| Photo : Théo Gosselin
Si on suit L’Impératrice depuis leur single Vanille Fraise, une chose n’a jamais changé : la capacité du sixtet à nous faire bouger des hanches. Déjà sur la tournée de Matahari, le groupe avait fait sensation avec leur live pétillant et distributeur de bonnes vibrations. Les Français nous offrent ce vendredi 26 mars leur nouvel album Tako Tsubo, avec toujours plus de groove – infiniment visuel et dansant. Du rouge pour la passion et du bleu pour les sentiments, les couleurs d’un tout nouveau périple. Y embarquer, c’est se laisser aller.
Impossible de rester immobile quand on entend une chanson de L’Impératrice. Leur but, c’est de nous faire groover avec leur gracieuse french pop. Depuis Matahari, deux ans se sont écoulés, une réédition avec des titres en anglais, et au moins dix confinements. Mais le pouvoir du groupe est toujours puissant. Toujours dans la recherche des noms d’albums sortis d’autres contrées, ils reviennent avec Tako Tsubo, qu’ils décrivent elleux-mêmes : “syndrome qui se manifeste par une déformation du cœur due à une intense émotion, négative ou positive. Et qui à ce jour n’a encore trouvé aucun remède.” Le projet dit les choses, des choses vraies et des dures réalités avec une mélancolie sous jacente qui se ressent par exemple dans le titre éponyme, qui se déguise en douce interlude.
Syndrome des cœur brisés, dans cet album, il y a. Peut-être un des sujets les plus lucratifs pour l’industrie, mais nos ami·es de L’Impératrice n’ont pas peur de le réinventer. Faire groover sur les cœurs brisés, c’est quand même le meilleur des remèdes. Cette fois-ci, ce groove se fera mi-français, mi-anglais, ce qui avait déjà été annoncé par le banger Voodoo? « Is it music or new voodoo ? » « Can I resist this, Am I off my head, what’s shaking my hips ?”. Tous les instruments y étaient bien représentés pour donner la place à chacun·es des membres du groupe, et c’est ce qui fait la richesse de leur musique. Et cette ligne de basse, bon dieu !
Les super titres qui racontent l’amour déchu s’enchaînent et on ne peut contrôler notre envie de les aimer. D’abord avec le génial Hématome et son influence funk. « Je t’ai tellement regardé sans rien dire, j’aurais pu compter tous tes atomes. J’aimerais partir mais j’ai rien a fuir. Je t’ai dans la peau comme un hématome » – de la douce voix de Flore qui rend chaque chanson poétique. Tant d’amour perdu s’annonce alors envoutante. Une reprise de Michel Berger qui se présente comme un morceau digne de l’héritage de la chanson française. « Tant d’amour perdu, tant de caresse retenue, tant d’espoir déçu, par le temps qui passe ». Un production très simple, synthé et tempo lent, beat omniprésent. Une jolie chanson d’amour triste, apportée avec beaucoup d’humilité.
Même si Fou nous avait un rien déçu, on comprend sa place dans l’album et on danse dessus sans trop de problème. Une track qui a réellement retenu notre attention, c’est Peur des filles, hymne sarcastique féministe par excellence. « Tu dis ça t’es pas macho, mais c’est pas des gens comme il faut » « T’as peur des filles, elles sont bien pire que ce qu’on croit. Elles se transforment une fois par mois ». Là on voit beaucoup le tournant dans l’écriture des paroles sur ce projet. On y fait plus attention, il n’est plus seulement question de danser mais de chanter avec elleux aussi. Le titre s’accompagnait d’un clip déjanté sorti du milieu de siècle américain, réalisé par Aube Perrie. Visuel canon pour un autre banger.
Puisque le groupe a décidé de parler de choses vraies et omniprésentes dans la société pour l’instant, il y insère des titres qui parlent des mécanismes de l’industrie. D’abord avec L’équilibriste, un rien plus mélancolique dans la production, toujours avec ses beats percutants, presque psychédéliques par moment. “J’aurais voulu être un rappeur ou musicien d’ordinateur. Un disque d’or en moins d’une heure, ma tête en grand et en couleur”. Une analyse assez représentative de ce qui fonctionne aujourd’hui sur la scène musicale, alors que beaucoup d’artistes restent dans l’ombre de la simplicité de leur prose, se refusant à être trash pour faire vendre. Ensuite avec Tombée pour la scène, titre stellaire qui relate l’histoire d’une météorite tombée sur la scène, qui voudrait désespérément qu’on l’aime. Encore une ligne de basse qu’on n’oublie pas, qui fusionne avec ces synthés venus d’une autre dimension. Mention spéciale pour Digital Sunset et ses violons qui font du bien par où ils passent. Off to the Side et Submarine qui s’amusent avec leur structure, loin du canva pop qu’on aurait pu leur attribuer. Le système couplet-refrain-bridge se fait la malle sans trop nous perturber.
On pourrait s’attarder sur chaque titre mais on vous empêcherait de découvrir l’album en dansant devant votre miroir – et comment vous priver de ce bonheur ? L’Impératrice porte donc bien son nom, restant à la tête de l’empire de la french touch. La recette fonctionne si bien qu’il est difficile de trouver un groupe similaire pour l’instant dans la francophonie proche. Dans l’intention, on se rapproche de groupes géniaux comme Parcels du côté anglophone. Alors, cette musique, c’est le coucher de soleil du futur, avec ses feelings nostalgiques mais avant-gardistes. Cette disco pop – presque funk – du groupe fait tout oublier, pour mieux nous téléporter au soleil. Tout y est doux mais loin de l’utopie des champs fleuris. Sur Tako Tsubo, nouvelle planète de notre système, on vit allègrement. On y parle des choses vraies, sans filtre. On y vit libres, et déshinibé·es, prêt·es à danser sur notre mélancolie. Un voyage qu’on rêve de faire sur une vraie scène, autour d’autres cœurs en quête d’un remède contre le vertige amoureux qui les habite. Merci Charles, David, Achille, Tom, Hagni et Flore pour cette poésie dansante.
Mes articles sont plus longs qu’un solo de jazz.