Milky Chance : communion musicale à l’Ancienne Belgique
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
23/02/2020

Milky Chance : communion musicale à l’Ancienne Belgique

Il y a des concerts dont on sort chamboulé·es, lessivé·es mais revigoré·es, épuisé·es et pourtant si plein·es de vie. Véritables purgatoires émotionnels, ces concerts nous font passer de l’euphorie dansante à la mélancolie chaloupée, de la communion musicale sur des refrains mythiques à des silences frissonnants sur des découvertes brillantes. Milky Chance offre ce genre d’expérience et la magie a fait effet en ce début de mois de février, au coeur de la capitale bruxelloise, où les murs de la salle de l’Ancienne Belgique ont tremblé de joie. Nos cœurs aussi.

© Photo : Anthony Molina

Tout commence avec Mavi Phoenix, une première partie en demi-teinte. Demi-teinte car il nous aura fallu quelques minutes pour comprendre à quel genre de musique nous avions affaire pour ouvrir la soirée. La réponse : tous les genres de musique. En un seul set, la rappeuse autrichienne aura su dégainer un attirail disparate de couleurs musicales variées : d’une pop mainstream à une punk agressive et brutale, son flow viendra finalement s’apposer sur des compositions plus variées les unes que les autres, qui interpellent d’abord et font sourire après. Malgré une surdose d’autotune omniprésente tout au long du setMavi Phoenix aura eu le mérite de secouer nos bières et nos hanches par une énergie folle qui n’aura pas laissé le public du soir inerte, déjà bien bouillonnant pour l’arrivée des deux comparses hollandais.

La demi-heure qui séparera les deux parties nous laissera le temps de ruminer nos espoirs de setlist dans nos têtes. Que vont-ils bien pouvoir interpréter ? Avec une discographie aussi large et riche que la leur, difficile d’évaluer sur quelles mélodies nos cœurs vont bien pouvoir se balancer en cette soirée si précieuse. Des pépites folk acoustiques de Sadnecessary (déjà vieux de sept ans !) aux méandres quelque peu plus électroniques de leur nouvel opus Mind The Moon sans oublier leur disque sophomore Blossoms et ses rythmes électrisants, une chose était sûre : impossible d’être déçu·es. Sans surprises, on avait vu juste.

Les lumières s’éteignent, les cris de joie s’allument, c’est l’arrivée tant attendue des Milky Chance. Se dévoile alors un décor simple mais largement suffisant pour électriser davantage la prestance scénique du boys band. Des rangées de LED interactifs à l’arrière scène, un immense drapé surplombé d’une lune lumineuse (clin d’œil au dernier album) en guise de fond : tout est en place pour que leur musique si singulière fracasse l’Ancienne BelgiqueFallen et Right From Here s’occupent d’ouvrir le bal. Issus de leur dernier disque, les morceaux seront repris timidement par les quelques fans dévoué·es déjà familier·ères des douze pépites qui composent Mind The Moon. Deux titres tout en percussions et en puissance, qui dévoilent le potentiel ardent des productions de ce nouveau disque, qui parviennent sans mal à faire suer les premier·ères mélomanes du soir, déjà prisonnier·ères des rites musicaux envoûtants du groupe.

Nouveau titre également, le percutant Fado arrive alors pour faire danser et crier la salle, fort de ses rythmes mi-électroniques mi-acoustiques, qui auront le mérite de mettre tout le monde en mouvement. Les épaules s’entrechoquent et les corps se mélangent (respectueusement, évidemment !), dans une foule compacte et solidaire, dévorée par un seul maître-mot : le lâcher-prise. Que les bras se balancent, que les têtes se perdent dans l’air, que les paroles soient massacrées dans des élans vocaux inopinés : qu’importe, les Milky Chance sont là et rien n’a plus vraiment d’importance.

© Photo : Anthony Molina

Au milieu de cette vague de nouvelles compostions plus efficaces les unes que les autres se glissent des tubes imparables, qui parviendront à embraser la foule dès les premières notes. C’est le cas des merveilleux Blossom et Cocoon, dont les refrains se verront partagés par l’Ancienne Belgique toute entière, pour offrir un instant de communion frissonnant et galvanisant. L’occasion aussi pour nous de découvrir, dans des bridges minimalistes à la guitare, toute la beauté vocale du ténébreux Clemens Rehbein. Et quelle voix ! Rauque, magnétisante et puissante, c’est par la spécificité de ce timbre si profond que le chanteur du groupe nous percute en plein cœur à chaque envolée vocale.

Une pureté de voix que l’on retrouve sur Loveland, l’instant émotion du concert. Dans un morceau résolument plus calme, moins connu du grand public, c’est fébriles et obnubilé·es que les mélomanes du soir admirent la finesse musicale présente sur scène. Les délicats “Like we were so so, so so, so in love” baignent alors la salle dans une mélancolie onirique, vécue comme un baptême de douceur et de sentiments. À la déchirante voix de Rehbein se mêlent les tourbillons d’Antonio Greger, qui fige le temps par sa maîtrise fascinante de l’harmonica, dont les notes résonnent en nous comme l’outro parfaite. Quelques regards à droite et à gauche nous font comprendre que personne n’est véritablement capable de laisser cette ode poignante à l’amour brisé lui passer à côté. La claque est collective et délicieuse. On en redemande.

Beaucoup d’invité·es se seront succédé·e sur les compositions du groupe hollandais. À côté d’Izzy BizzuTash Sultana ou encore Paulina Eisenberg, nous retrouvons une voix exceptionnellement masculine, bien de chez nous. Le chanteur Témé Tan a en effet eu l’honneur de partager le morceau Rush sur le dernier disque du band, qui l’invite ce soir pour interpréter ensemble ce bijou de bilinguisme. Complices et en harmonie, les voix de Clemens et de Tanguy, le petit garçon du soleilse marient pour offrir un joli partage artistique, qui emportera la foule sur des refrains entraînants et chaleureux. Un moment tout en simplicité et en authenticité, qui marquera la soirée d’adorables accolades et de fraternité scénique réchauffante.

 

Pour clôturer en beauté la première partie de leur prestation du soir, c’est par les mythiques Flashed Junk Mind et Stolen Dance que les Hollandais nous gracient. Si le premier réussira à changer la salle en une piste de danse enflammée et virevoltante, le second transformera la masse de spectateur·rices en une chorale dévouée et décomplexée, qui scandera à l’unissons les lignes percutantes de ce grand succès planétaire. Vous avez dit fausses notes ? On n’entend que de l’amour.

Après un encore réclamé avec vacarme et entrain de la part d’une foule comblée mais demandeuse de toujours plus d’émotions, le quatuor revient pour délivrer la fin de show la plus léchée qu’on ait eu l’opportunité de voir depuis bien longtemps. Le show touche à sa fin, alors on s’accroche à chaque note, à chaque percussion, on profite de chacune d’elles pour se lancer dans des pas de danses impudiques et libérateurs, la foule est comme habitée.

Une triade sélectionnée avec soin et intelligence vient clôturer la soirée, dans un élan de puissance et d’explosion scénique percutante. Retentissent d’abord les percussions de Ego, permettant à Rehbein de déployer une dernière fois toute la force de sa voix dans des notes remarquables et effervescentes. S’ensuivent directement les riffs étourdissants de Running qui, dans une version longue et survitaminée, gagne la place de highlight de la soirée. Une énergie folle et communicative se libère alors des pas de danse presque chamaniques du leader, qui domine la scène en virevoltant du jardin à la cour, guitare à la main, pour finalement atterrir dans son public en transe. Le grand final gâte alors une dernière fois l’Ancienne Belgique, sur le rythme du somptueux Sweet Sun, dont la performance réunira finalement tous les ingrédients qui auront fait de la soirée un vrai succès : la voix de Rehbein, l’harmonica de Greger, la folie du public et le pouvoir fédérateur d’une musique qui vise juste et qui frappe fort. Les frissons nous gagnent à l’écriture de ces lignes, tant l’émotion véhiculée durant ce concert gorgé d’intensité nous traverse encore. Du grand génie scénique.

© Photo : Anthony Molina


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