Pendant que certain·es gravissent les fameuses marches du Festival de Cannes en espérant remporter la Palme d’or, un homme nommé Laylow se lance dans l’ascension de ses rêves et de son histoire. Lui aussi dévoile un nouveau film : L’Étrange Histoire de Mr. Anderson. S’il ne concourt avec personne dans sa catégorie, il est incontestablement l’un des rappeurs français avec l’univers le plus original. Encore une fois, il nous le démontre sur ce deuxième album, un projet riche en idées, un disque inspirant pour celleux qui doutent et un album qui pourra (peut-être) sauver la jeunesse.

« Ne pas essayer de parler à tout le monde » Et pourtant, beaucoup de personnes se retrouveront dans le second album studio de Laylow. Que ce soit au niveau des sonorités, des multiples prouesses techniques ou bien du propos. Mais effectivement, au cours de l’album, le Jey livre son vécu et les difficultés rencontrées à celleux « qui ont des rêves et qui, des fois, se sentent bloqués dans le tunnel et qui peinent à voir la lumière au fond ». Comme on le disait : sûrement beaucoup de monde en 2021.

Mr. Anderson : alter ego de confiance ou démon intérieur ?

Après avoir sorti l’un des albums les plus acclamés par la critique de 2020 et décroché son premier disque d’or, Laylow nous embarque dans une nouvelle dimension. Moins futuriste et fictive que lors du premier voyage, il s’agit cette fois ci d’un pèlerinage intérieur et de la découverte de son deuxième « moi » appelé Mr. Anderson. Une découverte qui, au premier abord, ne semble pas vouloir lui venir en aide. Il l’ignore, s’en méfie, et le repousse. En vain.

C’est au fil des péripéties et épreuves endurées par Laylow que ce dernier apprend à accepter la présence et les conseils de ce mystérieux némésis. Peut-être parce que c’est la première fois qu’on lui dit qu’il est différent et SPECIAL. Une prise de conscience qui se manifeste sur UNE HISTOIRE ÉTRANGE – dernier morceau du projet – et qui témoigne d’un véritable changement : « Y’en a d’autres qui vont couler comme un navire dans l’océan. Mais c’est rien parce que tu sais que t’es plus l’même. Que t’as tracé comme un chemin dans une contrée que tout l’monde croyait infranchissable ».

Help !!! Enfin !!! (les thèmes de l’album)

Le changement et l’évolution sont les deux thèmes omniprésents dans l’album. Laylow les met habilement « en images », racontant différents moments de sa récente jeunesse, lorsqu’il n’avait pas encore trouvé son chemin. Une jeunesse qui l’aura beaucoup vu traîner sur le canapé avec ses potes à jouer à Fifa. Une époque où on le recalait en boîte de nuit, le laissant errer dans les rues une bouteille de whisky à la main. Cette période, il en parle avec beaucoup de remords et de regrets. Notamment lorsqu’il aborde sa relation avec sa mère sur VOIR LE MONDE BRÛLER. Un morceau triste et violent, qui met en avant son manque de maturité et les mauvais choix qui l’ont fait grandir.

L’interlude (loin d’être anodin) qui suit le son en dit long sur l’ignorance et l’hypocrisie de certaines personnes sur certains sujets  – on est dans une chronique d’album, pas dans un édito. On en restera donc là, mais merci Laylow d’ouvrir une nouvelle porte à laquelle beaucoup n’osent même pas toquer. En prime, sa manière d’aborder la thématique est des plus originales – mais ça ne surprendra personne.

Oubliez le mode aléatoire (la construction de l’album)

Ce projet nous rappelle également que le concept d’album n’est malheureusement plus aussi « poussé » qu’il pouvait l’être autrefois. Très peu d’artistes se lancent encore dans ce genre de manœuvres – l’industrie musicale ne le permettant plus vraiment. Mais le rappeur de Toulouse ne mange pas de ce pain là, et il nous le prouve depuis un moment déjà ! Garder une cohérence et un fil rouge de la première jusqu’à la dernière track est le terrain de jeu préféré de Laylow. Un résultat qui ne saurait exister sans le travail incroyable des producteu·ricers et ingénieur·es du son qui font de L’Étrange Histoire de Mr. Anderson une véritable fiction auditive – à écouter en stéréo.

Chaque morceau représente une étape de cette lecture auditive. Les dialogues se croisent sur différentes pistes et les compositions sont placées sur mesure. Laylow se charge du reste et arrive à capter notre attention du début à la fin en faisant intervenir plusieurs personnages centraux·les, mais aussi en intercalant des interludes de manière récurrente. Des bribes de pensées et de conversations qui aident à la compréhension de l’histoire.

R9-MSN-BBC (des featurings incroyables)

Que serait un grand album sans de grandes collaborations ? C’est comme pour espérer gagner la Coupe du monde. Même si tu as Ronaldo en attaque, il te faudra toujours un grand gardien. Sur ce coup, on reconnaît l’expérience de Laylow qui aura regroupé un onze de départ plus que compétitif. Un casting belge avec Damso et Hamza ; français avec Nekfeu, Wit. et Alpha Wann ; britannique avec slowthai ; et même américain avec Fousheé. En d’autres termes, ce qui se fait de mieux. Ces featurings permettant par la même occasion de sortir de l’ambiance quelque peu angoissante et froide que nous offre le projet.

S’il fallait retenir une phrase de cet album, ce serait sans doute celle-ci : « Et t’es dur avec toi, ça j’espère, tu l’rest’ras jusqu’à la fin de l’histoire. Parce que c’est ta façon d’faire et qu’c’est la meilleure au monde ». Encore un précieux conseil de Mr. Anderson, l’autre face du Jey, qui lui aura permis de vivre son histoire pleinement. Même si elle est étrange, même si elle ne fait que débuter.

Paul-Louis Godier

Culture musicale inexistante car, pour certains, le rap n’en fait pas partie.

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