Mahmood enchante De Roma avant de briller à l’Eurovision
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
02/05/2022

Mahmood enchante De Roma avant de briller à l’Eurovision

| Photo : Nisran Azouaghe

Il y a des concerts que l’on reprend chez soi à la maison, que l’on se rejoue dans la tête sur le trajet du retour, que l’on fait resurgir dans certains moments du quotidien qui le nécessitent. Celui de Mahmood est un de ceux-là. Pas seulement parce que l’éphèbe sardo-égyptien est une icône esthétique à lui tout seul, capable de captiver vos rétines d’un bout à l’autre du show par des gestuelles lascives et une corporalité calibrée. Mais aussi et surtout pour sa musique, qui nous prouve que l’un des deux nouveau visages italiens concourant à l’Eurovision cette année est un véritable maestro. Récit d’une claque à l’italienne.

En pénétrant l’antre de De Roma à Anvers (première fois pour l’auteur de ces lignes !), on comprend vite que le concert qui suit risque d’être mémorable. Rien que pour son cadre : un gigantesque auditoire palatial aux allures de théâtre délaissé et rongé par le temps. La salle est une poésie à elle toute seule, et vient donner l’écho idéal à ces mélodrames italiens chantés par la voix intense de Mahmood. Lui-même salue la grâce du lieu, quelques jours après avoir joué au cœur d’un Bataclan gorgé de symbolique également. Sa tournée européenne dans des salles aussi prestigieuses l’indique bien : le mouvement Mahmood est en marche et, à l’instar d’une Rosalìa pour la langue hispanophone, la pop italophone semble avoir de quoi s’exporter.

| Photo : Nisran Azouaghe

La fosse et le majestueux balcon se remplissent, des drapeaux sardes sont brandis par des fans au patriotisme affirmé : la salle est prête à en découdre, et Mahmood aussi, visiblement. Une pièce expérimentale et arabisante vient alors faire taire la foule, intriguée et impatiente de voir monter sur scène l’homme de la soirée. Les jeux de lumière se révèlent, les musiciens et choristes prennent place, Mahmood s’élance et dévoile son look du soir : un débardeur noir et une longue jupe marron, un outfit qui alimente la classe innée de cet indiscutable esthète. Si nos yeux sont conquis, nos oreilles n’auront qu’à attendre les premières lignes de Dei pour attester du timbre si particulier du chanteur.

Armé d’un micro vintage amplificateur, il enchaîne alors a capella avec Ghettolimpo, qui nous offre également les premiers couplets rappés de la soirée. À l’aise autant sur ses vocalises que ses lignes débitées à vive allure, Mahmood assure ses titres et cristallise sa réputation de vocaliste en allant chercher les notes impossibles qu’on savourait sur les versions audio – exploit réitéré plus tard dans la soirée sur Il Nilo nel naviglio ou l’intense Rapide repris en cœur par la foule.

L’écran vertical derrière lui vient parfois servir l’intensité de ses interprétations, comme lorsque des décors enneigés viennent accompagner les notes de Inuyasha ou des décors aux couleurs safranées pour le personnel Baci dalla tunisia. Tant de morceaux qui viennent arrêter le temps pour des grosses séquences d’émotion maîtrisées avec finesse par un dramaturge musical inné. Mention spéciale à T’amo, qui n’avait pas forcément retenu notre attention à l’écoute de l’album, mais qui s’offrait ici une interprétation léchée, dans un silence religieux frissonnant, sur fond de visuels colorés aux allures de vitraux d’église. Un faisceau de lumière dans son dos projetait, face à lui, son ombre en taille augmentée sur les murs de De Roma, et l’émotion sur son visage traduisait assez bien la magie du moment.

| Photo : Nisran Azouaghe

Mais rassurez-vous, on n’a pas fait que pleurnicher et chantonner bras dessus bras dessous à ce concert. Le set de Mahmood était truffé de tubes dansants et efficaces en tout point, à savoir KlanDoradoKobraBarrio et Talata qui ont chacun bénéficié d’une chorégraphie et d’une scénographie léchées pour enflammer la salle entière après chaque titre mélancolique. Un sens de l’équilibre qui rend son show dynamique et rarement lassant.

Sur l’excellent Icarò e libero, un petit oublié de son nouvel album, l’artiste se dévoile plus alternatif que jamais avec un morceau en trois temps qui passe de la pop au punk en terminant sur une douce ballade piano-voix. Une des cautions de son insatiable soif de découvertes et d’expérimentations. Lorsque s’approche la fin du concert, la foule s’impatiente déjà de pouvoir découvrir en live ce qui se présage comme un sérieux prétendant au titre de vainqueur de l’Eurovision 2022 : Brividi, qu’il partage avec la sensation juvénile italienne BLANCO. Véritable pépite émotionnelle piano-voix aux décorations orchestrales intenses et à la batterie poignante, le morceau est mené avec maestria par Mahmood. Et si la magie du morceau en audio est absolument imparable, le rendu sur scène l’est tout autant, particulièrement quand la salle entière reprend les refrains. Un moment hors du temps qui nous laisse sans voix et les yeux humectés le temps du rappel entonné avec ferveur par toute la foule. Sans surprise, c’est Soldi qui assure la clôture de la soirée, et qui prouve que, malgré les années et l’inavouable nombre d’écoutes en boucle, le titre avec lequel Mahmood représentait déjà l’Italie à l’Eurovision 2019 n’a pas pris une seule ride.

On a donc enfin eu l’occasion d’aller attester de la légitimité de cette hype autour du chanteur italien. Résultat ? C’est largement mérité, et Mahmood se révèle aussi captivant et inspirant en live que sur sa discographie à succès. Prochaine étape : l’Eurovision à Turin à la mi-mai, qui nous fera découvrir qui succèdera aux Italien·ne·s déjanté·e·s de Maneskin. Pour notre part, on a déjà nos favoris !


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