| Photo : Melissa Fauve
Vous ne le saviez peut-être pas, mais Bruxelles a été le théâtre d’un évènement sismique qui a conduit à une série d’éruptions volcaniques samedi 15.02.2025 entre 16:00 et 3:00 du matin (heure locale). Un certain nombre de volcans (les spécialistes se querellent encore sur leur nombre) sont entrés en éruption, attirant ainsi une foule de curieux·ses. Vous avez peut-être remarqué le nuage de cendre qui s’est abattu la même nuit sur la capitale ? Ne cherchez plus ! Les Halles de Schaerbeek, forêt de métal percée de nombreuses vitres façon église issue de l’ère industrielle, étaient situées pile sur une nouvelle ceinture de feu. Son apparition est due à une activité électronique d’ondes (entre autres). Les spécialistes parlent d’un phénomène jamais vu et d’une activité qui aurait atteint par endroits les 160 BMP !
En raison du caractère extraordinaire de l’événement, nous avons choisi de nous appuyer sur les avis et les témoignages des scientifiques, spécialistes et autre spect-acteur·ices sonores présent·es sur place. À la suite des faits, une multitude d’informations nous ont été communiquées. Le rapport qui suit tente de revenir sur les événements auxquels nous avons été nombreux·ses à assister d’une manière directe ou indirecte. Après collecte, analyse et discussions, beaucoup ont rapproché les volcans de la ceinture de feu bruxelloise, de celui qui a rayé Pompéi et Herculanum de la carte en 79 av. J.-C. Le rapport faisant plusieurs centaines de pages nous avons décidé·e, dans un souci de clarté, de le résumer en trois phases.
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[RAPPORT D’OBSERVATION ] – ÉRUPTION BRUXELLOISE
CENTRE DE SURVEILLANCE SISMIQUE ET SONORE
Date : 15/02/2025
Lieu : Région de Bruxelles-Capitale
1.Pression, fracturation et ascension du magma
16:00. Début des activités sismiques : Les premières secousses ont été enregistrées sur les instruments de mesure. Légères mais régulières, elles annoncent un événement imminent. Chargées d’une tension latente, elles enchantent les capteurs et intriguent les chercheur·euses. Dans le même temps, les premiers spect-acteur·ices pénètrent la zone d’activité. Sur le sismographe, une première signature : Yeye. L’onde se propage, vibrant à des fréquences inédites. Depuis les profondeurs du manteau sonore, une chambre magmatique se remplit. Un magma chargé de gaz dissous et de silice s’épaissit. Lentement mais sûrement, sans en avoir pleinement conscience, les corps présents entrent dans un état de devenir-magma. La mutation s’opère en douceur, insidieusement.
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18:15. Intensification de la pression : Un second choc est détecté. Cette nouvelle onde, identifiée sous le nom de YOKOCHO, modifie la composition des forces en présence. Le fer et les silicates fusionnent sous l’effet d’une synthèse grave et envoûtante. La voûte est haute, le son résonne, la lumière se charge de bleu. L’atmosphère s’épaissit, une accumulation de chaleur est relevée. Les corps transpirent, s’électrisent. La fréquence cardiaque augmente en réponse aux basses profondes. L’air vibre d’une intensité nouvelle.
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Puis, un événement rarissime est constaté : une seconde chambre magmatique entre en activité. Nos instruments enregistrent une double signature. Devon Rexi apparaît sur un second sismographe. Un phénomène de résonance s’enclenche. Les forces s’alignent avec une synchronisation improbable. Aucune donnée scientifique actuelle ne permet d’expliquer cette coïncidence. Nous ne savons pas encore si cet alignement est spontané ou s’il s’agit d’une conjonction provoquée par des facteurs jusqu’ici invisibles.
20:30. Déformation de la croûte terrestre : Un nouvel enregistrement est effectué. Une force supplémentaire, Nikita, s’invite dans le processus. Les parois des Halles se déforment sous la pression accumulée. De petits séismes internes se déclenchent, annonçant une montée imminente. Mais une anomalie est relevée : la temporalité se trouble. Les horloges indiquent 20H30, peut-être 21H30 ? Un moment de silence ou de suspension a-t-il eu lieu ? Les témoignages divergent. Le temps se plie sous la pression sonore.
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Les capteurs détectent deux nouvelles ondes : Julie Rains et Lenxi. La tension atteint son paroxysme. La musique s’intensifie, les basses se creusent, les photons des lumières clignotantes fragmentent l’espace. Les mouvements de foule s’intensifient, générant des flux chaotiques et imprévisibles. Des signaux avant-coureurs apparaissent dans les corps. Les spect-acteur·ices signalent des sensations de flottement. La perception se trouble, la réalité se distord légèrement. Des frissons parcourent les épidermes. Les couleurs se saturent, les contrastes s’exacerbent.
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Fin de la première phase : Émanations gazeuses et montée du magma : Une fumée dense s’élève au-dessus du site d’activité. Les analyses initiales nous laissaient entendre une composition classique – soufre, dioxyde de carbone, vapeur d’eau. Mais nos instruments révèlent un tout autre mélange. Les particules en suspension sont inédites : des aérosols de lâcher-prise, des nappes de sueur évaporée, des effluves d’ocytocine concentré, et des ondes sonores en haute voltige. L’air lui-même semble vibrer sous l’effet d’une tension nouvelle, une brume électrique, entre vertige et lumière. Pendant ce temps, la montée du magma s’accélère. La surface tremble. Le point de rupture est imminent.
2.Explosion initiale, phase paroxysmale : nuées ardentes et panache éruptif.
À ce stade-ci, l’étude des événements de cette nuit soulève de nombreuses interrogations. Les forces en présence ont interagi d’une manière encore peu comprise par les scientifiques. La convergence de plusieurs chambres magmatiques sonores, la montée progressive de la pression corporelle et la dissolution des repères spatio-temporels constituent des phénomènes remarquables.
21:30. La température continue de grimper. La foule s’agglomère davantage. Les distances s’effacent au profit d’une proximité autre, charnelle. Relâchement des mâchoires. VTT et Kaito Kai prennent le relais, alimentant un flux qui charge le lieu au-delà de ses capacités. Le sismographe devient instable. Les signaux se brouillent. L’anomalie est totale. DC Salas accentue la fragmentation des chambres magmatiques, ouvrant la voie au point de rupture.
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Vers 23:00, le magma atteint l’air libre. La pression des gaz dissous chute brutalement, provoquant une explosion de grande ampleur. Coline Cornélis déclenche un drop massif. La foule explose en une fusion totale. Les lumières stroboscopiques saturent l’espace. La musique prend le contrôle absolu. Des projections s’élèvent à plusieurs kilomètres. Depuis la seconde chambre, une autre onde se joint au phénomène : Éclair Fifi. Leur convergence forme une nuée ardente qui traverse la foule à une vitesse fulgurante, consumant toute inhibition sur son passage.
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À une heure toujours indéterminée, les scientifiques enregistrent une onde, KŌMA. L’intensité atteint un niveau critique. Une masse compacte de corps et d’énergies est propulsée dans la stratosphère. La température fluctue sans cesse, mais aucun « hiver volcanique » ne se profile. Les forces en présence dispersent les flux, créant des effets multiples : dissociation sensorielle, fusion avec l’environnement, distorsion temporelle, hallucinations intenses, perte totale des repères. Les corps et les âmes se dissolvent dans une transe collective, oscillant entre chaos et extase.
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3.Fin de l’éruption et refroidissement
1:00 ? Les dernières mesures indiquent un ultime pic d’intensité. Magma Boyz et GLITTER55 repoussent les limites du phénomène, prolongeant l’activité au-delà des estimations initiales. Et puis, brusquement, les signaux faiblissent. Les instruments se dérèglent. Silence. Plus aucune donnée exploitable. Des témoins affirment que les lieux ont dû être évacué aux alentours de 3:00 (toujours l’heure locale), mais que l’activité à continué de grimper jusqu’à ce que les instruments se détraquent et qu’on perde le signal.
Le panache s’est-il effondré ? La musique s’est-elle arrêtée ? Le magma s’est-il solidifié ? Des coulées de lave plus lentes ont pu encore se produire. Une pluie de cendres à recouverte la région. Les visuels s’apaisent, retour progressif à la réalité, sensation d’étrangeté. L’espace se calme, les sons se dissipent. Les visuels s’apaisent. Contemplation du cataclysme traversé. Visages marqués, corps en apesanteur. Retour au monde “normal”, l’esprit empreint de vertige et de souvenirs incandescents. Tout est transformé. Une nouvelle ère commence sur un sol dévasté et une atmosphère contaminée.
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FIN DU RAPPORT D’OBSERVATION
Nous sommes désolé·es de ne pouvoir vous en dire plus. Pourtant nous y étions. Nous y avons senti, dansé, parlé, rencontré, ris, aimé, dragué, mangé… Des images et des vidéos en témoignent. Des traces, il y en a. Et nous l’avons aussi, avec le recul, envisagé d’une autre façon. Une éruption volcanique est un terrain fertile et un lieu éminemment subversif, mettant en jeu au moins trois dimensions : les corps comme terrains de forces incontrôlables, le chaos comme moment de bascule, et la question de la transformation avec ce qu’il reste après l’éruption.
En soirée, – sobre ou non – nos corps ne sont pas des organismes stables. Quelque chose d’autre se passe à l’intérieur. Nos corps sont des terrains de forces incontrôlables. La terre (Gaïa) elle-même est en mouvement, dépassée par la pression interne. Dans une soirée le corps est absorbé dans une pulsation collective, pris dans la vibration de la musique. High, l’esprit et le corps se disloquent, soumis à une logique autre que celle du quotidien. C’est le genre de moments où nous prenons conscience que le corps est traversé par des forces qui l’excèdent. Ce sont des états desquels sont extrait le rendement, le rationnel, le mesurable. Des espaces non productifs dans lesquels les modes d’existences se dessinent autrement.
Et puis, à un moment, tout bascule. Le chaos émerge fourmillant de possibilités. Ce n’est plus un simple état modifié, c’est une perte de contrôle, une immersion totale dans le chaos : du point de vue du volcan, il explose. Plus rien ne peut plus être contenu. Dans la soirée, autour des technicien·nes du son, la musique atteint son paroxysme, la foule est une masse en fusion. Le moment devient une dissolution, le temps et l’espace s’effacent. Ce chaos est à la fois destructeur et libérateur, il défait l’ancien ordre pour en imposer un nouveau. Il défait pour réagencer. Mais selon quelle logique ? Vers quel horizon ?
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Ce type d’expérience ne laisse pas indemne, il y a toujours une trace, une mutation. Après l’éruption, un nouveau paysage se dessine, une terre brûlée-fertilisée par la lave. Après la soirée, un silence étrange, un état flottant, un après-coup presque mystique. L’écho du rythme encore imprimé dans le corps. C’est le moment de redescendre. Ça peut parfois être doux et parfois brutal. Parfois encore, une nouvelle compréhension du monde nous traverse et s’imprime un peu plus. Une épreuve a été franchie, quelque chose a changé. Ce qui est puissant, c’est que ces expériences ne sont pas juste des états intenses, elles sont des rituels de transformation. Elles révèlent que le corps n’est pas stable et tranquille, mais agité et en constante négociation avec ce qui l’entoure.
« Proud of Magma collective ! » / « What a night ! » / « émoticône flammes » / « émoticône cœur » / « inoubliable… » / « Oh my God, quelle soirée ! » / « émoji volcan » / « hashtag éruption » / « J’ai eu aussi mal aux pieds qu’après un jour à Dour » / … est-il encore besoin de présenter le Magma Collective qui récidive pour la troisième fois avec une proposition de « mini » festival électro ? On a hésité à mettre « mini » devant festival, tant les propositions étaient riches et les ambiances variées. Durée de l’éruption : douze heures. Ressenti ? Des jours ou au contraire, l’espace d’un éclair.
| Photo : Melissa Fauve
Artiste – chercheur pluridisciplinaire. J’essaye d’écrire à partir de/avec plein de choses….