Les ascensions fulgurantes ont toujours cette saveur de moralité, cet esprit de revanche. Les underdogs qui finissent en favoris, parvenant à pallier les obstacles par leur talent brut et authentique, voilà le genre d’histoire qu’on aime entendre. Le genre d’histoire qu’a vécu Mahmood, jeune artiste italien qui a basculé d’une jeunesse perdue à star de l’Eurovision, comme le poétisait les colonnes du Highsnobiety. À l’occasion de la sortie de son nouveau single Rapide, nous avons pris le temps de revenir sur la nouvelle pépite italienne qui s’apprête à briller aux quatre coins du monde.
Alessandro Mahmoud a su faire de sa participation en 2019 à la prestigieuse compétition Sanremo (véritable référence musicale en Italie) un véritable tremplin, duquel il finira vainqueur. Une victoire qui suscitera controverses et réactions mêlant intolérance et racisme, le tout intensifié lorsque Mahmood est annoncé comme représentant italien à l’incontournable Eurovision à Tel Aviv. Mais l’artiste de 27 ans n’est pas du genre à se laisser démonter et c’est dans un élan fiévreux de détermination qu’il rafle la seconde place du palmarès et qu’il écrit l’histoire en hissant son tube Soldi au titre de chanson italienne la plus écoutée sur Spotify depuis sa création. Un phénomène qui a tout pour lui.
Être un artiste dans l’Italie d’aujourd’hui, c’est forcément devoir s’opposer à une culture musicale très figée. Des habitudes qui font néanmoins la force de la scène italienne qui a pu compter sur des mastodontes comme Laura Pausini, Eros Ramazzoti ou encore tout récemment Il Volo qui évoluent chacun dans des styles musicaux différents mais qui se rejoignent tout de même dans cette tradition à l’italienne. Cette dernière prend racine dans un héritage de chansons à voix, des hymnes orchestraux et un rattachement aux mélodies classiques. C’est ainsi que l’arrivée d’un souffle de renouveau avec Mahmood a provoqué l’incompréhension du public italien qui ne reconnaissait pas son pays à travers le style moderne du jeune homme. Mais le temps a fait les choses et l’univers morocco pop (comme il l’appelle) du chanteur s’est imposé dans le pays et dans le reste du monde comme la possibilité d’une popularisation de la chanson italienne au niveau international.
Influencées par son Egypte d’origine, ses compositions mêlent aussi bien des battements électro-pops aux sonorités orientales que des poussées vocales plus orchestrales et extravagantes à l’italienne. Concilier les deux mondes, voilà le défi que Mahmood ne cesse de relever au fil de ses sorties en proposant une arabesque musicale fascinante qui s’inscrit dans un genre mainstream tout en puisant dans des références alternatives. S’inspirant autant des grandes pointures du monde urbain du moment telles que SZA, Tyler, The Creator ou Frank Ocean, que des légendes de la musique, d’Amy Winehouse à Stevie Wonder, l’auteur-compositeur-interprète bâtit doucement un univers alléchant qui s’inscrit dans l’air du temps.
Avec un premier album en février 2019, l’artiste dévoilait les couleurs de sa musique. Gioventù Bruciata (traduit “la jeunesse désemparée”) donne son nom à l’album et s’inscrit comme le manifeste de la volonté de l’artiste de mélanger ses influences urbaines au côté classique de la musique italienne : des couplets légèrement rappés au rythme saccadé et à l’instru quelque peu expérimentale qui atteignent, sur les refrains, un esprit beaucoup plus mélodieux et chanté. La pochette de l’album va introduire des références au monde asiatique que l’on retrouve à de multiples reprises, notamment sur son morceau Urumaki qui prouve ici l’importance de la culture d’Orient. Le disque va aussi permettre à l’artiste de dévoiler une face plutôt sentimentale avec des textes romantiques sur Il Nilo nel Naviglio ou avec des introspections liées à l’abandon de son père lorsqu’il était jeune que l’on retrouve sur son grand succès Soldi. Il explore aussi les méandres du métissage culturel avec Mai Figlio Unico. Vous l’aurez compris : la plume de Mahmood est inspirée et ses textes sont rarement superficiels. Malgré tout, l’artiste parvient à enrober ces sujets profonds de rythmes dansants pour procurer à ses productions un esprit fédérateur et chaleureux.
Il prouve d’ailleurs cet esprit festif avec la sortie en septembre dernier de Barrio. Remuant à souhait, la mélodie est signée Charlie Charles et Dardust, proches collaborateurs de l’éphèbe ténébreux. La sortie s’accompagnait d’un clip hautement esthétique qui cumulera plus de 50 millions de vues sur Youtube. L’univers visuel de Mahmood commence à gagner son public, jouant sur un sens du style irréprochable et des réminiscences urbaines qui s’articulent avec grâce au registre musical de l’Italien. Brûlante et addictive, la chanson confirmera la patte “ambiançante” de l’artiste et continuera de conquérir les foules et les clubs d’Italie. Dans la continuité de la promotion de l’album à venir, il annonçait dernièrement la sortie d’un nouveau single sur lequel l’atmosphère change radicalement. Finis les beats incandescents et les rythmes endiablés, Rapide est un piano-voix intense qui s’emporte sur les refrains et regagne la terre sur les couplets. C’est beau et poignant et le morceau permet à Mahmood d’exploiter tout le potentiel de sa voix forte.
L’album est attendu dans le courant de l’année, vous laissant le temps de vous familiariser à l’univers si délicieux du musicien, fruit d’un mariage ingénieux d’influences italiennes et orientales. À l’image de Rosalìa qui est parvenue à remettre la culture hispanophone au devant de l’industrie musicale, Mahmood pourrait bien dépasser la barrière linguistique et répandre son art italophone au-delà des frontières. Pour notre part, nous sommes déjà touchés.
Caméléon musical aux allures de mafieux sicilien.