Lizzo, la pétillante nouvelle égérie du body-positivisme
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
12/05/2019

Lizzo, la pétillante nouvelle égérie du body-positivisme

La version camp d’Aretha Franklin nous a été envoyée par les cieux pour nous gâter de générosité et d’extravagance. La sulfureuse Lizzo a troqué sa flûte traversière pour trôner sur la pop colorée des charts avec son album Cuz I Love You. Une ode au self-love qui, à l’image du tant acclamé Invasion Of Privacy de Cardi B un an plus tôt, vous fait vous sentir comme the baddest bitch in town après quelques écoutes seulement. Adulée par les médias du monde entier, remarquée sur les plus grandes scènes, admirée sur le tapis rouge du MET Gala et bientôt à l’affiche du film Hustlers au casting explosif (Jennifer Lopez, Lili Reinhart, Constance Wu, Cardi B), 2019 semble être l’année de ce talent XXL. Décryptage d’un phénomène étincelant sous toutes ses formes. 

Du haut de ses 31 ans, la Texane a connu des tempêtes plutôt houleuses qui n’ont fait qu’endurcir le paquebot colossal qui la fait naviguer aujourd’hui sur des océans de succès amplement mérités. Mais la route fut longue et compliquée avant de pouvoir twerker fièrement, rondeurs en valeur, sur les scènes du Coachella. Peu après sa seconde année à l’Université de Houston où elle y étudiait la musicologie, Melissa Viviane Jefferson (de son vrai nom) perdra son papa. Un événement tragique qui la poussera, à l’âge de 20 ans seulement, à entamer un voeu de silence qui durera plusieurs mois. Une privation drastique qui lui laissera un temps de réflexion fructueux qui la poussera à se tourner vers le monde de la musique. Un choix presque évident pour cette pure mélomane balancée dès le plus jeune âge entre Lil’ Flip, les Destiny’s Child ou, plus étonnement, Debussy ! En effet, elle se découvrira une passion toute particulière pour la musique classique et s’épanouira même en tant que flûtiste. Des talents surprenants à admirer sur sa page Instagram @sashabeflutingprobablement le seul endroit sur Internet où vous pourrez voir quelqu’un twerker et jouer de la flûte traversière en même temps. C’est aussi sur les réseaux sociaux que la chanteuse s’est faite remarquée pour ses innombrables messages d’acceptation et autres démonstrations d’un body positivism dont elle s’est faite reine. Un mouvement qui lui tient à coeur et qui fait écho à un lourd passé rongé par un manque de confiance en soi terrifiant et toxique. Au fil des années et grâce à un soutien inestimable, la belle brune a finalement sut transformer ses cicatrices en élans d’empowerment ou en un second degré malicieux utilisé avec un excès délicieux dans ses titres et autres clips vidéo. On notera notamment l’insolence fascinante de Truth Hurts, ode aux célibataires endurcis. Une véritable icône si engagée qu’exécuter une sélection dans le lot des citations de la jeune femme fut un véritable défi tant tout ce qui sort de sa bouche est inspirant. Yas girl.

“Je ne peux pas me réveiller un jour et ne pas être noire. Ne pas être une femme. Ne pas être grosse. J’ai toujours eu ces trois caractéristiques contre moi dans ce monde, et parce que je me bats pour moi-même, je dois me battre pour tous et toutes les autres.”

Le mois passé, elle sortait son troisième album Coz I Love You qui la met, enfin, sur le devant d’une scène qu’elle domine déjà par son charisme, son assurance et son sourire inépuisable. Un album aux sons de victoire, comme le drapeau que l’on planterai au sommet du pic qu’on vient de gravir. Son pic à elle, c’était cette fameuse image d’elle-même. Et c’est à cette estime de soi si précieuse que Lizzo dédie ces 11 pépites parfois pop, parfois rap mais toujours, toujours explosives.

“I just took a DNA test, turns out I’m a 100% that bitch.” La brûlante Mélissa a du chien et son écriture parle d’elle même : racisme, sexisme, body-shaming ou encore fuckboys, tout y passe et en prend pour son grade avec ce franc-parler irrésistible. Lizzo se lâche sur des lignes qui font sourire et des clips qui surfent avec grâce sur cette ironie fracassante devenue une véritable marque de fabrique. Le disque commence en trombes avec Cuz I Love You, produit par le génial groupe X Ambassadors. Tout en cuivres et en vocalises extravagantes, ce premier titre annonce le ton et ouvre la voie à une série d’hymnes aussi mouvementées que brillantes. Un opus qui s’invitera sur vos playlists de soirées pour enflammer vos folles nuits d’été de la funk rétro de Juice ou de l’ambiance club du succès Tempo, en featuring avec la légende Missy Elliot. L’autre grand invité du projet n’est autre que le nouveau joyau du rap US : le grand Gucci Mane qui surprend loin de sa zone de confort sur le très dansant Exactly How I Feel. On retrouve aussi beaucoup de ces basses gourmandes et refrains très pop et entraînants sur Like A Girl ou Soulmate, un condensé de positive attitude (Coucou Lorie) pimenté par la patte house du producteur OAK (Sorry Not Sorry de Demi Lovato, c’était lui). Jerome et Cry Baby, c’est un peu l’occasion pour Lizzo de dévoiler ce qu’elle a dans le coffre. Bien qu’elle n’apprécie pas être catégorisée, il faut dire que la jeune femme exploite ici avec brio sa fibre soul, et c’est somptueux. Sur Better In Color, elle vient honorer son titre d’icône queer avec une déclaration d’amour à l’amour, tout simplement. Sous toutes ses formes et toutes ses couleurs. Et si Aretha Franklin faisait un album de rap, ça donnerait quoi? Heaven Help Me vient répondre à cette question et colore l’album d’un morceau solaire et vivant. L’outro offre même un aperçu des skills aiguisés de la musicienne et de sa fameuse flûte traversière. Badass. Finalement, c’est tout en douceur et en sensualité que Cuz I Love You trouve sa fin avec le langoureux Lingerie. Sous-vêtements transparents et plaisirs charnels sont au menu et rendent hommage au sex-appeal d’une femme ronde et fière de l’être.

C’est habitée d’une force brute qui transcende chaque morceau que Lizzo brise les clichés et autres normes nocives de notre société. Un combat de tous les jours auquel un album, aussi brillant soit-il, ne mettra surement pas fin. Cependant, ce genre d’oeuvre a le mérite de délivrer un merveilleux message d’inclusion et s’inscrira comme un album à contre-courant, couillu et osé. Celui-ci est pour toutes les big fat bitches enfouies au fond de nous même.

“Mon mouvement, il est pour tout le monde. C’est une question d’inclusion. Et si je dois me battre contre toutes les choses pour lesquelles j’ai été marginalisée toute ma vie, alors je me battrai pour toutes les personnes marginalisées aussi. Et puis j’emmerde les cases, de toute façon je suis trop grosse pour rentrer dans l’une d’entre elles.”


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