Lewis OfMan : “Je veux avant tout faire une musique cool”
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Auteur·ice : Joséphine Petit
25/03/2021

Lewis OfMan : “Je veux avant tout faire une musique cool”

Véritable magicien des synthés, nous attendions bien sagement de retrouver Lewis OfMan et ses morceaux au groove imparable. Dancy Party est enfin là en ce début de printemps, nous récompensant de cinq titres tous plus addictifs les uns que les autres. Si Attitude et Dancy Boy nous faisaient déjà danser depuis quelques mois, nous ne pouvons que nous réjouir d’avoir maintenant à portée de nos tympans les petits bijoux sublimateurs de mood que sont Las Bañistas, Siesta Freestyle et Rainy Party. Nous avons eu la chance de rencontrer Lewis pour en discuter, un samedi après-midi de mars oscillant entre la pluie et le soleil de Paris.

La Vague Parallèle : Salut Lewis, ton nouvel EP, Dancy Party, vient tout juste de sortir. Si je ne me trompe pas, sa sortie a été repoussée plusieurs fois en raison de la situation culturelle actuelle. Comment tu te sens de savoir tes morceaux enfin dévoilés au grand jour ?

© Alice Sevilla

Lewis OfMan : C’est très cool, parce que j’ai vraiment du plaisir à sortir ces morceaux. J’ai aussi l’impression que c’est presque nécessaire d’avoir de nouvelles musiques, de pouvoir donner aux gens du matériel pour kiffer. Je sens qu’il y a besoin de ça en ce moment. Je suis très content !

LVP : Justement, quelle a été la temporalité de cet EP ?

Lewis OfMan : Ce sont des chansons assez anciennes, que j’ai écrites il y a un an ou deux ans, quand je vivais à Barcelone. C’est pour ça que je suis content qu’il sorte aussi : j’ai tellement de chansons derrière. Quand tu sors un EP, les gens ont l’impression que tu as juste fait cinq chansons que tu sors en deux ans. Alors qu’en réalité, il y en a beaucoup d’autres, il y a un choix qui est fait, des choses qu’on garde pour plus tard, et j’en compose aussi d’autres tous les jours. C’est tout un processus.

LVP : En parlant de Barcelone, tu nous avais habitués à des textes en français, mais Dancy Party est un subtil mélange de titres en espagnol et en anglais. C’est la ville qui a inspiré ton écriture ?

Lewis OfMan : Oui, c’est l’esprit ! C’était une période où j’étais très influencé par Picasso et Miró, qui sont des peintres catalans. Donc forcément, il y a cette vague qui plane au-dessus. Puis je trouve l’espagnol très joli.

LVP : C’est une langue qui sonne !

Lewis OfMan : Oui, exactement ! En plus, j’aime bien cette langue parce que les chanteuses et chanteurs espagnols ont un flow. Tu vois, dans Siesta Freestyle : tagadagada (chantonne l’air) ! Ça c’est frais, je kiffe, parce qu’on se rapproche d’un style un peu contemporain de façon totalement naturelle. Je trouve souvent qu’en chantant en français avec un flow, on peut très vite aller dans des choses qui m’angoissent.

LVP : Est-ce que Barcelone a apporté autre chose que sa langue à tes morceaux ?

Lewis OfMan : Oui, énormément de rêverie et de réflexion, du fait d’avoir l’impression de vivre en vacances. On se balade dans la rue, on marche, et on a le sentiment de progresser dans sa vie. Tout ça, ça renforce la création : le fait de marcher, d’être inspiré en marchant, d’être inspiré même en allant acheter des bananes, ce qui n’est pas le cas à Paris pour moi ! (rires)

 

LVP : Si on revient un peu en arrière, comment as-tu commencé la musique ?

Lewis OfMan : À l’époque du lycée, j’avais un groupe dans lequel je faisais de la batterie. Mais j’avais aussi un synthé chez moi, et je jouais un peu comme ça, c’était mon projet personnel. Un pote m’avait montré l’application GarageBand, qui est géniale parce qu’il y a plein de synthés disponibles, et tu peux faire des réglages différents sur chacun. C’est comme ça que j’ai beaucoup appris sur le fonctionnement des synthés, grâce à GarageBand sur iPad. À ce moment-là, je faisais mes petites chansons, que je mettais sur SoundCloud avec le nom “Lewis OfMan“. J’avais une liberté totale, et personne ne le sait, mais mon rêve c’était un peu qu’il y ait des filles qui le découvrent. C’était ce qui me poussait à faire des chansons (rires). Et puis, ça a commencé à se faire connaître dans mon lycée, et surtout, les gens préféraient ces chansons-là aux chansons de mon groupe. Ça m’a conforté dans mon idée. Après, j’ai eu mon ordinateur avec une carte son, et j’ai commencé à faire des remix où je prenais l’a cappella d’une voix pour en faire une chanson. C’était plus qu’un remix d’ailleurs, c’était une autre version. C’est comme ça que c’est devenu plus accessible, un peu moins électro instrumental, et avec du matériel pour danser. Alors, j’ai remixé les Pirouettes, et ils m’ont proposé d’être batteur pour toute la tournée de leur album. C’est là que j’ai eu un énorme entraînement où j’ai fait des milliards de concerts, même à la télé, pendant qu’en parallèle je produisais aussi Vendredi sur Mer et Rejjie Snow. Tout ça s’est passé à peu près sur la même année.

LVP : Les voix féminines ont une place importante au sein de ta musique. Tu peux nous parler de l’artiste qui chante sur Siesta Freestyle ?

Lewis OfMan : Alicia te quiero fait partie de Cariño, qui est un super groupe de pop-rock espagnol presque punk. Elles chantent toutes les trois, et leurs chansons sont vraiment géniales. Je les avais vues débouler dans un petit festival où elles jouaient juste après moi, et j’avais été scotché par l’énergie du trio. Quelques mois plus tard, à l’Apolo, qui est un énorme fumoir avec du son à Barcelone, il y avait un petit festival avec des groupes underground de la pop espagnole. Elle était là et chantait avec son copain. Ils avaient un projet tous les deux, et sa voix était géniale ! Je suis allé la voir. Je lui ai dit que j’adorais sa voix, et elle m’a dit qu’elle adorait mes chansons : ça s’est fait assez vite au final.

 

LVP : Tu te rapproches de certaines esthétiques plutôt vintage liées aux sons que tu utilises, ainsi qu’à tes influences je suppose, et à la fois il y a quelque chose de très moderne et actuel dans tes morceaux. D’où vient cet équilibre à ton avis ?

Lewis OfMan : J’aime beaucoup mélanger les choses, et je veux quand même avant tout faire une musique cool. Ça passe par le fait d’être aware de ce qui est cool, d’écouter tout, de savoir faire un peu tout, et d’arriver à faire une œuvre qui mélange toutes ces choses-là et qui me plaît. Donc oui, ça passe par le fait d’avoir des influences un peu rap, un peu plus modernes, et en même temps connaître des albums inconnus des Stones, des trucs de bossa nova, de cumbia : tout ! Et puis savoir aussi mélanger tout ça. J’aime chaque chanson pour des raisons particulières, et c’est très important de connaître les racines d’un morceau, de savoir d’où vient son énergie.

LVP : D’ailleurs, en attestent beaucoup de tes morceaux et même le titre de ton EP, Dancy Party, on sent chez toi un attachement au plaisir de la fête et de la danse, grâce à une écriture soignée sur le rythme et le choix des accords. C’est une chose qui t’importe et à laquelle tu fais attention, ou bien ça te vient naturellement ?

Lewis OfMan : Un peu naturellement je pense, c’est plus que j’ai des réflexes de son. C’est du feeling, et je me dis souvent “ah là je le sens bien ce son”. Ou alors c’est un son qui me fait rêver aussi.

 

LVP : Tu avais prévu de jouer à la Gaité Lyrique il y a presque un an pour nous présenter tes nouveaux morceaux. Si tu devais le refaire aujourd’hui, est-ce que le set serait différent après une année de plus de gestation ?

Lewis OfMan : Oui énormément, parce qu’entre-temps j’ai fait des chansons bien plus intériorisées. C’est une période qui m’a permis de me concentrer sur qui je suis et comment je veux m’exprimer. Là oui, le set serait vraiment différent, j’ai des chansons qui défoncent !

LVP : C’est un énorme teaser ! (rires) En parlant de live, tu as réussi à exporter ta musique dans le monde entier, ce qui t’a donné l’occasion de tourner aux États-Unis ou encore en Chine. Est-ce que ça a changé quelque chose pour toi dans ta manière de concevoir ta musique ?

Lewis OfMan : Bien sûr, parce que je me dis qu’on est sept milliards, et que forcément, si mon son me plait, il va aussi plaire à d’autres gens. Si l’énergie que tu mets dedans est honnête, en général, ça se transmet bien. Par exemple, ma chanson Je pense à toi est très populaire en Chine, alors qu’ils ne comprennent pas les paroles. Je pense que j’ai dû y mettre une énergie qui a fait qu’au-delà de comprendre, les gens ressentent le morceau.

© Alice Sevilla

LVP : Le passage à l’anglais et à l’espagnol, c’est lié à ça aussi ?

Lewis OfMan : Plus ou moins, Parfois, il y a des choses que j’ai envie de dire en anglais parce qu’en français elles auraient l’air un peu moins cool. Je ne sais pas pourquoi mais l’image qui me vient en tête là pour l’illustrer, c’est un rouleau de papier toilette sans papier (rires). En français, ce n’est pas la même chose, c’est difficile pour moi de faire quelque chose qui soit juste. Parfois, on peut dire bien plus en disant moins. Tu vois, je considère que la sensation dans Je pense à toi, elle est brut, elle est là.

LVP : C’est tourné vers la simplicité finalement.

Lewis OfMan : Oui, et à mon avis, si j’avais dit “je pense à toi” de plein de façons différentes, dans le canapé, à l’hôtel, et avec des adjectifs pseudo-esthétiques, ce ne serait pas la même chose. On aurait l’impression que je cale des mots stylés en français simplement parce que c’est frais. En fait, j’utilise le français pour exprimer un sentiment brut. Comme là, j’ai fait une chanson qui s’appelle Regarde-moi, où je parle en français.

 

LVP : Ah, il y aura donc encore du français après ?

Lewis OfMan : Oui oui ! Parce que c’est bien pour dire quelque chose de très personnel tout en restant très simple. Sinon, si tu veux juste caler une voix cool, tu balances de l’anglais. C’est chill, et on se moque un peu de ce que ça raconte : ça sert à ça.

LVP : Tu as enfilé le costume de producteur pour plusieurs artistes déjà, dont Rejjie Snow ou encore Vendredi sur Mer, qui ont des esthétiques plutôt différentes. Est-ce que tu sens que ces expériences ont fait évoluer ta manière de composer pour toi ?

Lewis OfMan : Oui totalement, parce qu’on se rend compte qu’on travaille mieux avec d’autres gens, et on se demande pourquoi. Alors on applique ces réflexes à soi-même, après avoir vu comment on pouvait travailler sur d’autres projets, comme on avait moins la flemme, et plus d’idées. Moi, c’est à ça que ça m’a servi. C’est aussi très intéressant de savoir qu’il y a des idées auxquelles on ne s’attendait pas qui sont en réalité très bien.

LVP : Tu sembles aussi plutôt proche du milieu de la mode, je pense aux costumes qu’on a pu te voir porter sur scène, ou encore aux défilés sur lesquels on a pu entendre tes titres. Est-ce que c’est quelque chose d’important pour toi dans la construction de ton image en tant qu’artiste ?

Lewis OfMan : Totalement ! En fait, je suis très inspiré par la mode, surtout en ce moment. J’adore regarder les défilés et les replays, c’est tellement beau ! Surtout les défilés Chanel, c’est magnifique, grandiose. Avec le cinéma et l’art contemporain, ce sont les derniers arts qui restent gigantesques et ont une certaine aristocratie que j’aime bien. J’étais ravi de voir Karl Lagerfeld arriver avec les gens de son monde. Je suis content qu’il existe encore des choses de cette ampleur qui sont belles et font rêver. Ça m’inspire, et quand j’ai l’honneur d’en faire partie c’est encore mieux.

LVP : Pour finir, tu peux nous dire ce qui tournait en boucle dans tes oreilles pendant l’écriture de l’EP ?

Lewis OfMan : C’était une compil KPM Series. Ce sont des compilations de library music, comme des soundtracks, qui sortaient plus ou moins libres de droits à l’époque. Il y a bien quarante mille playlists KPM ! Mais il y en avait une que j’avais trouvée géniale, avec des chansons qui faisaient vraiment rêver. Je me souviens d’un titre en particulier qui s’appelait Time To Fly. Et moi, j’étais à Barcelone, en décembre, il faisait très beau, je voyais les mouettes qui passaient, et j’écoutais Time To Fly. C’était génial. Là, quand j’en parle en gueule de bois, dans un Paris gris, et avec un masque sur ma gueule, franchement, je suis triste (rires).

© Alice Sevilla

 

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