Boum, elle a explosé. La bombe Jorja Smith semble enfin prête à s’imposer et à faire de ses oeuvres des incontournables de nos playlists préférées. Il y a quelques mois seulement, on vous la présentait comme cette petite pépite de Londres à la voix d’or et au talent prometteur. Aujourd’hui, s’il fallait vous la présenter, nous n’aurions même pas vraiment à le faire tant elle s’est fait un nom à elle seule. Aperçue collaborant avec Khalid, la géniale Kali Uchis ou encore le prospère Kendrick Lamar sur la bande originale de l’acclamé Black Panther, le parcours de la Londonienne est un sans faute. Cultivant un certain mysticisme, gâtant par des titres partagés au compte-gouttes, c’est avec grâce qu’elle se dévoile sur quelques scènes prestigieuses de ce début de saison de festivals. Parmi elles, celle du parisien We Love Green où nous avons répondu présents pour témoigner de la beauté transcendante de la petite Jorja, étincelante sur toute la ligne. Le 8 juin dernier, son premier album intitulé Lost & Found arrivait enfin, mettant fin à des mois remplis d’impatience et d’attentes plus hautes les unes que les autres. Verdict : on assume pleinement le terme de “reine” dans le titre de l’article.
Souvent comparée à diverses autres paires de cordes vocales, d’Amy Winehouse à Sia, on en a eu marre de ces comparaisons compulsives ci et là. Le fait est qu’il serait extrêmement réducteur de la comparer à un autre univers musical lorsque la jolie brune s’est donné tant de mal à bâtir le sien. Celui-ci est teinté d’émotions et d’états d’âme qui traversent et portent cet album somptueux dans lequel on se perd et se retrouve sans cesse, enchantés par une soul céleste.
Jorja chante l’insouciance. Dans son Teenage Fantasy, l’un des quelques titres efficaces qui lui avait valu toute notre attention, nous assistions au procès des amourettes adolescentes. La naïveté et la maladresse de celles-ci sont pointées du doigt au travers notamment d’un refrain ainsi entêtant qu’entraînant qui met en lumière le paradoxe de cet amour que nous semblons tous vouloir mais qui, une fois obtenu, ne nous satisfait pas vraiment. L’introducteur Lost and Found dépeint l’essence même de l’opus : l’égarement. Face aux faux-semblants, face aux non-dits, face à ces illusions qui nous obsèdent et nous font perdre le fil. Une thématique qui se marie avec perfection aux rythmes envoûtants du morceau et à son outro clamant avec poésie “I’m in love with the thought of you”.
Jorja chante l’engagement. Lifeboats vient nous dévoiler la face étonnante, l’arme cachée de l’artiste : son flow. En effet, la voilà ici à sublimer de sa voix suave et sensuelle une douce critique sociale très nuancée. De la solidarité humaine en plein déclin aux méfaits d’un capitalisme toxique, le XXIème siècle s’en prend plein les dents par l’ardeur d’une plume déjà très engagée du haut de ses 21 ans seulement. C’est cette nubilité qui va justement apporter à ce titre fraîcheur et légèreté face à des thématiques toujours plus grinçantes mais qui passent toujours mieux au travers d’innocents “So why do we all fall down if there’s a reason we can stay afloat?” Quel bonheur ensuite de retrouver le somptueux Blue Lights parmi les douze précieux bijoux du disque. Le titre datant de 2016 vient annoncer l’écriture prometteuse de Smith en contant une histoire poignante d’autant plus percutante au vu des divers événements mêlants police et jeunesses turbulentes dans nos sociétés actuelles. Basée sur un sample du titre Sirens du légendaire Dizzee Rascal, cette ode à la culpabilité emporte et prend aux tripes avec un sujet houleux, inspiré du vécu de la jeune métisse.
Jorja chante l’indépendance. Si Tomorrow et Wandering Romance présentent une facette ultra fleur bleue et vulnérable de l’artiste, c’était sans compter sur les émancipateurs Where Did I Go?, On Your Own et The One. Chacun à sa manière vient ainsi raviver l’esprit très affranchi et cavalier d’une Jorja Smith plus indépendante que jamais au travers, par exemple, de provocateurs “This time I’m gone. Even better now I’ve left you.” Boy, bye.
Jorja chante la tristesse. Et ça fout les frissons. Goodbyes narre le départ prématuré d’un proche et des bons moments qui lui étaient rattachés. Sur les riffs délicats de son adorable guitariste Benjamin Totten, la voix puissante et voilée de la muse vient nous chambouler et nous entraîne dans un manège de pures sensations comblant nos petits coeur d’artichauts. Don’t Watch Me Cry explore cette fragilité d’autant plus, et impossible de rester impassible face à un titre aussi beau que celui-ci. Le thème est bateau : une rupture qui fait mal, une absence qui pèse et des regrets qui rongent. Ce qui va vraiment faire la différence ici n’est donc pas vraiment l’histoire mais plutôt le récit, la façon presque attachante qu’a la chanteuse d’articuler poésie et simplicité, maturité et innocence au travers de ses lignes. Une authenticité universelle qui rend donc sa sensibilité beaucoup plus accessible, apportant cette bonne dose de mélancolie rendant l’oeuvre plus complète encore.
Pari réussi donc pour Jorja Smith qui subjugue et crée l’événement avec ce Lost & Found plus qu’abouti qui semble faire l’unanimité. A vos agendas pour admirer ses sourires ravageurs et vocalises en tout genre lors de sa première tournée qui promet d’en faire tomber plus d’un. Longue vie à la reine Jorja.
- 7 Juillet : Rock Werchter (Werchter – BE)
- 9 Juillet : Montreux Jazz Festival (Montreux – SWI)
- 9 Septembre : Lollapalooza Berlin (Berlin – GE)
- 21 Octobre : Ancienne Belgique (Bruxelles – BE)
- 22 Octobre : L’Olympia (Paris)
Caméléon musical aux allures de mafieux sicilien.