Listen Festival 2023 : couverture sporadique d’une fête insaisissable
"
Auteur·ice : Rédaction
08/04/2023

Listen Festival 2023 : couverture sporadique d’une fête insaisissable

On se remet enfin d’une semaine chargée en ondes sonores, en mouvements de type très dansants et en foules du genre très déterminées. Et nous profitons de la nostalgie encore toute fraiche de cette édition du Listen Festival pour replonger dedans quelques instants. Debout, assis ou couché·es (genre le lundi qui suivait) on a été captivé·es, transcendé·es et charmé·es. Ici, on vous parle de 7 soirées dans des endroits clés de la nuit bruxelloise – là où tout se passe, oui oui –  tous genres musicaux, ambiances et publics confondus. Nous en retenons une exploration sans limites de la musique, un dialogue constant avec le public et une grande liberté d’expression, tant du côté des artistes que des festivaliers.


30/03

Listen Presents Nosedrip B2B Emily Jeanne & Donia @Imprimerie

I Photo : Maryan Sayd

L’espace est rythmé par des conduits d’aération, des ventilateurs, des escaliers en métal et d’autres trucs usiniers. Je commence à comprendre où je suis et j’essaye de comprendre ce que j’entends. Une musique déstructurée, composée de basses lourdes et persistantes, contrastées par des percussions plus légères et inattendues. Donia mêle une atmosphère électro, ambient-house avec des sonorités tropicales. Ensuite, le rythme devient plus régulier et plus entrainant, la cadence augmente et l’envie de danser aussi. On quitte une musique ambiante, expérimentale pour des beats afro super excitants auxquels s’ajoutent des sons qui ont l’air de sortir tout droit de la nature, tout en restant électro. Pas de mélodie, juste un rythme dansant et des sons captivants. Il y a quelque chose de terrien dans la musique. En effet, les basses semblent venir du sol et nous attirent vers lui. Une sorte de chaleur qui contraste avec les éléments métalliques et froids de la salle.

Nosedrip et Emily Jeanne prennent possession des platines et balancent directement un kick répétitif avec des sons acides et métalliques. L’accent est mis sur l’atmosphère, plus dark et froide, en totale concordance avec l’environnement industriel. Le duo oscille entre la dark ambient et la minimal techno en ajoutant, sur des notes continues, des sons acides et futuristes, mécaniques et électroniques. De temps en temps, les battements rappellent le sentiment tribal que Donia transmettait durant son set, nous ramenant à la terre. Ceci-dit, la musique des deux DJ est plus aérienne, avec des ondes sonores légères et des notes acides constantes qui semblent flotter dans la salle. Un esprit plus “club” envahit le public qui danse à fond sur un bpm qui ne dépasse pourtant pas les 130bpm.

 

31/03

Listen X Stroom @Reset

I Photo : Jonas Reubens

Le public, noyé dans un brouillard rouge, s’enfonce dans les sièges de l’auditorium. Dali Muru & The Polyphonic Swarm (anciennement FITH), vont bientôt devenir une petite révélation. C’est Nosedrip, dont le set nous a fait danser la veille à l’Imprimerie, qui invite le groupe avec son label STROOM. La poésie de Dalia Neis retentit, les réverbérations de sa voix se mêlent à des sons électro mélodieux et à des rythmes orientaux. Le ton monotone et grave de sa voix est accentué par les notes continues d’une guitare électrique, qui crie parfois. S’y ajoutent des sons inattendus d’instruments presque oubliés, comme un orgue, des cloches ou même une guimbarde (j’ai du le Googler celui-là : instrument métallique qui produit un son de ressort ou de coassement). Un drôle de mix entre atmosphère électronique et sonorités anciennes, nous ramenant presque à quelque chose de médiéval. Et nous voilà séduit·es par cette fusion électro-archaïque, qui témoigne d’une grande exploration et expérimentation des sons.

Après une (trop longue) pause, c’est au tour d’Ana Roxanne de captiver la salle avec sa basse et son looper (appareil électronique qui enregistre un son et le répète en boucle continue). Avec une incroyable tendresse, sa voix angélique flotte sur des accords créés en direct, à partir de notes chantées qu’elle superpose grâce à son instrument. On a évidemment droit aussi aux mélodies que l’on reconnait de ses dernières sorties, comme les arpèges de I’m Every Sparkly Woman ou l’instru et les accords hyper apaisants de Camille. L’artiste nous emmène dans ses rêves, ou dans les nôtres, avec, souvent, une pointe de mélancolie. On aurait aimé que ça dure un peu plus longtemps mais on en ressort quand même détendu·es et touché·es.

Listen X Botanique

Ι Photo : Simon Leloup

Alors qu’en ce dernier jour de mars la météo a décidé d’être aussi expérimentale que la programmation du Listen Festival ce soir-là, les personnes les mieux habillées de la Capitale commencent doucement à remplir le lumineux corridor des serres du Botanique. Ce dernier me mènera d’abord à l’Orangerie, où une cinquantaine de personnes encore bien sages se trouvent déjà pour écouter la musique difficilement classable mais facilement appréciable de Lazza Gio. Littéralement chez elle à Bruxelles et aussi mouvante qu’à l’aise sur scène accompagnée de sa DJ, on apprendra à la fin du show que l’ambiance emo dans laquelle nous sommes plongé·es depuis une demi-heure provient de morceaux totalement exclusifs. Privilège.

Histoire de ne pas passer ma soirée à l’Orangerie, je passe une tête à la Rotonde où un Basile3 stoïque semble être en train de raconter un conte ambient à un public captivé et détendu par les basses qui font vibrer ses fesses assises. L’intime salle située sous la coupole centrale du Bota semble avoir été créée pour ce moment. Que je ne terminerai pas car Jwles m’attend déjà sur la scène aux agrumes. Et il a dû en manger beaucoup vu l’énergie qu’il déploie à rapper tous ses sons devant Bob Marlich qui assure les backs en même temps qu’il mixe. Alors qu’on se demande parfois si on assiste à un concert house ou rap, Jwles, quand il ne nous régale pas d’un de ses pas de danse, enchaîne ses classiques devant un public qui bien que non-acquis à sa cause, a l’air désormais envouté par le zin. Le roi français du DMV flow finit d’électriser la pièce, d’abord en invitant sur scène Poison Anna, rappeuse avec qu’il a récemment sorti 96 HEAT, puis en terminant avec les efficaces 2001 et Argentine. La bête de scène se retire le sourire aux lèvres, face à un public définitivement réveillé, et pas moins heureux.

Le sourire quittera malheureusement quelques visages venus voir en masse la tête d’affiche de la soirée en la personne de l’insondable COUCOU CHLOE, qui aura du mal, en live, à se mettre au niveau de la qualité de ses productions post-club. Je pensais donc être tranquille en regagnant la Rotonde. C’est que j’ignorais que se tenait là une messe contemporaine dite par ML Buch devant une assemblée pleine à craquer de fidèles. Le moment semble hors du temps dans cette salle à la réverbération si spéciale que l’artiste, de sa voix céleste et de ses multiples machines, utilise à merveille. Le public averti de sa musique nourrira d’applaudissements la Danoise au visage scanné par les lumières. Je sors quant à moi converti, me promettant de ne plus écouter que cette pop des temps modernes. Le reste de mon temps sera accaparé par des rencontres fortuites (c’est aussi ça le Listen Festival), avec qui, sur la terrasse mouillée d’une pluie ininterrompue, fut discuté de la légitimité à considérer la Plugg music comme du rap. Un débat d’étiquettes que les artistes aux genres mêlés programmés ce soir-là ont, par leur qualité, rendu obsolète.

Listen X Alia X Maloca Records

Quoi de mieux pour entamer le week-end qu’une bonne soirée galère à l’extérieur de Bruxelles sous une drache bien présente ? Mais rassurez-vous, c’est pas quelques gouttes qui ont fait peur au public bruxellois, loin de là.

C’est toujours une aventure d’aller au Buda, la pré soirée se passe dans la navette, tu jettes un œil aux tenues, aux grooves, aux looks les plus sexy… C’est comme faire la queue pour rentrer en boîte mais dans un bus de la STIB et avec une forte odeur de clope et de vodka qui colle au sol. Le rock.

Sinon, musicalement parlant, l’une des plus grosses soirées du festival a tenu ses promesses. Un set éclectique de La Dame pour ouvrir le bal (oui, on a raté les premiers sets parce que bon, même si on soutient, c’est difficile d’arriver trop tôt à une fête) et s’en suivent toute une ribambelle de masterclass de la rythmique. LTJ Bukem et Ruthless MC ont transformé Vilvoorde en une petite London avec leur énergie et désormais légendaire ID’n’B (intelligent drum and bass). Le Motel et MC Magugu ont prouvé qu’on devait leur laisser encore plus de place sur la scène de la musique électronique et que Maloca Records était devenu l’une des pointures en termes de basses et de rythme. Que dire du set d’AliA, qu’on ne présente plus, qui n’étonne même plus tant on est tou·tes charmé·es par son ascension fulgurante, c’est comme si on voyait notre pote devenir une rockstar en quelque sorte. Puis la soirée s’est tranquillement transformée en réelle messe électronique avec la parole divine de DJRUM, qui, pour moi (oui, je me permets de parler ultra subjectivement), est l’un des meilleurs producteurs et DJ de ces dernières années (si ce n’est le meilleur). Si vous arrivez à choper quelque part son set, faites tourner, c’est une leçon de musique électronique.

 

01/04

Listen X Under My Garage X Kalahari Oyster Cult X Chanoirs

Un samedi chargé, c’est forcément synonyme de choix et de sacrifices en matière de festivals. On aimerait bien être partout à la fois, mais comme la démultiplication n’existe que dans les dessins animés et les mangas, on a fait à notre sauce pour vous détailler ce qu’il s’y faisait un peu partout dans Bruxelles. Du coup, dans notre mythique galerie préférée du C12, une triplette sans limites a investi les deux salles pour une longue nuit faite de monts et merveilles. Under My Garage x Kalahari Oyster Cult x Chanoirs, rien que ça.

Une soirée à taille humaine a commencé avec un C11 bouncy, diversifié et quasi familial. Toute l’équipe de Chanoirs était là pour porter haut et fort les couleurs de leur univers, déconstruisant le dancefloor à foison avec les tracks létales de Lux18. Tantôt équipé d’une casquette pour ses tracks plus bling bling, tantôt portant élégamment un chapeau de cowboy (oui en club, ça le faisait grave) pour ses tracks plus trashy, il a su amorcer (et clôturer) cette soirée à la perfection. Sinon entretemps était invité le boss marseillais Shlagga, du Metaphore Collectif, et NVST qui ont tou·tes deux assuré en portant sur leurs épaules la responsabilité de redynamiser et moderniser la notion de club night.

Dans le C12, une toute autre bataille était livrée, celle du souverain Rey Colino, qui était là en B2B avec Isabella, pour un set à quatre mains qui n’arrêtait pas de surprendre, de par sa volonté de mixer des styles différents, à la fois qualitatifs et festifs. On avait l’impression d’être à la fois dans une rave dans un hangar désaffecté et en même temps sur une plage paradisiaque croate pour l’un des nombreux festivals de l’été. Pour le dépaysement, le pari a été gagné. Puis s’en est suivi une prestation incroyable d’Objekt, l’un des ovnis de la scène berlinoise. L’un des artistes qu’on ne comprendra jamais, et c’est tant mieux. Surprenant, rebondissant, abstrait et très décomplexé, il nous a conforté dans l’idée de rester jusqu’à la dernière seconde car chaque track méritait d’être écoutée sans en perdre une seule miette. Chapeau.

Listen x Ancienne Belgique present Tsar B

Ι Photo : Simon Leloup

Nous avons eu le grand honneur d’assister à une soirée d’exception à l’Ancienne Belgique. Sortie des tréfonds du classique et du baroque, Tsar B nous présentait son album to the stars qui n’avait pas manqué de nous toucher virtuellement. C’était encore un autre type de sentiment que nous avons vécu physiquement ce soir-là. Nous sommes passé·es par un emotional rollercoaster aux côtés de l’artiste et son band, mais toujours dans un espace de confiance, d’humour et de beauté musicale. Nous restions d’ailleurs pendu·es aux paroles de l’artiste qui ne manquait pas une occasion de nous faire rire. Le moment était tantôt “very very sad” comme le commentait Tsar B avec des titres comme la reprise de Terra mia sous un silence spirituel, tantôt techno et sombre pour un moment instrumental intense, avec des vrais instruments.

L’ambiance changeante nous a pris·es par les tripes mais avec beaucoup de gentillesse, de celle qu’on s’accorde de temps en temps pour mieux apprécier la musique. Nous restions d’ailleurs sans voix devant le talent de la multi-instrumentiste flamande qui nous proposait des solos de violons sortis des enfers, mais pas seulement, accompagnée de musicien·nes lui prêtant leurs talents (basse, violoncelle, claviers, etc.) le temps d’un live. Nous oublierions presque de vous parler de la première partie, tout aussi intense en talent, Shoko Igarashi qui jouait dans une ambiance qui convenait parfaitement à son projet. Des lumières presque disco pour une musique qui se joue de plein d’astuces pour les tourner à son avantage, toujours sous le superbe saxophone, entre autres, de Shoko. Jusqu’à un moment sous une fumée très dreamy qui lançait la clôture du set, avec une chanson sur la pluie – un sujet très belge finalement.

 

02/04

Listen X Spek X Gay Haze @Buda

I Photo : Maryan Sayd

Comme un dimanche après-midi dans un hangar, au milieu de centaines de personnes qui dansent, s’embrassent, s’enivrent de musique, d’amour, de vie et d’autres trucs… Il est 16h, la grande salle (Room01) est à moitié remplie. Est-ce qu’il reste des survivant·es de la teuf, présent·es depuis le début, la veille à 23 heures ? En tout cas l’énergie ne manque pas, la musique continue de faire vibrer les murs et bouger les corps. La Room02, plus petite, elle, est pleine. C’est Gamine qui fait tourner ses vinyles pour un set de 4 heures. On danse sur de la minimal techno avec des sons dark et métalliques, parfois un peu moléculaires, ou sur de la acid house avec des notes plus colorées. Après 2 heures de mix, le DJ bruxellois exalte son public avec le légendaire Réincarnation de Country & Western, un classique house dont la mélodie mythique (vers 2:30 d’écoute) met tout le monde d’accord. Sans hésiter, on signe encore pour deux heures de set.

Alors que la Room02 est sensée fermer après le set de Gamine, Sixsixsixties, qui mixait dans la première salle plus tôt, nargue la programmation et revient pour faire durer le plaisir. Donc la  soirée continue et les corps se lâchent sur de la house, plus funk cette fois. On termine avec le set magique de Byron Yeates ; il devait se produire en B2B avec l’artiste THC, qui n’a malheureusement pas pu venir. Les basses sont généreuses et la musique hyper énergique, principalement de la hard house. On bouge sur une musique réfléchie, presque scientifique tant elle rassemble tous les éléments pour nous faire danser. La salle est full et l’ambiance est folle. Les mouvements se mêlent, se répondent, forment un tout qui est trop beau à voir. La foule rentre dans une sorte de frénésie et ne peut s’arrêter. Si seulement on pouvait ne jamais s’arrêter…

@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@