| Photo : Diana Vos
Chaque année à la même période, nos oreilles passionnées et nos cœurs de mélomanes endurci·es sont en émoi : les Nuits Botanique lancent officiellement la saison des festivals. Comme à leur habitude, les jardins se transforment en lieu de rassemblement festif. La verrière tremble toujours autant sous les basses de la Rotonde alors que dehors, les marches sont continuellement emplies d’aficionados venu·es se détendre en musique en ce début de printemps. Aussi attendues que palpitantes et éclectiques, les Nuits Botanique sont le lieu de rendez-vous phare de la capitale. Pour vous (et un peu pour nous aussi, on l’avoue), votre rédaction préférée a décidé d’y établir son campement pour les deux prochaines semaines.
Récap de la deuxième semaine avec Flavien Berger, NeS, Debby Friday, Bobbi Lu, Yunè Pinku, Kekra, Oracle Sisters et beaucoup d’autres !
01/05 | Garden Party
par Caroline Bertolini
| Photos : Versatile VSL
S’il y avait bien une chose qui nous motivait en ce 1er mai, c’était de pouvoir passer une aprèm en musique au soleil, premièrement, mais avant tout, d’avoir l’occasion de voir yunè pinku. Si vous avez suivi ce qu’il se passait sur notre playlist La Femme Parallèle qui regroupe les sorties de femmes artistes et minorités de genre, vous aurez peut-être remarqué qu’on a tendance à y glisser une chanson de la Malaiso-Irlandaise. On pourrait parler d’une electronica pop qui se caractérise par sa voix aérienne posée sur du breakbeat, qui rend le tout extrêmement pointu et en même temps extrêmement pop. Ce qui nous avait charmé de prime abord ? Ses visuels dans la veine hyper-pop dans lesquels ont retrouve des dragons métalliques et autres créatures, des symboles mais aussi des étoiles de lancer (ndlr : ces choses métalliques qu’on voit dans les films, lancés sur son adversaire en plein combat).
Maintenant que les présentations sont faites, il reste à vous dire qu’on aurait quand même bien aimé voir yunè pinku dans un show solo en plein soleil ou en pleine pénombre, tout s’y prête. Programmée dans le Chapiteau vers 18h45, elle n’avait malheureusement pas à pas un public à la hauteur de sa musique. Malgré tout, nous avons pu apprécier ses prods et son chant en live, qui semblait presque meilleur que le studio. Notamment avec le banger Sports, que nous écoutons au moins 2 fois par jour – assurément le climax du set. Malheureusement, nous avons raté icedlattina et La Dame qu’il nous tardait de voir, mais on peut témoigner de la qualité de leurs sets pour les avoir déjà expérimentés au sein de la rédaction. La soirée se voulait ensuite plus calme, portée par l’incroyable sceno de miroirs du Grand Salon, et un line-up qu’on reconnaîtrait entre mille. Holy Coco et Coline Cornelis nous faisaient l’honneur de s’occuper de la transition de la party au bed en ce jour férié. Un set très earthy au début pour Holy Coco qui s’est fluidifié et nous a plongé dans une ambiance Titanic des temps modernes. Nous étions dans une transe, comme sous l’eau, des ultrasons dans les oreilles, des beats lointains et un corps se mouvant au ralenti. Après cette belle transition, Coline Cornélis continuait l’expérience aquatique et dreamy vers un ambient qu’il nous fallait pour nous apaiser avant de recommencer une nouvelle semaine.
| Photo : Versatile VSL
02/05 | Oracle Sisters + Judith Kiddo
par Diego Mitrugno
| Photos : Diego Mitrugno
Soir de reprise après le week-end du 1er. On avait la possibilité d’aller voir Predatory Kids à l’Orangerie, Yade Lauren sous le chapiteau ou Carlos Cipa au Grand Salon. Que nenni ! Il nous fallait quelque chose de doux, mais énergique, de percutant, mais subtil, de surprenant, mais pas trop. En tout cas, quelque chose de lumineux, qui nous fait oublier ce mardi qui n’est autre qu’un lundi déguisé, on le sait tous. Quoi de mieux que Judith Kiddo (chronique de son dernier album juste ici pour rappel) et sa queer-pop pour nous emmener autre part et atténuer notre Tuesday Blues ? Alors, oui on a peut-être triché puisqu’on l’avait déjà vue en live à sa release party à l’AB Club deux mois plut tôt… Mais une salle n’est pas une autre, et un concert n’est pas un autre. Et aussi, on sait que la musique de Judith Kiddo fait du bien, en particulier quand elle se joue sur ses terres d’origine et avec une nouvelle bassiste dans le live band. Toujours avec la même énergie contagieuse, elle réussit à faire danser le public de la Rotonde, séduit par sa musique colorée et libératrice. Introduction joyeuse pour la suite de la soirée : Oracle Sisters.
Si vous ne les connaissez pas encore, il s’agit d’un trio (deux garçons, une fille) basé à Paris et qui fait de l’indie folk. Validé par la critique musicale, on avait hâte de découvrir leur prestation live à Bruxelles, dernier concert de leur tournée. Résultat : on n’a pas été déçu·es ! Habillées comme des Beatles modernes, les Oracle Sisters ont proposé un instant onirique. Leur harmonies de voix et sifflements se mélangent à des accords délicats dans une ambiance légère et mélancolique. Leur musique convainc surtout parce qu’elle arrive à rester complètement moderne malgré leurs références old school (The Beach Boys et autres groupes anglophones des années 60/70). Bref, entre notre pop queen bruxelloise favorite et ce groupe de folk vaporeuse, notre début de semaine est sauvé et nos oreilles sont comblées.
| Photos : Diego Mitrugno
04/05 | BB Jacques + Lesram + Nes + Eesah YASUKE
par Nicolas Haulotte
| Photo : Paul-Louis Godier
Au programme du Chapiteau ce jeudi, c’était le genre de soirées où le concert ne se juge pas par la faculté de l’artiste à bouger dans tous les sens, ni à sa façon de parler avec le public. Le seul critère qui importe, c’est sa performance rap. Pour cela, le Botanique avait planifié une line-up d’expert·es dans le genre : Eesah Yasuke, NeS, Lesram et BB Jacques. Eesah Yasuke a ouvert la soirée. Accompagnée d’un danseur chorégraphiant chacun de ses textes, la rappeuse a chauffé le public entre rap a-cappella, sons anti-extrême droite et samples de Jacques Brel. C’est le jeune NeS qui a pris le relais. Pour le Parisien, c’était sa première à Bruxelles. D’une capitale à l’autre, il a constaté que sa discographie a déjà eu le temps de voyager. Plein d’énergie, NeS a fait transpirer la fosse sur Agilité et Killcam avant de finir en émotion avec Le sourire d’une tombe. À peine le temps de se reposer que les premières notes de Wesh Enfoiré retentissaient dans le Chapiteau. Accompagné de son équipe, Lesram est venu faire ce qu’il fait de mieux : kicker. Notre seul regret, c’est que ça aura été trop court.
À l’école, il y avait toujours ce gars ou cette fille qui préparait un peu mieux ses exposés que les autres. Jeudi dernier, ce gars c’était BB Jacques. Si on a patienté entre son concert et celui de Lesram, c’est parce qu’il a fallu le temps d’installer toute sa scénographie. Rideau rouge, canapé, lumières de salon et vieille armoire en bois en guise de table de DJ : bienvenue dans l’univers de BB Jacques. On est dans son salon et il nous raconte son histoire, un verre de Sky à la main. Charismatique et authentique, le rappeur a travaillé son show pour nous faire passer par toutes les émotions. On pogote sur Opium, on voyage sur Cincinnati et on est ému·es sur La promesse de l’aube. BB Jacques est un artiste complet, n’en déplaise à celle·eux qui le réduisent à ses « Fuck Off » sur Netflix. En finissant le concert, le rappeur s’adresse à son public : « La famille on est quand même dans le jardin botanique, faites du bruit pour les plantes ». Après tout, ce sont elles les vraies stars du Bota.
| Photos : Paul-Louis Godier
05/05 | Kekra + Captaine Roshi + Nixon + DJ Yones
par Charly Galbin
| Photos : Giulia Simonetti
20h à peine. Une moitié de Chapiteau, dont une partie a le visage doré par les rayons d’un soleil entré par effraction, agite sa jeune tête devant Captaine Roshi avec l’excitation d’un gamin qui ouvre ses premiers cadeaux en sachant que le plus gros est encore à venir. Sur scène, l’espoir confirmé du rap français, son backeur et son DJ partagent une énergie qui, à l’instar de la puissance des basses délivrées, atteint déjà son paroxysme. On est heureux de discerner parmi celles-ci la voix singulière de Roshi dont la subtilité fait l’effet d’une brise dans le désert. Entre ancien (Journal de bord) et nouveau monde (Nouveaux pirates), le Captaine mène finalement son navire à bon port, non sans agréables remous pour des passagers aux fourmis dans les jambes d’avoir foulé ce parquet si tremblant.
Le précaire sol en bois de la grande tente s’affaisse un peu plus quand les premières notes oniriques de Batman se propagent pour former l’intro idéale d’un show qui se présente d’emblée comme esthétique. Entre une boule bleue inégale et un écran vertical de la même couleur apparaît le visage invisible de Kekra devant une assemblée fascinée et comblée de débuter le voyage sur un morceau de 2018. Après quatre morceaux issus d’autant d’albums différents, le public ayant raté l’excellent dernier album Stratos se rassure et Kekra confie adorer Bruxelles, “c’est un truc de ouf”. La suite c’est votre fidèle journaliste qui se noie dans des pogos aussi soudains que toniques, manquant de perdre l’intégralité de ses notes sur le plus qu’attendu Ingé son. Je reprends mes appuis en même temps qu’une setlist habilement élaborée qui sait faire baisser le rythme (Combien de temps) avant de le faire valser (Iverson, Putain de salaire, Wing Chun). Le flow de Kekra n’a tellement pas d’égal que je découvre en live le seul rappeur capable d’enflammer les gens avec un simple “yeah”. Il faut dire aussi que le mystère autour de l’artiste est savamment alimenté, des rumeurs affirment même que ce n’est pas lui qui performe sur scène derrière ce masque. Ainsi le public se tait sur Vréalité car l’émotion est particulière quand Kekra prend des libertés sur le playback pour le recouvrir de sa délicieuse et véritable voix aiguë. Il termine avec les meilleurs sons de Stratos (Lakehouse, Nuit et jour, Spend that, Nuages) dans une atmosphère planante, accentuée par la modernité et la complémentarité de la scénographie et du sounddesign. Kekra aurait pu continuer longtemps tant sa discographie regorge de trésors. Mais le public chante déjà le dernier morceau, Bloc de glace, alors qu’il n’est déjà plus là, symbole d’un artiste sans visage dont la musique se suffit à elle-même.
| Photos : Giulia Simonetti
05/05 | MEYY + Sabrina Bellaouel + Bobbi Lu
par Chloé Merckx
| Photos : Melissa Fauve
La soirée fut d’une douce fougue dans le Grand Salon. Trois artistes programmées ce soir, trois artistes qui nous auront fait danser. La première à se dévoiler devant nous, c’était Bobbi Lu. Réfugiée en Belgique après avoir trouvé l’amour, elle nous a offert ce qu’on fait de mieux dans son Angleterre natale, une électro insidieuse et puissante aux notes explosives. On ne va pas vous cacher que ce show fut un des meilleurs de la soirée. Seule avec ses deux claviers, elle a réussi à absorber toute une salle avec son single Metapwhore et le petit brin de folie qui traversait ses yeux quand les basses nous transperçaient le corps. On a profité de ce moment de pur plaisir pour absorber un maximum de ses notes électrisantes et quelques mots scandés. Car malheureusement pour nous, il faudra attendre 2024 avant de pouvoir écouter un album de Bobbi Lu.
À peine le temps de boire une petite bière sous le soleil couchant que c’était déjà au tour de Sabrina Bellaouel d’entrer en scène. La chanteuse est arrivée en reine sur le rythme du clavier de Kiala Ogawa. Il faut dire que tout était au rendez-vous pour rendre cette prestation exquise, une alchimie indéniable entre les deux musiciennes, un jeu de lumière fastueux et un public qui n’en attendait pas moins de notre Parisienne. On s’était demandé ce qu’elle portait aux mains pendant sa performance, nous avons compris plus tard qu’il s’agissait de bracelets lui permettant de moduler sa voix en temps réel sur scène (rien que ça). Son spectacle monté à l’Ircam a convaincu les fan de Jah et Trust, qui n’ont pas pu contrôler un mouvement de déhanché.
La soirée s’est terminée avec charme et volupté par une performance menée par la chanteuse MEYY. Compositrice, productrice et danseuse, la Bruxelloise de 22 ans a emballé la salle entière de par son talent indéniable. L’interprète de Pretty nous a offert un aperçu de son univers futuriste sur des ballades sensuelles. Entre quelques pas de danse, elle en a profité pour prendre sa guitare et interpréter Love Is A Battle. Puis a terminé en beauté sur le séduisant Blush.
| Photos : Melissa Fauve
06/05 | Flavien Berger + Aurel + PPJ
par Caroline Bertolini
| Photo : Diana Vos
En ce samedi soir, tous les astres étaient alignés pour nous faire passer une des meilleures soirées. Les astres, mais surtout le Botanique nous offrait la chance de voir notre dieu intersidéral, à la classe et l’humour cosmique, ce cher Flavien Berger. Bien sûr, nous avons pu entendre les prestations de PPJ et Aurel au sein du Chapiteau. Notre oreille s’est attardée sur la performance des Franco-Brésilien·nes PPJ qui nous ont servi un show aussi chaud que la braise, à 19h00 tapantes. Il était certainement un peu tôt, nous n’étions certainement pas un public à la hauteur du spectacle. Néanmoins, nous avons pu découvrir l’électro influencée de beats brésiliens et surtout d’une belle grosse dose de soleil. Nous regrettons seulement de n’avoir pu profiter de l’expérience en after, après avoir été lancés par Flavien Berger.
Et parlons-en de cet artiste, et ne pesons pas nos mots. Un des meilleurs concerts de l’année ? de la décennie ? Difficile à dire, mais ce qui est certain, c’est que Flavien Berger a charmé un Chapiteau soldout sans aucune difficulté. Les fans sont devenu·es encore plus fans, désormais prêt·es à créer une page Instagram et vendre des photos de l’artiste sur le marché noir, les autres, en retard sur le fan game, le sont devenu·es en moins d’une chanson. Seul sur scène, si on ne compte pas sa scéno aussi intriquée que bizarre et en même temps très simple (vous nous suivez toujours ?), Flavien nous a livré une douce fête sur un plateau d’argent, à tout Berzingue. Il nous a fait entre nouveaux et anciens morceaux, entre méga teuf et douceur extrême. Le public s’est retrouvé happé par un sol en bois sautillant façon château gonflable, un sourire jusqu’aux oreilles à chaque interaction offerte par leur idole. “J’essaye de chanter juste” nous disait-il en chantant. Le milieu du parterre aura également eu l’occasion de le voir performer juste devant lui. Bref, ce bon Flavien, il vient de plier la réalité encore une fois.
| Photos : Laura Franco
06/05 | Debby Friday + Vieze Meisje
par Chloé Merckx
| Photos : Diana Vos
La légende raconte qu’à La Vague Parallèle on vit de concerts et de bières fraiches, mais parfois la vie de mélomane a ses conséquences sur nos pauvres genoux. Alors on ne va pas vous mentir, Vieze Meisje promettait un show de qualité, mais on l’a raté. À défaut d’avoir une oreille musicale développée, pour votre plus grand bonheur, la team manque parfois d’endurance quand il s’agit de courir derrière le métro.
Heureusement pour nous, le show à ne pas manquer c’était bien celui de Debby Friday. On s’attendait à quelque chose de spectaculaire, mais on ne savait pas exactement quoi. La fête se faisait timide quand l’artiste a commencé à performer, peut-être que comme nous, elle avait raté le métro. Mais ceci n’a pas découragé la chanteuse qui a démontré une énergie folle dés le début de sa performance. Dans l’obscurité de la rotonde, ses bottes argentées marquaient le tempo de I GOT IT et WHAT A MAN dans une fièvre qui emportait tout sur son passage. La puissance des basses ce soir-là a réveillé en nous des pulsions indescriptibles, comme une envie de danser et de tout casser à la fois. Le climax du spectacle, c’est quand elle est descendue de sa scène pour conquérir le parterre et faire chanter un public qui réclamait son attention avec ferveur. Elle a terminé par SO HARD TO TELL, puis est partie en queen absolue sans dire un mot, satisfaite d’avoir conquis Bruxelles la nuit.
| Photos : Diana Vos
C’est comme les Power Rangers, parfois on unit nos pouvoirs pour faire de plus grandes choses.