Lyra Pramuk et Lucrecia Dalt : la crème de l’avant-garde aux Nuits Bota
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
13/10/2020

Lyra Pramuk et Lucrecia Dalt : la crème de l’avant-garde aux Nuits Bota

Les Nuits du Botanique continuent de battre leur plein, le tout dans une atmosphère idyllique propre à la bâtisse qui les accueille, et surtout dans le respect des normes sanitaires en vigueur. Et alors que le festival bruxellois marquait un sans-faute de par l’organisation minutieuse d’un des événements les plus attendus de l’année, l’éclectisme de son affiche vient poser la cerise sur le gâteau. En témoigne cette soirée placée sous le signe de la scène avant-garde expérimentale. Lyra Pramuk et Lucrecia Dalt ont ainsi enchanté (ou hanté ?) une Orangerie ébahie, déconcertée, surprise et captivée. Bref : un public transporté dans l’univers si étriqué de genres musicaux flirtant avec l’audace et l’inaccessible. Vous promettre que ces concerts nous ont totalement changé serait certainement démesuré, mais vous assurer qu’on est les mêmes depuis serait probablement vous mentir. 

Lyra Pramuk, aux croisements d’Arca et d’Andrea Bocelli

Dans la pénombre de la salle s’installent progressivement les mélomanes du soir, prêt·es à en découdre avec la scène expérimentale de demain. Si sur papier l’affiche nous promettait un pur moment d’évasion, il faut dire que Lyra Pramuk a dépassé nos espérances. La Berlinoise (d’origine américaine) attire d’entrée de jeu notre attention par sa silhouette élancée et son aura délicate, contraste mesmérisant avec sa voix forte et basse. Cette voix, c’est d’ailleurs l’instrument majeur de son set. À l’aide de sa maestria de production, elle va ainsi s’amuser à distordre les vibrations de sa boîte vocale en influx électriques malléables à souhait, bases solides de ses compositions. Articulés comme des mille-feuilles de vocalises organiques et de sonorités artificielles, ses morceaux se dressent comme des symboles du post-humanisme musical. La voix se dévoile ainsi à la fois humaine et machinale, à la fois présent et futur.

Son premier album Fountain, sorti en mars dernier (et acclamé par Pitchfork), se voit ici interprété dans l’ordre, car “cela raconte une histoire.” Une narration intrigante, d’autant plus que la cantatrice n’use que de cris et de sons pour nous immerger dans la trame de l’opus. Tendril, certainement la pièce la plus “accessible”, ne manquera pas de susciter son lot d’intensité, avec notamment des envolées vocales dignes des plus grands noms du chant lyrique. Les morceaux suivent majoritairement cette même philosophie très théâtrale et dramatique, avec des crescendos intenses et vibrants. Parfois inquiétants aussi, comme sur les percutants Xeno et Mirror, dont l’esprit fantasmagorique se verra renforcé par des jeux de lumière finement exécutés. Et comme Pramuk “aime s’amuser, parfois”, c’est l’effervescent Gossip qui se chargera de dynamiser le set, offrant à voir l’artiste au tempérament si sage s’adonner à des gestuelles fiévreuses. Le mysticisme de son personnage s’estompe parfois, entre deux morceaux, lorsque la chanteuse expose son humour pince-sans-rire attachant et remercie le public du soir pour son accueil et sa ferveur. Avec certitude, on peut assurer que la scène avant-garde compte une étoile de plus en son sein.

© Photos : Lucinde Wahlen 

Lucrecia Dalt, patronne de la néo-musique bruitiste

Devant son imposante table de contrôle garnie de machines en tout genre, la Colombienne Lucrecia Dalt a su plonger l’Orangerie dans un univers sombre de bizarrerie et distorsions. Sa musique évite à tout prix les chemins accessibles, familiers ou encore agréables : le tout est d’offrir une expérience pleine de surprises et d’inconfort. Et ça marche ! Pénétrez les strates expérimentales de cette orfèvre des sons, qui s’amuse à additionner les bruits machinaux et à manipuler ses chuchotements pour composer des œuvres troublantes, à l’image de son morceau SecaL’occasion pour la musicienne de venir expérimenter les dernières trouvailles issues de son album No Era Sólida, paru en septembre dernier.

Dans le silence le plus complet, ébahissement et stoïcité font loi face à la multiplicité des couches qui habitent ce live. Et si les dissonances électroniques ne suffisent pas, les incantations mystérieuses hispaniques, susurrées au micro, donnent à la salle des airs de culte satanique. Une expérience hors du commun, un concert comme vous n’en avez jamais vu/entendu. Du grand Lucrecia Dalt.

© Photos : Lucinde Wahlen 


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