Les dix moments qui ont fait du Printemps de Bourges l’apogée de la découverte
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Auteur·ice : Joséphine Petit
03/06/2024

Les dix moments qui ont fait du Printemps de Bourges l’apogée de la découverte

| Photo : BLANK\\ par Margaux Martins

Tandis qu’un petit mois est passé depuis notre virée à Bourges, on prend aujourd’hui le temps de vous parler des concerts qui nous ont marqué·es et des artistes qui complètent nos playlists depuis. Le festival, berceau du dispositif des iNOUïS du Printemps de Bourges Crédit Mutuel, allie tous les ans émergence, créations et découverte, au cœur du cadre charmant des rives d’Auron. Cette année comme les précédentes, nous sommes resté·es fidèles aux sessions iNOUïS, tout en naviguant au gré de nos soirées dans le reste de la programmation. Autant vous prévenir de suite, le constat est frappant : toutes les routes mènent aux iNOUïS.

Gonzy

On n’aurait pu rêver mieux pour ouvrir cette édition. Lâchant le traditionnel “Bonsoir Bourges !” pas plus tard qu’à 15h30, Gonzi fait doucement, mais sûrement, monter la température du célèbre 22. Non seulement le plaisir de partager sa musique est tangible, à en croire les sourires qu’il adresse au public, mais l’enchantement opère dès le premier morceau : on comprend alors, rien qu’à le regarder se mouvoir parfois imperceptiblement, parfois dans des transes, qu’on a affaire à un danseur hors-pair. On n’en détachera plus nos yeux jusqu’au bout, hypnotisé·es par une chorégraphie magnétique et l’agilité avec laquelle il saute, à pas de velours, de familles de rap en humeurs diverses. Vêtu de son biopad comme il l’appelle – un gilet de sa conception aux pads lumineux lui permettant de transformer percussions corporelles en piano organique –, un artifice bienvenu pour équilibrer les prods, Gonzy déroule une setlist qui culmine lorsque démarre Sur la lune, sur laquelle il nous emporte sans peine.

© Margaux Martins

Jungle Sauce

Il n’aura pas fallu un jour à Bourges pour déjà vivre notre concert préféré du festival. Dans notre radar depuis les auditions régionales, on plaçait beaucoup d’espoir dans le trio lillois. Alors qu’on se glisse dans les premiers rangs quelques minutes avant histoire de ne pas en louper une miette, la tension chez nous est palpable. Les trois acolytes montent sur scène vêtus de combinaisons de bleu de travail, et commence alors un voyage fait tout autant de douceur que de feu. Entre pogos et respirations planantes, on réalise que le temps file à la vitesse de la lumière lorsqu’on se fait la réflexion que ces trois musiciens ont définitivement de l’or dans les mains. On aurait bien prolongé ces trente minutes pour une soirée entière dans la chaleur moite devant Jungle Sauce, à fermer parfois les yeux pour mieux décoller, et les garder grands ouverts le reste du temps pour l’incarnation qu’ils dégagent. Autant vous dire que la prochaine fois qu’on aperçoit leur nom sur une affiche, on fonce tête baissée.

© Margaux Martins

Goodbye Karelle

À l’heure où l’on rédige ces lignes, Hugh Greene & the Lucies Made Me s’échappe d’une enceinte posée près de nous, comme à peu près chaque jour depuis qu’on a vu Goodbye Karelle sur scène. Si les iNOUïS et le Printemps excellent dans la découverte, notre plus belle se cache derrière ce nom à qui l’on ne dira certainement pas au revoir. C’est dans une ambiance feutrée que l’artiste québécoise dévoile des titres à la fois doux et amers qui chatouillent, pincent et retournent nos tripes, notamment sur le magnifique Rainbowroad – décollage immédiat. On échange des regards ému·es lorsque la formation quitte la scène après vingt minutes de magie. On aurait bien pris dix minutes de plus d’ascenseur émotionnel. Une chose est sûre : on n’a pas fini de vous en parler.

jean

Si l’on vous pose la question : il ne s’est pas passé grand chose pendant le concert de jean. Et pourtant. On s’est tu·es pendant trente minutes et l’on n’a pas lâché la scène des yeux. Debout derrière son pied de micro, le promenant d’une estrade éclairée de guirlandes au devant de la scène, jean parle de l’intime, questionne la vie et le malheur, sur des prods parfaitement sobres et efficaces. En vrai pro des morceaux de deux minutes, voire moins – tendance qui a dépassé toutes les prévisions – il enchaîne son catalogue, dont l’excellent tube DISQUETTES, sans jamais perdre une seconde notre attention. On s’éclipse sur l’impression d’avoir vécu un instant hors du temps, pour découvrir que nous n’étions visiblement pas les seul·es, le jury lui ayant décerné un prix en fin de semaine.

Treaks

Quel bonheur de se prendre le post punk de Treaks en pleine figure à la suite, sous lequel nos nuques se raidissent à force de secouer nos têtes pour notre plus grand plaisir. Parfois flirtant avec un rock plus progressif et magistralement incarné par Clothilde à la guitare et au chant, Owen à la batterie et Théophane à la basse, la prestation du trio nantais frappe la scène du 22 de colère et de revendications salutaires en cette fin de journée. On retiendra le charisme de Clothilde, qui se mêlant à la foule et s’exprimant avec soin aux hommes seulement, répète inlassablement “I’m tired to explain to your tiny brain” pour dénoncer le non-respect du consentement. Engagé·es et audacieux·ses, Treaks livre tout ce dont nous avions besoin pour vouloir garder un œil sur eux à l’avenir.

© Margaux Martins

Noor

Comment vous parler de Noor sans parler de l’effet Noor ? Il aura suffi de deux morceaux pour que les premières larmes s’échappent, des vingt minutes suivantes pour nous vider de tout liquide lacrymal, et d’une demie-heure encore pour calmer l’émotion qui ne semblait pas vouloir s’effacer. Noor chante des chansons tristes, certaines qui résonnent et ouvrent des portes sur notre intimité, d’autres qui racontent des histoires touchantes, peu importe nos vécus. “Mon dieu, ce stress !” Toute sa force réside en son humanité et son humour, qui la pousseront à nous adresser ces premiers mots comme une confidence pour mieux nous pousser à entrer dans sa chambre. Car c’est aussi ça, l’effet Noor : l’universalité de l’intime qui se cache dans chacun de ses titres, dans chacun de ses gestes et de ses paroles. Rien d’étonnant à ce que le jury lui décerne le prix Printemps de Bourges – iNOUïS 2024, on lui aurait volontiers donné notre cœur à soigner sur un plateau.

© Margaux Martins

Chalk

Dans une programmation qui, hors iNOUïS et créations, tend malheureusement à se mainstreamiser chaque année, la seule soirée que nous attendons encore avec impatience reste le vendredi rock, toujours au 22. Dans cette bulle de découvertes et de confirmations, c’est évidemment et sans grande surprise la tornade Chalk qui aura marqué les esprits. Dans un souci de partialité, on vous confie que nous n’étions pas encore totalement remis·es de la claque que le trio irlandais nous avait mise aux Trans Musicales quelques mois auparavant. Ceci étant dit, la prestation du groupe seyait tellement parfaitement la scène légendaire du 22, qu’il aurait été difficile de trouver quelque chose à redire. Même des soucis de micro grésillant n’ont su que magnifier les arrangements et la voix du charismatique chanteur, Ross Cullen. Nous serions prêt·es à parier très gros que nous ne serons toujours pas remis·es la prochaine fois que l’ouragan passera par chez nous.

© Jean Adrien Morandeau

BLANK\\

Premier constat : BLANK\\, c’était notre plus belle surprise à l’annonce de la sélection des iNOUïS, ravi·es de voir cette esthétique représentée à merveille par un projet qu’on adorait déjà. Deuxième constat : à Bourges, BLANK\\ est restée fidèle à elle-même, pour notre plus grand plaisir. Brouillant les frontières entre scène et fosse, elle évolue comme toujours de manière très frontale avec son public, en jouant d’une proximité spatiale contrastée par une attitude très froide, mais tout aussi hilarante par moments. “Do you feel special around me?”, assène-t-elle. Oui, on a la fièvre et l’envie de tout casser. Et ça, ça fait du bien.

Nina Versyp

Il aura fallu attendre le dernier jour du festival pour assister à l’un des concerts que l’on attendait le plus. Toujours sous le charme de sa performance aux auditions régionales, il nous tardait de revoir Nina Versyp et ses chansons douces. Alors qu’on la découvrait en janvier dernier, on connaissait cette fois toutes les paroles par cœur, à force d’écouter et de réécouter Paralysed, son premier EP paru en février. Et force est de constater que peu importe la scène, Nina Versyp prend la lumière. Le monde se met en pause, et toutes les conversations se taisent, plus encore lorsque commence Mechanic, qu’elle introduit comme un morceau écrit sur sa maman. Au-delà, l’émotion déborde lorsqu’elle glisse un très beau “je vous vois pas mais je sais que vous êtes là” aux autres artistes de la sélection des iNOUïS, qui comme chaque année répondent présent·es au premier rang de chacun de leurs concerts. On repartira avec notre dose de frissons et de larmes aux yeux pour les jours à venir.

BRIQUE ARGENT

On ne vous a pas menti : toutes les routes mènent aux iNOUïS. En particulier lorsque notre aventure au Printemps de Bourges se termine par le concert de l’un des lauréats de l’an dernier. Nous l’avions alors suivi sur la Tournée des iNOUïS à l’automne dernier et il faut bien l’avouer : nous avions fini par connaître le set sur le bout des doigts, pour le bonheur de regarder les gens pousser un peu plus la porte de son monde à chaque nouveau morceau, et s’ébahir devant l’incroyable light show. Ici, quelques surprises et nouveautés glissées de part et d’autre suffirent à nous émouvoir à grands coups de poils hérissés. C’est une réelle plongée sous-marine que propose BRIQUE ARGENT à travers un voyage dans les abîmes alternant virées mélodieuses (Que du chrome, DANS MES RÊVES, VIE SOUS-MARINE), respirations bienvenues (KING SIZE) et suffocations (Tête de mort, Toucher le fond, Renverser), le tout illustré par une interprétation brillante et de lumières d’une intelligence rare. L’équilibre est parfait, et chose est sûre : ce n’est plus un concert, mais un véritable spectacle.

© Mathieu Foucher

Le temps de quelques jours, l’édition 2024 du Printemps de Bourges Crédit Mutuel aura donc été pour nous le théâtre de l’émergence et de la découverte, et même si la tendance actuelle météorologique en France aura amené son lot d’averses, on aura fait le plein d’énergie et de soleil dans l’obscurité des murs du 22 d’Auron, qu’il nous tarde déjà de retrouver l’an prochain.

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