Les Louanges : entre premier amour et second degré
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
08/10/2019

Les Louanges : entre premier amour et second degré

Tabarnac ! Y a-t-il plus flyé que des chansons d’amour aériennes aux accents charnus tout droit envoyées de Montréal ? C’est audacieux, difficilement catégorisable et c’est encore l’artiste qui nous en jase le mieux : “Rock fleuri. Rock-ce-que-tu-veux. Même pas obligé d’être rock. Yeah.” C’est beau, c’est généreux, c’est frais, ça s’appelle Les Louanges et ça s’apprête à faire du bruit de notre côté de l’Atlantique. À domicile, l’affaire est ketchup pour le jeune Canadien qui fait déjà l’unanimité. L’enfant terrible de l’alternative francophone a gagné ses foules et n’est pas prêt de les décevoir, si l’on en croit ce nouvel EP, Expansion Pack. Coup d’œil sur ce phénomène avant-gardiste surfant posément sur les tendances du moment, mêlant tant la soul et le rap que la chanson française et le jazz. Le genre d’artiste rare comme de la marde de pape qui nous fend la gueule jusqu’aux oreilles. Que du bonheur, ostie ! 

Le disque est un joyeux bordel d’influences en tout genre qui s’emmêlent pour dresser des compositions moins vaporeuses que celles de son album La nuit est une panthère paru un an plus tôt. Ici, le côté chill de Vincent Roberge bat en retraite face à sa face groovy et ses errances chaloupées. Le fil rouge de ses textes n’a pas beaucoup changé, Les Louanges n’est qu’amour. Grand sentimental à la plume aussi mielleuse qu’ironique, le poète nous charme et nous surprend aux travers de rimes toujours plus sophistiquées. “Deux centimètres de trop en dehors du droit chemin m’ont rappelé que j’avais pas seulement soif de toi, mais aussi faim”. Expansion Pack porte bien son nom, étendant gracieusement l’univers de la petite pépite. Quatre morceaux qui s’additionnent à la finesse du reste de sa discographie pour constituer un registre à la variété alléchante, attribuant moult couleurs à l’identité musicale du diablotin.

Introduit par le voluptueux Attends-moi pasle morceau annonce la couleur : rouge. Rouge amour, rouge passion, rouge “je regrette”, toutes les teintes de carmin s’émulsionnent ici pour nous emporter sur la dream-pop jazzy de Les Louanges. Et comme Expansion ne vient jamais sans son Ex, c’est tout logiquement que le musicien lui dédie une délicieuse balade synth-pop aux accents de nostalgie et de remises en question, Parc Ex. “J’ai pas envie de fuck it up, comme j’m’apprête à fuck it up”, tel pourrait être le mantra de ce personnage excentrique : le fameux récit du gars qui oscille entre l’envie de désordre et l’obsession de quiétude. Une trame qui nous parle à tous, nous replongeant dans les méandres sentimentaux de notre adulescence tourmentée. En équipe avec Robert Nelson, membre du génial collectif Alaclair Ensemble (et non pas le premier président du Bas-Canada, ndlr), c’est sur Les yeux sur la balle, une ode au tennis, que les métaphores fusent et s’enchaînent pour un duo harmonieux. La paisible éloquence de Roberge se frotte à l’explosif flow de Nelson qui nous emporte sur une envolée de rimes difficilement perceptibles si l’accent du Québec n’est pas dans vos cordes.

Vient alors la bombe de l’EP : Drumz“On arrive dans ta ville là j’espère qu’il y a de la place. Parce qu’on débarque au moins 6 pis mon drummer y tape.” L’atmosphère gangster qu’on ne lui connaissait pas encore luit sur cette brûlante composition qui peut s’appuyer sur un bridge aux sonorités anglophones de la part d’un certain Maky Lavender, valeur sûre du rap Montréalais. Intense et puissant, le titre rattache plus que jamais Les Louanges à un certain registre rap qu’il maîtrise avec force et génie. L’outro d’Expansion Pack est à l’image de l’absurdité de l’univers de ce grand fanatique de panthères. Vous connaissez Arbois ? Mais si, le chef-lieu de canton du Jura en France, ville reconnue pour sa grande culture du vin. Eh bien le dernier titre du disque, Arbois, n’a absolument aucun rapport avec cette commune. D’ailleurs, cette quarantaine de secondes clôturant l’opus n’a pas forcément de rapport avec quoi que ce soit. On se retrouve emporté dans la panique sous influences d’une jeune femme qui se demande comment rentrer chez elle défoncée sans se faire cramer par sa mère. Un pur moment what the fuck qui prête à rire et qui prouve bien la légèreté attachante de cet artiste à l’ironie malicieuse et à l’humour décalé.

Alors que la scène québécoise peut compter sur des grands talents ci et là pour étendre le succès étonnant de cette nouvelle vague de  français canadien qui s’insuffle sur le monde de la musique, Les Louanges impressionne. S’il nous avait habitués à des balades acoustiques fleur bleue (on repense à l’incroyable Encéphaline ou au délicat Platane), l’artiste se focalise désormais davantage sur l’univers funky déjà amorcé avec des titres comme Pitou ou Westcott. Sans cesse dans la muabilité et le renouvellement, Les Louanges vrille d’un univers à un autre sans jamais passer inaperçu. Une chose est sûre, on retiendra sans doute ce fameux “kid qui gueulait des choses en québécois”.


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