C’est à l’occasion du Festival L’Ère De Rien que nous avons interviewé Marble Arch qui partageait l’affiche avec des noms tels que Puma Blue ou encore Easy Life. Confortablement installés dans nos fauteuils en cuir, nous avons alors échangé sur leur album Children Of The Slump mais aussi sur les petits aléas de la vie. Des sujets qui, en somme, ne laissent pas de marbre !
La Vague Parallèle : Hello Marble Arch ! Comment ça va aujourd’hui ?
Marble Arch : Eh bien écoute, ça va très bien ! Je suis très content d’être ici car ça doit bien faire un mois qu’on n’a pas joué, mise à part pour les répétitions.
LVP : Pour en revenir à votre release party qui s’est déroulée en mars dernier au Point Éphémère, qu’est ce que ça t’a fait quand tu as vu qu’elle affichait complet et que le public était bel et bien au rendez-vous ?
MA : J’étais super content, le Point Éphémère c’est un endroit où l’on va souvent, où l’on répète et où l’on fait des concerts. On y avait déjà joué deux fois en première partie d’ailleurs. Après, que ce soit complet ou pas à cette époque, c’était pas très grave car on n’était pas les têtes d’affiche. Mais là que ce soit notre release party, y a un petit côté où tu veux vraiment que ce soit complet et moi j’étais hyper content et ça s’est vu dans la salle. Il y avait une bonne ambiance et c’est assez touchant il faut le dire car il y a des gens qui nous soutiennent depuis des années !
LVP : Votre album Children Of The Slump a été très bien reçu que ce soit dans la presse française ou même anglo-saxonne. Est-ce que tu t’attendais à de tels retours ?
MA : Je ne pense pas, enfin j’ai eu aussi quelques bons retours médias sur le premier donc je me disais qu’ils allaient attendre au tournant le deuxième. Surtout que cette fois-ci il y a eu des médias un peu plus “généraux” comme Libération. Après il y a des revues que j’adore comme Magic ou Les Inrocks donc oui ça m’a fait super plaisir ! Et puis ça faisait longtemps que j’attendais la sortie de cet album, je m’étais même un peu détaché de la sortie. Je ne dirais pas que j’appréhendais les retours mais je n’y pensais pas vraiment à vrai dire. J’avais juste une envie qui était qu’on le sorte et qu’on le joue, c’est tout.
LVP : Est-ce qu’à l’avenir tu aimerais tourner en dehors de l’hexagone ? Peut-être que c’est même déjà prévu ?
MA : Alors oui carrément ! C’est même prévu. L’année dernière on a juste fait une date en Suisse mais c’est un peu les cousins, c’est pas très loin. Là on va jouer en Belgique, en Angleterre, des dates par-ci par-là. On est vraiment content de jouer en dehors de Paris et de la France maintenant. On essaie de voir un peu plus large, autour des frontières françaises et un peu plus loin encore.
LVP : Selon moi, il y a de plus en plus de groupes français tels que TH Da Freak ou encore Rendez-Vous, qui se créent une identité propre autour de leur musique et Marble Arch en fait partie même si j’ai pu comprendre que tu n’aimais pas trop coller des étiquettes à ta musique. Comment définirais-tu ta musique alors ?
MA : C’est très intéressant car les deux groupes que tu as cités sont des amis à nous et il est clair qu’ils ont une identité propre à eux même si on peut toujours coller des étiquettes, c’est assez facile. Je n’essaie pas de coller des étiquettes à ma musique car j’essaie d’avoir le spectre le plus large possible quitte à faire des virages de temps en temps. Après, il y aura toujours une touche Marble Arch parce que c’est une sortie d’alchimie entre les gars, le son et les ambiances. J’essaie pas de nous coller un style ou des choses comme ça et c’est important de créer sa propre musique afin d’être identifiable par la suite.
LVP : Cinq ans se sont écoulés entre le premier album et le second, est ce qu’il y a une raison particulière à cela ? Peux-tu nous raconter un peu quel a été le processus de création ?
MA : C’est vrai que le premier a été fait dans le précipitation et comme je le dis souvent, c’est plus considéré comme une collection de démos que j’avais pour en faire un album. Il n’y avait pas la volonté au départ de créer quelque chose de complet. Et après on a joué cet album plusieurs fois pendant deux, trois ans avec un premier line-up et y a des copains qui sont partis du groupe, d’autres qui sont arrivés et il a fallut réapprendre les morceaux. Parallèlement, j’essayais de construire le deuxième album alors qu’on avait aussi pas mal de dates à ce moment là et j’étais reparti sur une sorte de mix un peu comme le premier mais j’avais quand même dans l’intention de rendre quelque chose plus propre. Je me suis un peu perdu dans les démos. Mais je suis très content du résultat aujourd’hui même si ça a prit plus de temps que prévu.
LVP : C’est important de savoir prendre son temps aussi, c’est jamais trop bon de précipiter les choses de toute façon, davantage en musique.
MA : Exactement et puis quand on manque de moyens ça ralenti le tout mais j’ai pris le temps qu’il fallait et je ne pense pas qu’il y a davantage de mystères autour de ça.
LVP : Est ce que tu trouves bénéfique le fait de composer tout seul ? Tu n’as pas peur de ne plus réussir à te renouveler ? Peut-être qu’à l’avenir tu aimerais collaborer avec tes camarades de scène, non ?
MA : C’est vrai que c’est une très bonne question, on ne me l’avait jamais vraiment posée. J’ai toujours travaillé seul, c’était un peu le départ de Marble Arch et aujourd’hui je compose toujours un peu tout seul dans mon coin quand je suis chez moi et que j’ai un peu de temps et d’inspiration. Mais ça sort toujours des airs qui te trottent dans la tête, c’est assez intime quelque part et après c’est sûr que le troisième album je le ferais avec les gars car ils sont tous talentueux et j’ai pas envie de me perdre dans quelque chose de trop consanguin, trop moi-même ou de rester bloqué sur des thèmes qui pourraient être considérés comme des redites. Je veux faire évoluer le projet mais on y va progressivement ! C’est parti d’un truc très personnel pour finir en groupe mais il y aura toujours cette touche Marble Arch mais avec tous les gars, c’est sûr !
LVP : Pourquoi avoir choisi d’appeler l’album Children Of The Slump, qu’on peut littéralement traduire par Les Enfants De La Crise ? Est-ce qu’on peut parler d’un album engagé ? Un album fonctionnant comme un cri d’appel face à la société actuelle ?
MA : C’est engagé oui, mais pas toujours. Par exemple, il y a ce titre dans l’album qui ressort beaucoup et c’est un de mes préférés. Il y a une certaine alchimie entre les paroles et la musique qu’il y a derrière et je trouvais qu’il résumait bien l’album. Je l’ai écrit dans un moment de vie où on fait toujours des petits boulots, des choses comme ça et donc on essaie d’avoir ce loisir là qui paye un max mais qui en même temps ne paye pas du tout le loyer donc on est obligés de faire des choses à côté et c’est un titre qui résume pas mal la société d’aujourd’hui. Finalement, ce titre fonctionne un peu comme un constat amer et je pense que le prochain album sera également un peu plus politique.
LVP : On décrit parfois ta musique comme une ode aux 90s, est-ce que tu es nostalgique de cette période ?
MA : C’est une bonne question. Nostalgique je ne suis pas sûr car je me plonge souvent dans le passé pour aller chercher des souvenirs, des choses qui bercent ou des ambiances etc mais je ne dirais pas que je suis nostalgique car j’ai vécu cette période et ça se vit qu’une fois. Il ne faut pas ressasser le passé, je trouve ça un peu pervers d’ailleurs de penser que c’était mieux avant et de rester bloqué.
LVP : C’est vrai qu’il faut se risquer et s’en détacher même si c’est pas toujours très simple.
MA : Voilà et puis je pense qu’il faut toujours regarder vers l’avenir même si on peut toujours se servir de choses qu’on a vécues ou qui nous ont formatés sans essayer de faire une redite un peu cheap de quelque chose qui n’est pas très spontané. Je dirais donc plus mélancolique que nostalgique.
LVP : La pochette du second album présente une voiture cabossée et rafistolée avec du scotch et selon moi, ça fonctionne comme une métaphore des épreuves difficiles de la vie que l’on arrive malgré tout à surmonter. Est-ce que c’était l’idée ?
MA : C’est une bonne interprétation, j’ai mis beaucoup de temps à faire cette pochette, j’ai dû faire pleins de photos et tout retourner dans tous les sens. C’est une photo que j’ai prise moi-même et c’est une voiture qui se trouve dans mon quartier qui m’a d’ailleurs beaucoup inspirée pour mon album, que ce soit pour les ambiances, les lumières etc. C’est un quartier très cosmopolite de Paris et je trouvais cette voiture assez jolie, j’ai pris cette photo par hasard. Il y avait un coucher de soleil ce jour-là et je trouvais ça assez beau, assez graphique et puis je suis revenu j’ai posé un bouquet de fleurs dessus. Je ne sais pas si c’est forcément la suite de The Bloom Of Division, avec le bouquet qui fane etc. Il y avait un côté assez triste avec la photo et je trouvais que ça collait bien avec Children Of The Slump avec l’idée de la défaite, le côté symbolique du très joli avec en même temps le côté brisé, ce qui collait bien avec le titre de l’album. Dans le fond et la forme ça me plaisait énormément, comme la poésie qu’il y avait derrière tout ça.
LVP : Dans The Bloom Of Division, on avait ce côté lo-fi très caractéristique de ta musique où la voix était à peine audible et où la musique prenait le dessus. Alors qu’avec ce deuxième album, on peut très bien saisir ta voix ainsi que chaque instrument, ce qui d’un côté rend la musique plus accessible. Pourquoi avoir voulu changer ça ? Est-ce qu’il y avait un désir de plaire à un plus large public par le biais d’une musique plus claire ?
MA : Je pense surtout que le problème avec le premier album c’est que je n’avais pas de connaissance de mixage, je mixais avec des écouteurs et des enceintes pas faites pour et donc l’album est ressorti comme ça, je ne l’ai pas fait mixer ni masteriser. J’ai essayé de tout faire à la maison, un truc très lo-fi, très bedroom pop. C’était aussi la première fois que je chantais donc y a un côté où je n’osais pas trop me mettre en avant, il y avait une petite gêne, une timidité. Pour le second, je me suis dit qu’il fallait essayer de se mettre en avant, je voulais que les paroles soient plus lisibles car c’est important de ne pas chanter en yaourt, j’avais envie qu’on puisse identifier certaines choses. Le mix en lui-même, je voulais qu’il soit beaucoup plus propre et bien sûr si j’avais pu le faire pour le premier, je l’aurais fait si j’avais eu les moyens. Y a une sorte de truc qui s’ouvre au fur et à mesure et on verra bien comment ça se passe pour le troisième, j’espère que ce sera encore plus propre, sans être dans l’ultra perfectionnisme, je veux un projet encore plus assumé et moins brut.
LVP : On retrouve parfois le thème de l’amour (Instant Love, On My Way) dans tes chansons ou encore l’idée d’épouser son existence malgré l’éphémère (Children Of The Slump, Today). Tes expériences personnelles influent-elles sur tes compos ?
MA : Sur certaines oui, d’autres non.
LVP : Ça reste fictif ?
MA : Voilà, exactement. Après il y a certains titres et même un titre en particulier mais qui ne figure pas sur cet album et qui sera peut-être sur une face b un peu plus tard. Mais ce titre est vraiment personnel, il y a des anecdotes sur des choses qui me sont arrivées. Après on a le titre Today qui est un clin d’œil à ma copine par exemple et d’ailleurs je sais pas si elle voulait que ça se sache (rires). C’est des petits trucs comme ça, j’essaie de faire évoluer ça et de me servir des événements vécus avec lesquelles c’est plus facile d’écrire dessus. C’est un peu 50/50 avec cet album.
LVP : As-tu déjà des idées de thématiques que tu aimerais aborder pour le troisième album ? Des idées précises ?
MA : Oui, j’en ai quelques unes. J’aimerais bien faire quelque chose d’un peu plus politique, de sortir des sujets qu’on retrouvait dans le premier album, où il y avait un côté assez adolescent, qui disait que l’amour c’est bien, des choses comme ça. Après peut-être pas politique mais un peu plus engagé, j’aimerais parler de choses de mon âge, le quotidien, être un peu plus large en fait.
LVP : Si tu devais citer trois groupes qui t’inspirent le plus dans la création de ta musique, quels seraient-ils ?
MA : J’aime bien citer Deerhunter, j’ai adoré leurs débuts et même ce qu’ils ont sorti dernièrement. Il y a My Bloody Valentine qui a joué un rôle important chez moi, j’aime beaucoup Awake aussi ou même Porches.
LVP : Est ce que tu aurais des coups de cœur récents à partager avec nous ? Des coups de cœurs musicaux , littéraires etc ?
MA : J’aime beaucoup Corridor, un groupe de Montréal qui chante en français d’ailleurs et ça me rappelle le premier album de Women, c’est très intelligent et bien foutu. J’aime beaucoup les débuts de Gus Dapperton, c’est assez léger et j’aime un peu moins ce qu’il fait maintenant. Mais après je ne suis pas un très gros lecteur, c’est un peu la honte (rires) donc on va rester sur la musique car le reste c’est pas trop mon domaine de compétences.
LVP : Et pour finir, aurais-tu un message à adresser aux lecteurs de La Vague Parallèle ?
MA : Je vous invite à aller écouter mon album si vous ne l’avez pas déjà fait et puis j’espère qu’on aura l’occasion de se retrouver à l’un de nos concerts très prochainement !