Les albums du mois qu’on n’a pas oubliés #1
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Auteur·ice : Charles Gallet
12/05/2019

Les albums du mois qu’on n’a pas oubliés #1

L’activité musicale étant aussi foisonnante que diverse, même avec tous les efforts du monde, on n’a pas le temps de s’attarder sur tous les albums que l’on aime. Pour contrer tout ça, on a décidé de vous donner rendez-vous tous les mois avec une sélection d’albums qui ont retenu notre attention mais dont on n’avait pas pu parler. L’acte 1, c’est maintenant !



Sônge – Flavourite CÂLÂ (Charles) : Sônge voit la vie en couleur et la musique aussi. A l’image des couleurs, sa musique se fait diverse, elle se meut, évolue et mélange les genres pour en créer de nouveaux. Flavourite CÂLÂ se transforme ainsi en voyage musical, chaque titre est une histoire, avec sa propre teneur, sa propre énergie, nourrit des contes anciens et modernes, de mysticisme mais aussi de sa propre existence. Fruit de son travail avec MYD, sa musique se fait ainsi plus lumineuse, plus forte et ambitieuse. Elle nous surprend aussi avec sa voix de tête qu’on n’imaginait pas et qui offre là aussi différentes intentions. Beaucoup de talent, un soupçon de folie et d’insouciance, c’est la recette de Sônge, sa formule magique qui nous frappe de plein fouet et nous fait vibrer. Magic Hairdo allume la mèche et nous surprend,  Thanatonautes et son groove parfait et malin nous réjouissent tandis que Crépuscule des Dieux joue de cette voix mouvante. Le reste est au diapason pour un premier album maitrisé, au carrefour de la musique électronique et du r’n’b. Une belle réussite pour une artiste qu’on n’a pas fini de suivre.


Baptiste W. Hamon – Soleil, soleil bleu (Charles) : Il existe des artistes dont la musique a la couleur des pays lointains. Si il est parisien, la musique de Baptiste W. Hamon vibre pourtant du ciel, de la poussière et des grandes contrées de l’ouest américain. Ce qui fait la beauté de ce Soleil, soleil bleu, c’est cette manière de raconter de manière frontale, ces histoires humaines, parfois sombres, parfois mélancoliques, parfois lumineuses mais trouvant leur poésie et leur force dans l’interprétation et la simplicité des mots du quotidien qu’il raconte. Musicalement l’album évolue sous plusieurs lumières de la folk presque dylanienne de Soleil, soleil bleu et Hervé en duo avec le grandiose Miossec aux titres plus radicaux et libres comme Bloody Maryjusqu’à des intonations plus pop avec Je Brûle ou de la chanson française avec Le visage des anges. Homme de plusieurs cultures, Baptiste W.Hamon s’offre avec ce Soleil, soleil bleu un second album affirmé, puissant et libre. Il prouve aussi une nouvelle fois que la folk peut rimer avec le français. On a aucun doute que ces chansons prendront toute leur ampleur sur scène, terrain chéri de cet homme transatlantique dont la tournée passera par la Maroquinerie le 21 mai.


Hugo Barriol – Yellow (Léa) : Sorti il y a quelques semaines, Yellow nous avait filé entre les doigts. Le jeune artiste a parcouru les abysses du métro parisien pour ensuite remonter à la surface suite à la rencontre avec la productrice du label Naïve/Believe. Hugo Barriol, étoile montante du monde de la folk, a ainsi sorti Yellow, un premier album tout en douceur où se mêlent guitare acoustique, ukulélé, voix profonde et paroles évoquant l’amour, l’amitié, l’espoir et la mélancolie. Tout un parcours de vie. Le parcours d’Hugo. Fort de ses influences folk, telles que Mumford & Sons et Bon Iver, l’artiste a su petit à petit se créer une place au sein du paysage folk français. Yellow, que l’on prendrait à tort pour un petit album de balades acoustiques, est en fait un subtil mélange de dualités, tant au niveau de la thématique des morceaux qu’au niveau de la composition musicale. On retrouve ainsi un yin et yang mélodieux avec des morceaux très doux mais une voix d’une profondeur déconcertante. Mais aussi une dualité de sentiments avec l’optimisme dans des morceaux comme Oh My ou Our Kigndom opposé au désespoir dans Always. Encore un peu méconnu du grand public, on parie qu’Hugo Barriol fera rapidement parler de lui et on est certain de le suivre de très près.


Keren Ann – Bleue (Charles) : L’amour – joyeux ou malheureux – se conjugue en français. C’est une règle tacite immuable, implacable et invariable. Quoi de plus logique alors que de voir Keren Ann revenir au français pour son nouvel album Bleue. Bleue comme le ciel, bleu comme l’océan, bleus comme ceux que l’on se fait à l’âme quand l’amour tue. C’est ce qu’elle nous raconte dans ces 10 chansons, l’amour qui réjouit mais qui fait mal, les histoires bancales qui font mal. Les histoires d’amour finissent mal, mais sous la plume de Keren Ann elles sonnent doux aux oreilles. De Bleu à L’île prison en passant par Sous L’eau ou Le Goût d’inachevé, superbe duo avec David Byrne, le chant en français est plein d’assurance, les mots directs frappent au cœur et résonnent longtemps dans la tête. Le tout enrobé dans une délicatesse de tous les instants, guidé par des cordes sublimes, un piano mélancolique, une basse délicate ou une guitare tendre. Alors on fond et on frémit face à un album qui nous happe et nous emmène au large avec lui. On ne peut que vous conseiller de plonger vous aussi avec Keren Ann, et de vous envelopper dans ce Bleue mélancolique et élégant.



Lolo Zouaï – High Highs to Low Lows (Valentin) : « Hit them with the bilingual ». L’album entier de Lolo Zouaï pourrait être résumé par cette phrase qu’elle assène dans le titre Moi. La franco-américaine qui avait déjà gagné nos coeurs avec des titres comme Brooklyn Love ou Blue en 2018 revient avec un album solide qui a tout pour plaire et accentue notre addiction à son style déjà si particulier. High Highs to Low Lows est un album R&B extrêmement bien élaboré, aux sonorités trap douces et sucrées. Embrassant le franglais comme sa vraie nature et l’exploitant tout au long de son disque, Lolo nous entraîne dans des rythmes modernes avec des accents catchy. Si elle présente des similarités avec un R&B très pop à la Ariana Grande – plus particulièrement sur Out the Bottle – l’artiste de vingt-quatre ans arrive à avoir cette fraîcheur d’une électro-pop de niche (Ride, Moi). Il y a dans High Highs to Low Lows cette revendication assez frontale des albums pop qui parlent d’amour déchu, dans sa manière de se poser dans un récit en “tu” (“you don’t want me, you don’t need me”, “you don’t say you love me”) tout en alliant des titres introspectifs ou réflexifs (Blue, Beaucoup, High Highs to Low Lows). En résumé, un premier album rafraîchissant, savant mélange d’états d’âme et de beats tout en rondeur.


Mr Oizo – Rythme Plat : Après la toute première apparition de Flat Eric, la marionnette jaune et muette de Mr Oizo, dans la vidéo M Seq en 1998, Quentin Dupieux se fait repérer par la marque Levi’s pour son prochain spot télévisé. Le duo présent dans ce premier clip, composé donc de Flat Eric et d’un ami de Dupieux,  se retrouve catapulté dans trois clips publicitaires produits par la marque aux États Unis. Quentin Dupieux ramène sur un magnétophone une boucle de quelques secondes bricolée chez lui pour faire danser la marionnette de Flat Eric. La production décide de garder dans une des pubs cette musique atypique et minimaliste. Elle entre dans les charts européennes après un réenregistrement sur le label de Laurent Garnier sous le nom de Flat Beat. 20 ans plus tard, Mr Oizo nous offre l’EP Rythme Plat pour l’anniversaire de ce tout premier morceau, signé chez Ed Banger. Les sons wet, typiquements analogiques du Korg MS 20, sont toujours au rendez-vous, accompagnés de texte tout à fait absurde. Coup de coeur pour Viandes légumes véhicules. On note aussi le retour d’un morceau chanté en italien comme à l’époque de l’album All Wet avec No Tony.



Jok’air – Jok’Travolta (Pierre) : Avec un disque long de 18 titres, Jok’air prenait des risques. Au final, il livre un album très complet et tout aussi diversifié. L’ancien membre de la MZ est accompagné sur 7 pistes par des artistes aux univers différents : on retrouve par exemple son compagnon Chich avec qui il a commencé la musique, mais aussi Alonzo, considéré comme un papa dans le rap. En dehors des invités connus dans le monde urbain, Jok’air a décidé de ramener Yseult et Suky pour rajouter un peu de légèreté à des morceaux déjà très mélodieux. Au niveau des thèmes abordés, le racisme et l’amour sont plus que présents mais la redondance n’irrite pas puisqu’ils sont traités via des angles différents. En ce qui concerne les sonorités, les morceaux les plus sombres sont parfaitement mélangés aux ballades très mélodieuses. Jok’air dévoile donc une palette musicale assez large et nous emmène là où on ne l’attend pas forcément. Sur Scarla et Club des 27, il fait plusieurs références au monde du rock, mouvement qui l’inspire au quotidien. En conclusion, entre rap pur et dur, mélodie chantée et influence rock’n’roll, Jok’Travolta est une expérience musicale très enrichissante pour vos oreilles.


Hania Rani – Esja (Pierre-Yves) : Hania Rani est une pianiste et compositrice qui partage sa vie entre Berlin, Reykjavik et Varsovie. Début avril 2019, l’artiste a sorti son album Esja, signé sur Gondwana Records. Sur ce premier opus en solo, elle souhaite transmettre une sensation d’espace, donner au temps une dimension infinie et faire écho aux paysages islandais et aux montagnes polonaises de Bieszczady. Elle éprouve une réelle fascination pour le piano, dont elle désire exploiter les possibilités sonores de la manière la plus personnelle possible. Hania Rani nous livre ainsi un album très intimiste qui contraste avec le massif volcanique islandais dont il porte le nom. Enregistrés dans son appartement, les morceaux sont rythmés de mélodies sensuelles, libres et hypnotiques. Installez-vous, fermez les yeux et préparez-vous à vivre un moment comme suspendu dans le temps.


The Drums – Brutalism (Chloé) : Jonathan Piercedésormais unique membre de The Drums, est revenu ce mois-ci en nous proposant l’étonnant Brutalism. Après la transition Abysmal Thoughts, c’est un homme plus sincère que jamais qui se livre sur ce disque. On y retrouve bien entendu la fameuse pop sautillante sauce The Wake, mais on se perd aussi entre de (trop) nombreuses ballades niaises. Notre Jonny préféré semble avoir enfin atteint l’âge adulte, sans reverb et la bouche pleine de mots crus. Brutalism est en fait un album libérateur, mettant en scène un homme qui s’assume enfin pleinement. Et même si l’on est un peu moins convaincu par ce disque que par les précédents, on ne peut pas nier les talents de producteur de Jonny Pierce. On vous conseille grandement d’écouter 626 Bedford Avenue, Brutalism et Loner !


Weyes BloodTitanic Rising (Océane) : Il existe ces albums dont la réussite est telle qu’ils nous laissent bouche bée. Et c’est le cas de Titanic Rising, un album d’une beauté époustouflante qui réussira à nous tenir en apnée sous ses nappes aqueuses pendant près de 42 minutes. Weyes Blood nous présente une pop contemporaine enveloppée dans une esthétique aguicheuse et qui éveillera notre curiosité sans hésitation. On suit alors l’artiste américaine dans cette épopée où l’on ne manquera pas de tomber amoureux de sa tessiture angélique, puissante et captivante tout autant que des sonorités aussi délicates que tendres qu’elle nous offrira. La sensibilité et l’engagement que Natalie Mering porte à bout de bras se retrouvent d’emblée dans ses talents de songwriteuse indéniables. À travers ces dix titres, elle ne cessera de nous faire comprendre toute la complexité et la beauté de ce monde désillusionné qui nous submerge tous beaucoup trop tôt. Que ce soit avec les excellents singles que sont Andromeda et Everyday ou encore les très enchanteurs Something To Believe et A Lot’s Gonna Change, Weyes Blood frappe fort et si nous ne comptions à ce jour que sept merveilles du monde, on vous a désormais trouvé la huitième et elle se nomme Titanic Rising.

 

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