’accompagne. Offrant la lumière à un public en transe dans un couloir de soul train, Walter Astral finit de convaincre le Bikini.
| Photos : Walter Astral, winnterzuko, Dylan Dylan et Marina Trench par Louis Derigon
On enchaîne alors avec H JeuneCrack qui fait rapidement bouger les têtes jusqu’au fond de la salle, puis Rad Cartier qui prend possession de la scène Curiosités sous la pleine lune, pour finir avec winnterzuko qui retourne littéralement le Bikini. Là, alors qu’on se dit qu’on va écouter Marina Trench pour un petit quart d’heure avant d’attraper le dernier métro, la magie opère. On décide de laisser nos lits de côté, happé·es par un set délicieusement bien construit. À la fois brutale et délicate, elle offre avec ce live l’étincelle qu’il manquait pour rendre la soirée inoubliable. Lorsqu’elle est remplacée par Dylan Dylan à quatre heures du matin, on se dit qu’il est cette fois-ci bien temps de rentrer. Rebelotte. Elle prend le relais de Marina Trench avec une telle habileté que la nuit est alors pour nous toute tracée. Tandis qu’elle finit son set accompagnée de la complicité de cette dernière, on se dit que ça fait du bien d’avoir passé ces quelques heures à danser avec des femmes aux platines. On veut plus de nuits comme celle-ci, à quitter le Bikini aux aurores, alors que les oiseaux chantent et que le ciel s’éclaircit.
C’est aussi ça, le Weekend des Curiosités : la fête, ses découvertes et tous ses souvenirs dorés. On se retrouve l’année prochaine !
En perpétuelle recherche d’épaules solides sur lesquelles me hisser pour apercevoir la scène, je passe mes concerts à faire les chœurs depuis la foule.