Mura Masa, Teenage Dream so 90’s
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Auteur·ice : Manon Wesel
10/03/2020

Mura Masa, Teenage Dream so 90’s

Vendredi pluvieux, vendredi heureux. Heureux, car en cette fin de semaine et cette fin du mois de février, nous avons enfin retrouvé Mura Masa pour la (re)découverte de son dernier album, R.Y.C (Raw Youth Collage), sorti en janvier 2020.

© Photo : Stefanie de Bakker

Après une charmante première partie exécutée par la chanteuse belge Martha Da’ro, qui a pu nous échauffer en mettant le feu avec sa voix et ses danses enflammées, nous trépignions d’impatience. Enfin, les lumières s’éteignent, les premières notes de Raw Your Collage commencent. Plongé·es dans le noir, les mélomanes du soir offrent un accueil en fanfare à Alex Crossan alias Mura Masa, armé de sa guitare électrique, éclairé simplement d’une lampe blanche, brute. Comme sa musique. Les autres lumières prennent vie les unes après les autres, éclairant un ·e musicien·ne à la fois dans des faisceaux de chaleur intimiste. Sur scène, on se retrouve immergé·es dans un refuge de teenager : des tags aux murs, un divan pour s’y reposer et refaire le monde entre potes, une lampe de salon et des fenêtres s’ouvrant vers un ailleurs. Ensuite arrivent les stroboscopes, s’alliants au rythme de la musique et qui nous entraînent vers la voix de la première chanteuse du collectif pour le morceau I Don’t Think I Can Do This Again. Morceau issu de son nouvel album et que nous avions déjà pu entendre au concert mémorable de la brillante Clairo qui donne sa voix sur la track originale. Derrière le band, les images projetées sur les murs tourbillonnent comme les cheveux de l’interprète. Son énergie nous parcourt de la tête au pied.

Dans une atmosphère un peu plus bleu azure et électrique, une deuxième cantatrice rejoint les autres artistes sur scène et entame le titre Nuggets, qui fait chantonner la salle. Laissant place à ces déesses de la voix, Mura Masa se tient toujours au second plan. Cette timidité le rend presque plus attachant encore et nous rapproche de lui. La lampe, dans l’obscurité, reste allumée entre les chansons et nous renvoie à cette réalité suspendue entre deux néants, entre deux nuits. En parlant de nuit, c’est le tube 1 Night qu’il partage avec notre chouchou Charli XCX ainsi que le banger Complicated qui s’occupent de gérer une Ancienne Belgique en feu. La foule saute, danse, chante. Nous sommes en symbiose avec Mura Masa, entraîné·es dans son univers. Et puis, l’instant d’un court silence, un léger “Thank u” se faufile dans la foule. Nos coeurs fondent. De sa douce voix, il nous parle alors quelques minutes, pour nous annoncer qu’il est ici ce soir en tant que membre d’un band, et plus seulement en tant qu’artiste unique comme par le passé. C’est sûrement pour ça : cette disposition scénique, cet air si humble. Il ne s’efface pas pour les autres, mais laisse à chacun·e sa place pour pouvoir s’exprimer artistiquement et musicalement lors de ce show. Ce petit discours so cute et rempli d’amour est suivi d’une interprétation attendrissante de No Hope Generation. Il semble gêné, fredonne le début avec l’une des chanteuses en déambulant comme un enfant, de gauche à droite, arborant un petit sourire d’ange. Sous des couleurs ambrées, il continue avec un solo de batterie détonnant qui rend amplement mieux en live que sur les meilleures plateformes de streaming du net (même avec un bon casque, si si !).

© Photo : Stefanie de Bakker

Encore une fois, avec Vicarious Living Anthem, ou  Doorman sur lequel il apparaissait pour son ami slowthai, il nous plonge dans une nostalgie de la jeunesse anglaise, underground. On se croirait presque dans un épisode de Skins avec une ambiance rock, destroy, des vidéos teintées de vert, de mauve, des images de la street, une dizaine de paires de Vans, des bars néonisés, quelques jeans trop larges et du skate en veux-tu en voilà. L’attention portée aux visuels qui rythment le live est remarquable. Toujours la rage au cœur, toute la salle entonne l’explosif Deal Wiv It, moment de galvanisation générale frissonnant. Après cette effervescence, Crossnan décoche un petit : “It was fun“. Nos coeurs fondent une seconde fois. D’ailleurs, pour la chanson suivante, cette petite connexion intime continue. L’artiste s’accroupit alors au milieu de la scène, comme s’il voulait nous susurrer un secret, nous partager ce qu’il a dans sa tête avec In My Mind. Un morceau introspectif hautement convaincant qui s’ouvre tout en douceur avant de claquer comme une tornade. La composition nous fait voyager dans un seul et même rêve, mais dans deux vitesses différentes. On sent alors pulser l’électro franche, en parfaite harmonie avec la scénographie psychédélique. Le spectacle reprend ensuite de plus belle grâce à Lotus Eater et Hell, tous deux des imparables de la discographie du Britannique. Dès les premières notes, la foule devient possédée. Le rouge ressort dans une Ancienne Belgique qui vibre plus que jamais. La musique se termine et la scène plongée dans l’obscurité lorsque le petit “Thank u” fétiche du musicien raisonne une fois de plus dans nos cœurs tout chauds. Pas le temps de souffler que Night Swimmers, dans un décor céleste, nous fait virevolter. Les échos vibrent dans la foule compacte et nous entraînent sur ce dancefloor bouillonnant. Les mains se lèvent, battent en rythme et transmettent l’énergie du morceau. Les tresses de la chanteuse nous hypnotisent encore lorsqu’elle danse, le voyage est complet.

© Photo : Stefanie de Bakker

Après cette effervescence, la douceur de son featuring avec la pépite Tirzah, intitulé Today, souffle la bonne humeur comme le rayon de soleil d’un doux matin. Un titre qui contraste avec la fougue disco de Live Like We’re Dancing, sur lequel résonne le timbre chaleureux de la Londonienne Georgia. Un pur moment d’évasion chaloupée qui nous transporte sur des couleurs arc-en-ciel. Il ne manque plus que nos t-shirts colorful délavés pour être en symbiose parfaite avec cet environnement positif de Teenage Dream. Lors de cette apothéose de bonheur, What If I Go continue d’échauffer les esprits du public qui s’élance alors dans un karaoké assourdissant de vibes positives. Tout le monde sort son smartphone pour immortaliser ce moment, sinon au fond à quoi ça sert, si c’est même pas pour leur montrer ? (coucou Angèle) En douceur, ce rêve prend fin avec Teenage Headache Dream. Toujours dans une ambiance chaude, on aperçoit Mura Masa lâcher un petit rire et sa fossette se dessiner sur ses joues. Nos coeurs fondent une troisième fois.

This is the end, après de si beaux moments, nous restons un peu sur notre faim, déjà nostalgiques des dernières secondes passées…  S’ensuivent les appels tonitruants d’un rappel qui, on l’espère, portera encore plus haut ce live électrique. Et le coup de tonnerre arrive ! Le rappel commence avec Blu, dans une atmosphère tamisée, bleutée et réconfortante. Assis sur la scène au début, il se relève et s’y promène comme s’il répétait dans sa chambre, comme s’il voulait nous ramener dans son Teenage Dream. L’effet est réussi. Il se balade encore et encore sur la scène, se déhanche avec les mains dans le dos tel un garçon bien élevé visitant un musée, avec les dernières notes presque a cappella. La frénésie digitale frappe alors un nouveau coup lorsque, sur les deux derniers morceaux, le public devient piscine de smartphones. Mais rien d’étonnant : il ne fallait pas rater une seule seconde de ces tubes, en garder un maximum de souvenirs. Succès monumentaux, Love$ick et Firefly s’assurent de gâter une dernière fois cette foule généreuse et énergique. Une foule qui chante et danse pour profiter au plus des derniers instants de ce rêve magique. Exalter tous·tes ensemble la beauté d’une musique qui a su trouver en ce soir de février un refuge accueillant dans l’antre d’une Ancienne Belgique comblée.

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