Meyy, les songes et les rêves d’une artiste belge pleine d’avenir
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
17/02/2020

Meyy, les songes et les rêves d’une artiste belge pleine d’avenir

Son EP Spectrum est sorti il y a un peu plus de deux semaines, ses mélodies envoûtantes ont déjà conquis le Plat pays et tout semble sourire à cette pépite de la dream soul sentimentale et hautement personnelle. Faites la connaissance de Meyy, future grande figure de la scène alternative, qui maîtrise aussi bien les textes crus et explicites que les mélodies downtempo évasives et oniriques. Nous avons eu l’occasion de rencontrer la jeune Charlotte Meyntjens le jour de sa release party à L’Archiduc pour discuter de son cœur brisé, de ses influences musicales et de sa passion pour les mangues. Retour sur un moment d’insouciance et d’authenticité, avec un pur diamant brut de la musique belge anglophone.

© Photo : Téta Blémont

La Vague Parallèle : C’est l’année des premières fois pour toi. Premières scènes, premiers singles et maintenant un premier EP. Effrayant ou excitant ?

Meyy : Je dirai que c’est un peu des deux. Tout d’abord, c’est vraiment excitant car la musique est ma passion, c’est ce que je veux faire depuis petite et c’est ce que j’espère faire le plus longtemps possible. Étant enfant, à chaque fois qu’on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondait chanteuse. Étant adolescente, je me suis un peu rendue compte que ça n’avait que très peu de chances d’arriver. Du coup, à cette époque-là, quand les gens me demandaient ce que je voulais faire, je répondais toujours quelque chose au hasard, alors que dans le fond de ma tête c’était resté évident : je devais être une chanteuse. Et voilà qu’aujourd’hui je vis littéralement mon rêve d’enfant. Mais je dois avouer que ça a un côté effrayant, j’ai un peu peur de moi-même (rires). Ce que je veux dire c’est que je suis une grande perfectionniste et j’ai toujours cette manie de vouloir tout contrôler. Mais bien sûr, je ne peux pas tout gérer, sinon j’en mourrai probablement (rires). Je suis donc ravie d’être épaulée par toutes les personnes autour de moi qui m’accompagnent et qui gèrent avec moi.

La Vague Parallèle : À quoi la musique t’autorise-t-elle ? 

Meyy : Elle me permet de déverser mon cœur sur mes chansons, notamment sur les six titres qui composent Spectrum. J’ai travaillé dessus pendant plus de deux ans et j’espère profondément que les gens soient touchés. Même sept personnes, c’est assez ! Je ne fais pas de la musique pour être célèbre ou quoi que ce soit. La plus belle des choses, pour moi, ce serait que ne serait-ce qu’une seule personne écoute mes chansons et les vive complètement, qu’elles puissent avoir un impact sur quelqu’un.

La Vague Parallèle : Tu es en train de vivre ton rêve en 2020, dans une Belgique vibrante et vivante. Tu es heureuse que ce soit ce contexte en particulier qui accueille ta musique ?

Meyy : Oui, totalement ! Je vis à Bruxelles et j’aime le fait que, là-bas, il n’y a pas vraiment de limites. Bien sûr, il y a des gossips, comme dans toutes les villes ! Mais personne ne va te juger pour ce que tu penses ou ce que tu dis. Quand j’étais plus jeune et que j’écrivais des chansons, je me demandais toujours si j’avais l’autorisation de dire telle ou telle chose, si je n’étais pas un peu trop provocatrice, etc. À l’heure actuelle, dans une ville comme Bruxelles, je peux me permettre de ne plus me soucier de cela. J’ai le droit d’exprimer tout ce que je ressens sans entendre des trucs du genre “elle est un peu jeune pour parler comme ça”.

La Vague Parallèle : Fuck les haters !

Meyy : Exactement (rires). Fuck les haters !

La Vague Parallèle : Le thème majeur de ton premier EP Spectrum (sorti le 31 janvier, ndlr) c’est cette relation brisée. Était-ce douloureux pour toi de revivre cette séparation à travers ta musique ? 

Meyy : Sur l’EP, il n’y a qu’une seule chanson explicitement triste à propos de rupture, c’est Words Like Weapon. À chaque fois que je l’interprète, j’ai cette envie de pleurer qui remonte. Ça devient très vite personnel et tordu à la fois. Ce titre est destiné à quelqu’un que je ne vois plus, du coup c’est quand même assez simple de prendre de la distance par rapport à cette histoire. C’est juste qu’à chaque fois que je chante ces lignes, je me rends compte que j’étais beaucoup trop sous l’emprise de ce garçon (rires) ! Mais ce sont des sentiments positifs, je ne regretterai jamais d’avoir ressenti ces choses-là, ça m’a aidée à être celle que je suis aujourd’hui.

La Vague Parallèle : Il y a beaucoup d’amour et de tristesse sur ce disque. Dirais-tu que les deux sont liés ? 

Meyy : Maintenant que tu le dis, je me rends compte que l’amour est la principale raison de ma tristesse, la plupart du temps. Mais pas forcément l’amour d’un·e partenaire, ça peut aussi être de l’amour pour tes ami·es ou envers toi-même. J’aime beaucoup écrire à propos de l’amour, c’est la plus belle chose qui soit pour moi. Et c’est réellement un spectre : l’amour s’étend sous tant de formes différentes et tu peux écrire tant de choses à propos de ça. Cependant, je ne fais pas que penser à l’amour. Bon, c’est vrai que j’y pense peut-être 90% du temps (rires). Du coup, j’aimerais utiliser les 10% restants pour écrire à propos d’autres choses, notamment sur la tristesse, mais pas forcément celle liée à l’amour.

La Vague Parallèle : Lorsque tu écrivais les morceaux, était-ce facile de trouver les bons mots pour décrire les émotions que tu souhaitais transmettre ? 

Meyy : En réalité, oui ! Je n’ai jamais rencontré de difficultés avec le songwriting, l’écriture des morceaux et la recherche de la mélodie sont en réalité ce que je trouve le plus facile. La plupart du temps, j’ai des ami·es très talentueux·ses qui me proposent des instrus et je me me lance dans un freestyle sur ce rythme. Beaucoup disent qu’il ne faut jamais commencer à improviser sur une instru avec des paroles et plutôt privilégier ce qu’on appelle le yoghurt, mais je préfère directement libérer ce que je ressens sur le moment et les mots me viennent tout seuls, tout naturellement.

La Vague Parallèle : Quand on parle de ta musique, on a tendance à employer le mot “dreamy”. Cet adjectif décrit-il la musique que tu voulais transmettre ?

Meyy : Oui ! J’adore les rêves, ça me fascine. Les miens sont très vivants, et j’ai d’ailleurs essayé d’en capturer un sur le premier morceau de l’EP, qui s’appelle Shiny Blue of the Heavens. Pendant ce rêve, j’étais avec ce fameux garçon qui m’a fait tourner la tête et que l’on retrouve sur d’autres morceaux. Dans ce rêve, il voulait rester avec moi, il me voulait à nouveau. C’est ça qui est étrange avec les rêves, ils peuvent sembler si réels. La seule différence entre un souvenir rêvé et un souvenir réel, c’est uniquement le fait de savoir que je l’ai rêvé. Pour le reste, la réalité et le songe sont deux choses identiques, selon moi. Du coup, j’aime beaucoup le fait qu’on qualifie ma musique de dreamy.

La Vague Parallèle : Pour composer tes morceaux et tes clips, tu peux compter sur des proches comme L’Étreinte, qui gère les prods et t’accompagne sur scène, par exemple. Comment vis-tu le fait de partager cette aventure avec tes amis ?

Meyy : C’est vraiment top ! Le fait de travailler avec mes amis, d’autant plus qu’ils sont extrêmement talentueux·ses, c’est l’une des forces de ma musique. J’ai tendance à être très peu sûre de moi à propos de mes morceaux et c’est cool de les avoir pour me dire ce que je pourrais modifier et améliorer. La façon dont nous communiquons nos idées est très organique. Si je travaillais avec des grand·es producteur·rices expérimenté·es, je me sentirais certainement plus rapidement intimidée. La plupart de mes amis étudient l’art ou la cinématographie donc c’était intéressant de les inclure dans mon projet. Pour le clip de Common Love, par exemple, ce sont mes ami·es qui jouent dedans et qui se sont occupé·es de toute la réalisation. C’est la talentueuse Gina Mercelis qui s’est occupée du montage. Elle l’a tellement bien monté qu’elle a transformé ce qui était en réalité un video loop en un véritable clip.

La Vague Parallèle : Sur le clip d’Angelic Liesc’est le photographe Stig De Block qui a mis sur pied ces somptueux tableaux. C’est également lui derrière la pochette de l’EP. Comment s’est passée cette collaboration ?

Meyy : Quand j’ai appris que mon premier single allait sortir et que nous allions tourner un clip pour l’accompagner, j’ai instinctivement slide into his dms en mode “Salut, j’aime ton travail. Pourrais-tu réaliser mon premier clip ?” C’était un peu comme une bouteille à la mer, je n’aurais jamais cru qu’il dirait oui, vu son succès. Il a quand même déjà collaboré avec Bella Hadid, donc je me disais que je n’avais aucune chance. Mais finalement, il a été très intéressé par le projet. Je lui envoyé quelques demos du morceau et nos idées ont matché instantanément. Il voulait réaliser un clip musical depuis un bon bout de temps, il côtoie d’ailleurs beaucoup d’artistes dont K1D ou Woodie Smalls, mais il attendait quelque chose de spécial pour pouvoir réaliser ce premier clip. C’était donc un honneur de l’avoir sur  le set d’Angelic Lies et sur le visuel de la pochette.

La Vague Parallèle : Maintenant que tu as bouclé l’EP, si tu devais produire un album, que ferais-tu différemment ?

Meyy : La nouvelle musique sur laquelle je travaille actuellement est assez différente : certains morceaux sont plus uptempo avec des variations rythmiques plus importantes, d’autres sont plus crus. Dans l’ensemble, j’essaie de rester dans un registre dreamy. J’aimerais explorer d’autres sujets, collaborer avec d’autres producteurs et d’autres artistes sur des featurings, par exemple.

La Vague Parallèle : En parlant de collaborations, tu fais partie d’une scène belge en plein essor, aurais-tu un·e artiste belge avec qui tu aimerais collaborer ? 

Meyy : Sans hésiter, j’adorerais travailler avec Roméo Elvis. Je le trouve très talentueux et le son de sa voix est juste incroyable. Pareil pour Zwangere Guy, ce serait énorme. Je pense que j’aurai beaucoup plus de facilités à articuler ma musique autour de celle d’un rappeur·euse, alors que je verrai mal ma musique s’accorder à celle d’un·e autre chanteur·euse. À part Oscar and The Wolf, ce serait le rêve ! Mais j’imagine qu’il est un peu fort occupé en ce moment (rires).

La Vague Parallèle : T’es-tu inspirée de certain·es artistes pendant la production du disque ?

Meyy : J’ai été énormément inspirée par Sabrina Claudio, sa façon d’utiliser sa voix de façon chuchotée et intime. Il y a aussi FKA Twigs, son style est si unique. J’ai été inspirée par son personnage, par l’artiste elle-même, mais je ne peux pas prétendre m’être inspirée de sa musique car personne ne peut produire ce genre de musique sauf elle. Elle est incroyable. Je pense aussi à Brent Faiyaz (vocaliste du groupe Sonder, ndlr), il est très talentueux et il a une superbe voix, c’est mon artiste préféré du moment. Sans oublier 070 Shake, bien sûr ! Elle a sorti un album magnifique qui s’appelle Modus Vivendi et j’ai eu la chance de la voir tout récemment à Amsterdam. Elle avait tellement de prestance, elle ressemblait à une sorte d’elfe et elle dégageait un sex-appeal totalement fou. À un moment, elle s’est mise à déverser une bouteille d’eau sur son visage et ses cheveux et j’étais comme une dingue en voyant ça (rires). Tout était parfait : la voix, l’éclairage, je suis définitivement tombée amoureuse d’elle.

La Vague Parallèle : Si tu devais décrire ta musique en un seul plat, lequel ce serait ?

Meyy : Mmmmh, je dirais une mangue. Parce que c’est sucré, avec beaucoup de saveurs et de textures différentes. Et puis, tout simplement parce que j’aime les mangues. Donc j’imagine que j’espère secrètement que ma musique soit semblable à une mangue (rires).


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