MàD : incursion au cœur du rap queer militant
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Auteur·ice : Augustin Schlit
24/03/2023

MàD : incursion au cœur du rap queer militant

Photo | Louise Duquesne

Le weekend dernier, dans l’illustre enceinte du Théâtre National, se tenait la toute première édition du festival MàD (Mots à Défendre). Un événement hybride s’étalant sur deux weekends, mettant à l’honneur les mots sous toutes leurs formes mais toujours sur fond de militantisme, prônant la liberté du discours comme arme poétique et fédératrice. Au cœur de ce programme chargé, Joëlle Sambi, activiste LGBTQIA+ et poétesse bruxelloise reconnue, nous avait concocté un plateau rap queer militant qui a retenu toute notre attention.

Il faut dire qu’il y avait de quoi être curieux·ses, puisque parmi les cinq artistes annoncé·es, une seule était connue de nos services. C’était donc l’occasion rêvée d’élargir nos horizons musicaux ainsi que de célébrer une scène qui peine encore beaucoup trop à sortir des sphères initiées. On apprécie d’ailleurs d’autant plus qu’un tel événement ait pu prendre place dans un lieu aussi renommé que le Théâtre National, avec tout le rayonnement que cela implique. Même si, il faut l’admettre, la configuration assise de la grande salle rendait laborieuse l’atmosphère festive que souhaitait générer cette soirée.

                              

Photo | Louise Duquesne

Qu’à cela ne tienne, entre deux rangées de chaises, nous avons eu le plaisir de voir se succéder une série de projets aussi riches que variés, tous réunis sous le signe de l’engagement féministe militant. Ouverture du balle avec Dibby Sounds, jeune artiste nous arrivant tout droit de Genève. Une entrée en matière sans préliminaires dans la lutte pour la représentativité queer, que nul ne semble mieux incarner que ce dernier. Avec des titres comme NO HOMO, PÉDÉ ou ARC-EN-CIEL, il dépeint avec véhémence le quotidien d’un jeune homosexuel fan de rap ayant grandi en banlieue, et des dissonances sociales et cognitives qu’une telle incompatibilité présumée peut générer.

Photo | Louise Duquesne

Ce sont ensuite deux performance issues de la scène locale qui se suivent. À commencer par celle de Grace la Géante, nouvelle tête issue des quartiers sud d’Ixelles. Si elle est la quintessence de l’artiste dite “émergente”, avec un seul titre enregistré à son actif, la G impressionne par son aisance sur scène et la force de ses interprétations. De quoi nous donner immédiatement envie de miser une pièce sur cette MC qui a tout ce qu’il faut pour se faire une place de choix sur la scène bruxelloise.

 

Photo | Louise Duquesne

La proposition artistique offerte par Gender Panik est sans aucun doute la plus singulière qu’il nous a été donné·es de voir ce soir-là. Le collectif, qui se caractérise comme un espace d’expression musicale libre, où seuls sont proscrits les “mecs cis”, se vit comme une expérience plurielle. On y retrouve du beatmaking, du rap, du chant, de la danse… autant de disciplines et d’influences qui se croisent et s’unissent dans une allégresse contagieuse, dont on regrette juste la conclusion un peu abrupte due à des contraintes horaires.

Nous en sommes désormais à plus de la moitié de cette soirée qui, malgré de nombreux problèmes techniques menant à autant de quarts d’heure de retard, aura su nous surprendre et attiser notre curiosité pour une programmation dont nous ne savions finalement pas grand chose. Pour être honnête, un seul nom avait suffit à nous convaincre de nous rendre au Théâtre National ce soir-là, et ce nom, c’est celui d’Uzi Freyja.

Photo | Louise Duquesne

Nous avions déjà eu l’occasion de nous frotter à l’énergie débordante de l’artiste franco-camerounaise lors d’une performance d’anthologie à l’occasion du Fifty Lab en novembre dernier. Et une fois encore, on n’a pas été déçu·es du voyage. À peine arrivée sur scène se dégage d’elle une aura et un charisme électrisants, exacerbés par une musique puissante, brutale et cathartique à laquelle personne ne semble en mesure de résister. En quelques minutes à peine, que dis-je, secondes, elle parvient à transformer la respectable salle de spectacle du Théâtre National en une fête totale, convertissant quiconque croise son regard. Il faut dire que la recette est plutôt efficace : Sur des prods sombres à la limite de la drill, du ragga et de l’horrorcore, la MC fait démonstration d’un flow aussi technique que varié (Bang Bang, N-Lies, D.U.H.), agrémenté de gimmicks plus percutants les uns que les autres (PUSSY, POWER,…). C’est à présent une évidence, Uzi Freyja est un projet à suivre de très près dans les prochains mois, et on ne saurait trop vous encourager à ne pas manquer sa prochaine apparition en terres bruxelloises dans le cadre des Nuits Botanique le 03 mai prochain.

Photo | Louise Duquesne

Difficile de passer après une telle performance se dit-on alors que la scène se prépare pour accueillir la dernière artiste de la soirée. Mais comme nous l’avons vite compris, c’était sans compter sur la puissance de frappe de Tracy De Sá. Sans nous laisser une minute de répit, la jeune artiste envoie tout ce qu’elle a avec une hargne imparable. Ça rappe en français, en anglais, en espagnol… sur des productions lourdes et fracassantes. Un final intense et sans concessions pour conclure une soirée qu’on n’est pas prêt·es d’oublier. Merci MàD.

Photo | Louise Duquesne

 

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