Les many lives de Sébastien Tellier
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Auteur·ice : Jeremy Vyls
01/10/2020

Les many lives de Sébastien Tellier

“Because we live a short life, that’s why I want to live many lives in the same life”. Lors d’une de ses envolées philosophiques dont lui seul a le secret, c’est en ces mots que Sébastien Tellier définit son passage sur Terre. L’artiste le plus ovni du paysage musical français a le syndrome du caméléon. Ayant popularisé le look de Jésus à lunettes noires, il n’a cessé de s’inventer des personnages, enfilant à chaque fois le costume de son nouveau trip à temps plein. Ce sont ces multiples facettes que tente de capturer Sébastien Tellier: Many Lives, le documentaire de François Valenza, collaborateur de longue date devenu un ami proche. Autopsie d’un grand sensible.

Alors que son dernier album Domesticated, ode vocodée à la vie au foyer, est sorti il y a peu (habitué au temps désormais passé dans sa propre cuisine, il nous confiait d’ailleurs voir le monde comme “une grande salade”), on reprend tout depuis le début dans Sébastien Tellier: Many Lives. Construit chronologiquement de L’Incroyable Vérité, son premier album, à L’Aventura en 2014, le documentaire dissèque l’artiste et observe minutieusement sa transformation en véritable personnage. Les débuts sont excessivement fauchés, mais un homme clé a su flairer très vite la particularité de sa musique et de son songwriting : Marc Tessier du Cros, fondateur du label nouveau-né Record Makers. Sébastien sera leur premier artiste signé. Par le jeu des bons contacts, le gaillard dégingandé de 25 ans à peine se retrouve en première partie de la tournée américaine de Air. “Mon premier vrai concert, c’était à Houston devant 5000 personnes”, se marre-t-il.

Dès l’album Politics en 2004, Sébastien Tellier coche déjà la case “j’ai écrit un classique de la musique” avec l’intemporel La Ritournelle. Ceux qui l’ont côtoyé ou collaborent encore avec lui s’épanchent d’ailleurs longuement sur ce moment, partageant leur stupéfaction face au choc procuré par la première écoute du morceau. Du défunt Philippe Zdar aux gars de Phoenix, en passant par un Nicolas Godin de Air habituellement glacial, tous comprennent qu’ils vivent un truc unique. Frissons garantis. L’apothéose a lieu avec Sexuality, album produit par Guy-Manuel de Homem-Christo des Daft Punk. Le grand barbu touche les cieux du bout des doigts, entraînant la participation culte à l’Eurovision et les interviews chaotiques sur les plateaux télé. La farce mégalomane, qui était tapie dans l’ombre depuis le début, commence à poindre le bout de son nez. Le trip de gourou religieux assouvi sur le disque My God Is Blue n’arrangera rien.

Many Lives, c’est Sébastien Tellier raconté par ceux qui gravitent autour de lui. On y croise le regretté Christophe, Jean-Michel Jarre ou encore le meilleur client du lot, Rob, musicien acolyte de toujours, contant avec tendresse comment le sublime s’unit avec le pire chez Sébastien. Particularité : la parole n’est jamais donnée directement au principal intéressé, Sébastien Tellier ne s’exprimant que par l’intermédiaire d’interviews d’archives et de films de tournées. Par contre, on se demande toujours où sont les femmes. Sébastien passe son temps à leur déclarer son amour dans ses chansons, mais elles sont pourtant bien absentes à l’écran.

Lors de la première belge du film au Kinograph à Bruxelles en cette fin septembre 2020, François Valenza l’a concédé : “Ça fait près de 8 ans que je bosse sur ce film. Avec les innombrables heures de rushs d’archives personnelles, les interviews qu’on n’a pas gardées et toutes les idées pas exploitées, j’ai de quoi faire plusieurs futurs films sur Sébastien.

 

Sébastien Tellier: Many Lives est un film musical bourré de bonnes histoires, de drôlerie et de son lot de malaises, mettant surtout en lumière un artiste profondément touchant, intelligent et talentueux. Les fans hardcores n’en apprendront sans doute que peu, les sympathisants seront forcément emballés et les néophytes probablement intrigués par la singularité du bonhomme et l’émotion sincère émanant de sa musique, le tout oscillant entre le kitsch et la classe ultime. Alors que Sébastien Tellier nous paraît tantôt exubérant, tantôt loufoque, tantôt sensible, tantôt sous substances en permanence, François Valenza nous l’assure pourtant : Sébastien est quelqu’un de bien plus normal que vous ne le pensez”. Une vie de plus à découvrir.


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