Les nouveaux essentiels de Soulwax
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Auteur·ice : Charles Gallet
05/07/2018

Les nouveaux essentiels de Soulwax

Il nous avait fallu attendre douze ans pour recevoir un nouvel album de Soulwax. On avait rongé notre frein, trépignant, espérant, rêvant, fantasmant le successeur de Nite Versions. Et notre patience avait été récompensée, From Deewee était apparu et avait comblé nos attentes les plus folles, les surpassant même largement. On s’était donc préparé mentalement à une nouvelle attente destructrice, ponctuée ça et là de remix parfois bons, parfois oubliables, de live endiablés et de DJ sets plus ou moins prévisibles sous le nom de 2 Many Dj’s. Mais encore une fois, on s’était bien planté. A peine un an après l’exceptionnel From Dewee débarque donc Essential, un album qui sonne comme la quintessence de la musique des frères Dewaele  : libre, spontanée, salvatrice et incroyablement réjouissante.

La normalité ne semble pas être un concept propre aux frères Dewaele, et c’est tant mieux. Voici la preuve avec quelques-unes de leur plus belle réussites:

  • Construire un gigantesque studio qui ressemble à une oeuvre d’art ? Fait.
  • Remixer son propre album pour en faire un brulot dancefloor ? Fait.
  • Créer une quinzaine de groupes fictifs afin de nourrir la bande originale de Belgica ? Fait.
  • Enregistrer un album en une seule session pour au final ne pas garder la meilleure mais celle qui les représente le plus ? Fait.
  • Reproduire sur scène leur studio et nous offrir des lives complètement dingues avec 3 batteurs qui jouent comme un seul être ? Fait.

Si on réfléchit un peu à la carrière de Soulwax, on réalise assez facilement que le groupe n’agit que par envie de défi et par goût du dépassement. Construire une œuvre qui se veut aussi ludique que libre, s’échapper de la norme tout en gardant en tête une démarche qualitative qui les démarquera définitivement de la concurrence.

On ne devrait sans doute pas le dire, mais par moment on imagine bien que les sets de 2 Many Dj’s leur servent essentiellement à s’offrir la liberté financière nécessaire pour laisser Soulwax et le studio DEEWEE en toute tranquilité et de pouvoir ainsi exploser les carcans d’une industrie trop petite pour eux. Ces deux entités les transforment ainsi en une espère de Tyler Durden musical, infiltré au sein du système pour mieux le pirater et en exploser les diktats.

Ainsi quand la BBC Radio 1 leur propose de réaliser un de leur fameux Essential Mix, les deux frères y voient là l’occasion de faire jouer la dualité entre les deux parties qui créent leur sphère musicale. On aurait donc droit à une heure de mix à base de classiques du répertoire du groupe, de coups de cœur récents et autres joyeusetés. Et pour la seconde partie, les Belges décident de s’enfermer quinze jours dans leur luxueux studio pour créer une heure de musique inédite, déviante et obsédante tournant autour du mot “Essentiel”. Ainsi naquit Essential.

Ce qui s’exprime le plus à l’écoute de cet Essential, au delà de la qualité hallucinante des douze titres proposés, c’est la spontanéité absolue du projet. On navigue ainsi pendant une heure dans ce qui pourrait être une sorte de grosse jam, un moment de relâchement total où tout peut arriver, où tout explose et tout surprend. C’est sans doute la plus grande qualité du nouveau projet de Soulwax, nous faire croire à un produit fait à l’arrache, parfois mal dégrossi et fait sans pression, alors qu’à chaque écoute, on réalise que tout y est pensé dans les moindres détails.

Dès la présentation pleine d’humour qui introduit Essential One, tout est dit : Essential ne sera pas une heure de musique comme les autres, mais bien une réflexion sur l’essentiel, terme qui sera utilisé ici comme un mantra apparaissant en filigrane dans chaque chanson, qui n’auront d’ailleurs pas de titre, le but étant ici de nous ramener à l’essentiel : se plonger pleinement dans la musique et ce qu’elle nous apporte, ne pas séparer les chansons, vivre l’ensemble comme un tout unique, resserré et obsédant.

On aurait bien sûr des moments favoris, on pense notamment à l’enchainement Essential Four, porté par  la voix de Charlotte Adigéry  et qui n’aurait pas juré dans From Deewee . On pense aussi à Essential Fivequi nous avait déjà tant fait vibrer en live, mais au final, il semble assez compliqué de réellement extraire un titre ou un moment de l’album tant cela serait trahir la track qui précède et celle qui suit.

A bien des égards, cet Essential ressemblera pour les fans de Soulwax au petit frère de Nite Versions. Fou, libre, intense, mais visant constamment l’excellence. C’est un album qui se vit autant qu’il s’écoute, qui vibre en nous, qui nous fait ressentir des choses et qui nous ramène à quelque chose qu’on a trop souvent tendance à oublier, et qui pourtant représente l’essentiel : le plaisir de la musique.

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