| Photo : Hendrik Schneider
Si l’enfer était un club, il est fort à parier qu’il serait queer, que la bière serait plate et pas chère, qu’on s’y amuserait beaucoup et que le nouvel EP de LSDXOXO passerait en boucle. C’est en tout cas les images qui nous viennent à l’esprit à l’écoute de Dedicated 2 Disrespect, un disque percutant et rondement mené, estampillé XL Recordings. Un projet qui offre au producteur berlinois l’occasion de poser, pour la première fois, sa voix sur ses productions brûlantes. En résultent quatre titres impétueux, à l’imagerie profane et à l’essence electroclash irrésistible.
En 2018, après avoir marqué le mouvement GHE20G0TH1K, monument de la scène rave new-yorkaise, RJ Glasgow (de son vrai nom) s’installait à Berlin, terre sainte de la techno. Là-bas, à travers ses propres rave parties répondant au nom de Floorgasm, le producteur forgeait sa réputation pleine de promesses et de syncopes fiévreuses. Dans un registre légèrement plus mainstream, on l’a notamment observé sur des remixes de pointures telles que Kelela ou de nouvelles pousses comme Shygirl. Faisant suite à son EP Whorecore en 2014 et à quelques mixtapes éparses, le revoilà avec une galette plus construite et cohérente, vitrine généreuse de ce que sa musique techno peut offrir. Des bangers taillés pour les dancefloors et autres sessions de voguing, s’insérant autant dans le monde des warehouses que des ballrooms, tous deux plus proches qu’on ne le pense, au final.
Un EP qui sonne aussi le glas des mésaventures underground et plus discrètes de l’artiste, qui semble fin prêt à délaisser l’arrière de la scène pour user de son image léchée et de son univers grandiloquent au profit de sa musique. Une transition stylistique inspirée par sa récente arrivée à Berlin, comme il le confiait au média them. récemment : “J’ai commencé à voir l’influence que j’avais sur les gens qui m’entourent en termes de culture DJ et de culture nightlife. Cela m’a donné beaucoup plus de confiance pour pouvoir ensuite me dire : ‘Vous savez quoi ? Je vais appliquer plus directement ma narration à mon approche musicale’.”
Dedicated 2 Disrespect est, en réalité, une parenthèse amorcée par une proposition du label XL Recordings dans le cadre de sa série House Bag qui nous offrait récemment un disque de Overmono ou encore de John FM. Alors que le premier album de LSDXOXO est toujours dans les tuyaux, ce format court lui permet au moins d’affirmer sa nouvelle image. Un personnage notamment habité par une force érotique décomplexée revendiquée tant musicalement que visuellement. Un éveil sexuel une fois encore inspiré de sa nouvelle ville de cœur : “Je viens d’un milieu sexuellement réprimé, très lié à la religion. Le fait d’être ici m’a aidé à m’en détacher. Les gens ici utilisent le sexe et la vie nocturne comme une soupape de sécurité extrême pour échapper aux pressions de la vie quotidienne.” Une onctueuse couche lascive et coulante nappe ainsi les pépites de l’EP, des lyrics de The Devil aux gémissements choppés de Baby ou Sick Bitch.
Au-delà de sa facette hypersexuelle, c’est également l’identité démoniaque du projet qui fait mouche. Avec une imagerie satanique assumée et sublimée, ainsi qu’un titre introducteur scandant “My devil fucks me good”, LSDXOXO ne semble pas s’inquiéter des récents incendies suite au fameux Montero de la superstar Lil Nas X. Il faut dire que la scène techno est moins rigide et fermée que la pop culture mainstream, et surtout que RJ Glasgow n’en a pas grand-chose à faire de l’opinion public. Le titre de l’EP l’annonce d’ailleurs d’entrée de jeu.
En étudiant de près les codes et les gimmicks de la culture pop et des tubes qui la constituent, LSDXOXO amène également à ce nouvel élan techno un soupçon subtil de pop. D’une part avec des morceaux sur lesquels il est désormais moins complexe de s’y retrouver, à l’instar de Mutant Exotic, là où le genre techno est maître en termes de chahut sonore.
Mais la pop de LSDXOXO passe aussi par ses références, avec des influences directes venues des contenus viraux du net ou des esthétiques en vogue du moment. Le clip de Sick Bitch, inspiré d’un cinéma black vamp gore et fascinant, prouve d’ailleurs la volonté qu’a l’artiste de démocratiser son univers à travers une artillerie visuelle soignée. L’occasion pour nous de découvrir qu’une figure techno peut endosser des allures de popstar, sans dénaturer l’essence de ses sonorités.
Caméléon musical aux allures de mafieux sicilien.