Mexico, le fabuleux retour aux sources de Mighty Oaks
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Auteur·ice : Hugo Payen
12/05/2021

Mexico, le fabuleux retour aux sources de Mighty Oaks

Un confinement en entraînant un autre depuis plus d’un an maintenant, la créativité et l’inspiration de certains artistes se sont vues être mises à rude épreuve au quotidien. Pour d’autres, comme Mighty Oaks, ces confinements ont été source d’apprentissages et de renouveau. Tout juste un an après la sortie de leur troisième album, c’est avec Mexico que le groupe nous revient. Entre critique incisive de notre société indéniablement capitaliste et déclarations d’amour intimes en tous genres, c’est un véritable éventail de sonorités que nous propose Mighty Oaks avec ce quatrième opus. Un retour aux sources aussi délicat que dynamique pour le groupe, qui nous replonge dans l’univers sincère de ses débuts. Plongeons direct dans cet univers débordant d’émotions aux côtés d’une des têtes pensantes du groupe, Claudio Donzelli.

Originaires des États-Unis, d’Italie et du Royaume-Uni, c’est dans cette ville colorée de Berlin que Ian Hooper, Claudio Donzelli et Craig Saunders décident de prendre racine pour former, en 2010, leur premier groupe de folk, Mighty Oaks. L’histoire du groupe commence alors quelques mois plus tôt lorsque Ian Hooper décide de déménager à Hambourg après ses études universitaires. Rapidement, il fait la connaissance de Craig Saunders, bassiste expérimenté. Alors que tous deux travaillent sur des projets solo en tant qu’auteurs-compositeurs, c’est peu de temps après qu’ils rencontreront, lors d’un festival, Claudio Donzelli, musicien éblouissant qui deviendra la troisième harmonie du groupe que l’on connaît aujourd’hui.

Je dirais que 2021 pour Mighty Oaks, c’est l’année de la renaissance !

Le courant passe très vite entre les trois compères, les liens se créent et se renforcent sans aucune difficulté. Étant tous intéressés par les nombreuses possibilités que peut offrir l’alliance entre le rock et la folk, le groupe se cherche et commence à se concentrer sur un véritable jeu de guitares acoustiques, survolé le temps d’un instant, d’une mandoline aussi pure que subtile. Après un premier EP réalisé dans l’appartement de Claudio début 2011, c’est à partir de l’année suivante que le groupe décide de se consacrer pleinement à sa musique et qu’il commence à découvrir les joies du studio d’enregistrement.

Que l’aventure commence

Après un été passé à enregistrer leurs nouvelles productions, c’est avec un premier EP à la fois simple mais pourtant tellement prometteur d’un avenir haut en couleur, que le groupe débarque sur les scènes d’Europe. En très peu de temps, le groupe se fait un nom et gagne en soutiens, que ce soit de la part des fans ou de l’industrie musicale. Mighty Oaks prend alors la route aux côtés de quelques grands noms comme Kings Of Leon ou Chvrches pour y faire leur première partie en Allemagne. La porte est enfin ouverte pour le groupe qui gagne rapidement en notoriété. La voie s’éclaircit pour Ian et ses compères, qui décident de la direction artistique dans laquelle ils veulent se lancer. Leur premier album, Howl, en est alors le premier chapitre.

 

Trois ans plus tard et après de nombreux concerts à travers l’Europe dans les jambes, c’est avec Dreamers, un second album plus innovant, que le groupe fait son retour sur le devant de la scène. Le groupe évolue et s’envole. On redécouvre alors la voix chaude, presque rocailleuse de Ian, venu nous raconter ses nouvelles peines, ses nouvelles joies au travers de douze titres bien plus travaillés que sur le précédent. Dreamers délaisse alors les côtés plus authentiques, plus acoustiques de son prédécesseur pour nous dévoiler de nouvelles sonorités tout aussi éblouissantes. Et si les arrangements évoluent, le groupe lui, n’en perd pas sa véritable force d’écriture et de réalisation.

Le groupe ayant décidé de réaliser un album tous les trois ans, le scénario se répète avant la sortie de leur troisième album, All Things Go. Les fans de la première heure du groupe découvrent alors un album où la tournure musicale abordée trois ans plus tôt avec Dreamers est poussée à son paroxysme. « On était un peu fatigué d’avoir toujours les mêmes sons depuis le début. On a donc utilisé plus de samples, plus d’effets au studio. C’était une aventure musicale très intéressante à faire. » nous explique Claudio. Avec ses nouvelles expérimentations et ses nouvelles sonorités, All Things Go perd ce côté organique que le groupe avait réussi à mettre en place lors de ses précédents albums. Un troisième album qui, cependant, ne perd pas en émotions et en saveurs grâce à l’ingéniosité et la qualité de ses arrangements.

On s’est longtemps cherché en tant que groupe et All Things Go en est le point culminant. On voulait sortir de notre zone de confort et on l’a fait. Essayer de nouvelles sonorités est quelque chose d’assez sain au final quand tu fais de la musique, ça t’aide à construire ton identité. Un groupe n’a pas forcément besoin d’une étiquette, c’est clair qu’on ne fait pas du métal ou du disco mais au fond, la folk c’est très large. Aujourd’hui on a réussi à atteindre cette harmonie à trois qu’on peut ressentir au travers de notre musique.

Après une année riche en concerts pour la promotion de son album précédent, les activités du groupe se voient être mises à l’arrêt de par la crise sanitaire que nous connaissons aujourd’hui à travers le monde. Et puis, sans vraiment le réaliser, ces trois ans sont devenus un peu trop longs pour le groupe de par la rapidité à laquelle notre vie évolue. Le premier confinement a alors joué son rôle et Ian, Claudio et Craig se sont retrouvés chamboulés par la situation.

Sortir un nouvel album presque un an seulement après le précédent est assez dingue, mais c’est très excitant en même temps. On avait vraiment ce besoin de sortir quelque chose, de repartir à zéro. On a vraiment ce sentiment d’un retour à nos racines avec cet album. Mexico a été notre manière à nous de surmonter cette épreuve qu’on a traversée l’année passée.

L’inspiration est rapidement retrouvée et la musique joue alors son rôle premier de catalyseur d’émotions, d’énergies. Et comme une thérapie face aux heures sombres que le monde connaît, le groupe se retrouve quelques mois seulement après la sortie de All Things Go pour raconter de nouvelles histoires. Le groupe ressent alors le besoin d’un retour aux sources, le besoin d’un retour à quelque chose de plus naturel, de plus authentique. L’enregistrement débute dans le studio de Ian, aménagé chez lui par ses soins. Sans difficulté, la sensation que leur procurent les riffs de guitares acoustiques des débuts est de retour, et la magie opère de nouveau pour Mighty Oaks qui sort son quatrième album, Mexico, presque un an après la sortie de son prédécesseur.

Je suis fan du dynamisme de cet album, on a réussi à y déposer un vrai éventail d’intensité sonore. Tu peux passer d’une chanson très intime, où Ian est à deux doigts de murmurer une histoire dans le creux de l’oreille, puis enchaîner avec un morceau plus orchestral. Pour moi, c’est vraiment là que l’album est complet, quand on arrive à avoir toutes ces nuances différentes qui forment un tout harmonieux.

Retour au bercail

Enregistrer un album chez soi dans un studio monté dans un simple sous-sol est une petite aventure en elle-même. Le groupe avance dans le noir sans réellement savoir à quoi vont pouvoir ressembler les sonorités. Mais enregistrer de cette manière devient de plus en plus bénéfique pour Mighty Oaks, enlevant alors toute pression liée au temps ou à l’attente vis-à-vis du public. La conclusion est telle que cet album est, pour la première fois depuis longtemps, le leur.

 

Rapidement, Mexico voit le jour, invitant l’auditeur dans ce que Mighty Oaks fait de mieux. Le groupe nous dévoile un album intime, personnel et en même temps direct, jouant avec les sonorités naturelles dont le groupe raffole. Ces sonorités mêmes qui nous ont fait tomber sous le charme du groupe il y a près de dix ans maintenant. La guitare de Ian sonne ainsi différemment sur ce nouvel opus, avec un tuning plus bas qu’auparavant, les riffs folk habituels des guitares et mandolines rendent l’ambiance un peu plus sombre, apportant une nouvelle profondeur à ces douze titres aussi éclatants les uns que les autres. De plus, le groupe délaisse les samples et autres outils informatiques de ses dernières expériences afin de se reconcentrer sur l’essentiel : jouer ensemble en tant qu’un tout plutôt qu’en tant que parties distinctes.

L’écriture du groupe depuis ses débuts dépeint l’expérience humaine que l’on découvre au quotidien, explorant alors les hauts et les bas de chacun d’entre nous en guise de fil rouge, nos joies, nos tristesses, nos peines et nos manques. Quatre albums durant, le groupe déverse ses émotions. Toute la tension qu’il accumule le temps d’un instant vis-à-vis des complexités et incertitudes de la vie est alors relâchée de la plus belle des manières. Le groupe semble plus apaisé, plus mature vis-à-vis de ce qu’il écrit et de ce qu’il produit. Mexico est alors synonyme d’un indéniable renouveau pour le groupe.

La catharsis est une chose merveilleuse. Toutes ces choses qui nous traversent deviennent des chansons d’une certaine manière, puis les gens les écoutent, ils les chantent et les vivent au travers de leurs propres émotions. Ils se connectent entre eux, mais aussi avec nous. C’est un sentiment incroyable. La musique nous accompagne à chaque étape de notre vie, on peut en rigoler, en pleurer. La musique possède cette force émotionnelle indétrônable.

Ce nouvel opus débute alors en délicatesse avec Land Of Broken Dreams, première chanson écrite par Ian lors du premier confinement. La situation sanitaire actuelle a en effet révélé des problèmes beaucoup plus profonds au sein de nos sociétés, qu’ils soient économiques, mentaux, physiques ou spirituels. Certains systèmes se sont ainsi vu mieux fonctionner que d’autres, causant toujours plus d’inégalités. Et si cette chanson se veut être une réelle critique du système mis en place aux États-Unis au cours de son histoire, Land Of Broken Dreams n’en reste pas moins un véritable hymne à l’espoir et à l’affirmation de soi-même. L’aventure continue sur le titre portant le nom de ce nouvel album, Mexico. Ici, le rythme plus rapide démarre dès les premières notes, laissant apparaître un puissant harmonica, nouvelle signature du groupe. Ce second titre emboîte le pas du précédent quant à la critique faite de notre société et de ce que le virus a pu dévoiler en chacun de nous. Et si ignorer un problème en surface n’aide en rien à s’en débarrasser, Mexico se veut être notre moment d’évasion durant ces temps parfois moroses.

 

Le rythme plus calme et acoustique du début est ensuite retrouvé sur Devil and the Deep Blue Sea, un titre aussi doux que profond, porteur d’un message fort se dévoilant au fur et à mesure des accords. Le groupe explique que la vie, c’est savoir prendre des décisions, faire un choix entre des options qui ne sont pas toujours les meilleures. Parfois, le choix s’impose à nous et nous n’avons d’autre option que d’accepter et avancer. Devil and the Deep Blue Sea est un titre qui parle de cette lutte permanente, mais aussi d’engagement et de persévérance. Un thème qui continue par la suite avec My Demons, avant que le groupe n’enchaîne sur Ghost et son atmosphère spectrale. Ghost est indéniablement une chanson d’amour, mais différente de celles que nous pouvons entendre d’habitude. Elle décrit à quel point l’amour peut nous détruire en mille morceaux, mais aussi toute la force avec laquelle on s’y accroche une fois qu’on le trouve. Avec ces nouvelles sonorités, c’est dans un univers aussi lumineux que fantomatique que nous invite le groupe.

Dans Ghost, on a cette énergie très brutale où l’on a besoin de crier pour extérioriser ce qu’on ressent sans réfléchir à autre chose, comme un rugissement. Ghost est un nouveau type de morceau pour nous aussi au niveau de ses arrangements et de la manière dont ils sonnent. Il y a quelque chose dans cette chanson qu’on n’a jamais fait auparavant.

L’authenticité que le groupe dépose dans ce nouvel album se ressent au fil de la lecture, les titres aussi forts les uns que les autres se répondant en toute harmonie. Ces titres passent et jonglent avec nos émotions les plus profondes. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et ce nouveau chapitre qu’est Mexico se clôture en toute élégance. En guise d’au revoir, le groupe nous propose deux titres intimes et émotionnels, quoique tous deux très colorés au niveau de leurs sonorités. Sur un rythme plus élevé, Forever se dévoile. Le groupe y raconte alors la manière dont certaines personnes peuvent changer notre vie, une fois qu’elles y entrent. La manière dont ces personnes peuvent y apporter de la joie et de la lumière, et ce, alors que rien ne va.

Le terme « pour toujours » est un grand mot ! Rien ne dure éternellement et pourtant, quand tu tombes vraiment amoureux de quelqu’un, c’est une des choses que tu as envie de lui dire. C’est tout à fait irrationnel mais tellement naturel.

Dans cette montée d’émotions, Heavy reprend le flambeau et continue à chambouler nos cœurs et âmes. Cette ballade acoustique survolée de quelques notes électriques et de légères percussions dépeint ainsi le portrait d’une époque où le temps d’un instant, la lumière que peut nous procurer la vie semble disparaître. Les choses y deviennent de plus en plus lourdes et le besoin de crier se fait de plus en plus ressentir. La vie peut sembler facile de l’extérieur, mais cette pandémie et ses confinements à répétitions nous rappellent que tout est très fragile. Du jour au lendemain, on nous interdit de sortir, de profiter de tout ce qu’on avait avant, même de voir notre propre famille. Toutes ces petites choses s’accumulent et pèsent sur nos quotidiens. Et d’un coup, les deux derniers titres de Mexico arrivent et coulent en toute délicatesse dans nos oreilles. Gold to Me et Deadman’s Island viennent ainsi fermer les portes de cet univers étincelant nous invitant à l’évasion pendant près de quarante minutes.

 

Qu’il s’agisse d’obscurité ou de lumière, de bonheur ou de désespoir, c’est de la plus belle des manières que le groupe a décidé de nous raconter ses nouvelles histoires au travers de ces thèmes forts qu’aborde Mexico. Tout juste un an après la sortie de leur précédent album, c’est avec un album des plus intelligents et matures que Mighty Oaks nous revient. Les sonorités et arrangements très bruts des débuts semblent être la nouvelle perspective artistique du groupe, et qu’est-ce que ça fait du bien. Avec Mexico, Mighty Oaks nous prouve une nouvelle fois de quoi il est capable. Un album qui, malgré une mélancolie très présente, arrive à nous redonner le sourire et un peu d’espoir face à la lente dérive de nos sociétés contemporaines.

Un album qui se verra prendre vie le 28 mars prochain sur la scène de l’Ancienne Belgique à Bruxelles, ainsi que le 30 mars à La Maroquinerie de Paris !


  • 28 mars 2022, Ancienne Belgique (Bruxelles)
  • 30 mars 2022, La Maroquinerie (Paris)
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