| Photo : Louise Duquesne
Chaque année à la même période, nos oreilles passionnées et nos cœurs de mélomanes endurci·es sont en émoi : les Nuits Botanique lancent officiellement la saison des festivals. Comme à leur habitude, les jardins se transforment en lieu de rassemblement festif. La verrière tremble toujours autant sous les basses de la Rotonde alors que dehors, les marches sont continuellement emplies d’aficionados venu·es se détendre en musique en ce début de printemps. Aussi attendues que palpitantes et éclectiques, les Nuits Botanique sont le lieu de rendez-vous phare de la capitale. Pour vous (et un peu pour nous aussi, on l’avoue), votre rédaction préférée a décidé d’y établir son campement pour les deux prochaines semaines.
Récap de la première semaine avec Zed Yun Pavarotti, marcel, Pitou, Johan Papaconstantino mais aussi Bu$hi, Rozi Plain et beaucoup d’autres !
27/04 | Zed Yun Pavarotti + Nelick + Eugene
par Charly
Un vieux cuir bousillé par la bière, un look basic ou un pantalon taille basse qu’un crop top moulant à paillettes ne recouvrira pas ? La progra éclectique de cette soirée à l’Orangerie nous propose un sacré dilemme prenant finalement la forme d’un défi: celui de danser sur plusieurs pieds. D’abord les paillettes avec eugene, rookie de la scène belge qui va déployer une énergie explosive qu’un public jeune et connaisseur va faire sienne, ravi de reconnaître les morceaux de Paradise Kiss, reconnaissant d’entendre des exclus à paraître bientôt. Rap, techno, rock, eurodance ? On ne sait plus mais on danse, désorienté·e par des sonorités qui vont dans tous les sens, envoûté·e par la voix filtrée et teintée de mélancolie du jeune artiste.
Le belge donnera finalement le dernier coup de pinceau d’une toile digitale dessinée en l’honneur des années 2000 en balançant un remix libérateur d’Alive (Mondotek), tube tektonik emblématique dont les plus ou moins bons souvenirs feront contracter les muscles zygomatiques d’un public ravi. À peine le temps de prendre une bière que déjà s’installe à l’Orangerie une drôle de scénographie. Un DJ booth en forme d’étal de marché, des tabliers couleur vanille fraise en guise d’accoutrements : c’est le jeune rappeur français nelick qui vient vendre sur scène son sucré Supplément Chantilly sorti en début d’année. Plus consensuel mais pas moins nostalgique que le précédent, le show devient total tandis que dehors se couche un soleil innocent. Entre rap et indie-pop, l’artiste offre un concert bien rodé à des fans venu·es en nombre pour pogoter. Mais soudain entend-on dans la foule un client ayant fini sa glace plus vite que les autres : “Beauseigne !!!!”
Faut dire qu’il n’était pas le seul impatient d’écouter Zed Yun Pavarotti, tête d’affiche de cette soirée. Une excitation saupoudrée de curiosité maintenant que l’artiste a définitivement pris son virage rock en même temps que la sortie de son album Encore, et que c’est désormais en groupe, sans la moindre trace d’un ordinateur, qu’il se présente sur scène. La tête tatouée du désinvolte stéphanois apparaît finalement entre les gros amplis, de concert avec les premières notes de Ce que la lune éclaire, tandis qu’il n’y a plus de mètre carré disponible dans la fosse.
Zed Yun esquisse plus de sourires qu’on en a l’habitude, comme libéré par ce nouveau dispositif scénographique. Entre ses derniers morceaux s’intercalent ceux de Beauseigne, qu’un public rassuré reprend en chœur. Mais le chœur comme le temps s’arrêtent dès que Zed Yun Pavarotti fait monter sa voix dans les aigus, comme sur Ta Bouche ou le classique Papillon. Entre frissons et pogos, la salle devient comme habitée, notamment sur House qui se termine sur de la pure instrumentale rock alors que Zed Yun a déjà quitté ses partenaires. Les mains devant moi s’élèvent pour former le signe des cornes. On quitte difficilement l’Orangerie qui diffuse non innocemment un morceau d’Oasis, conscient·es d’avoir assisté à une performance vocale exceptionnelle et reconnaissant·es d’avoir vécu encore une sacrée Nuit Bota.
| Photos : Giulia Simonetti
27/04 | Annabel Lee + marcel + Gros Coeur
par Augustin
En guise d’entrée en matière pour ce nouveau marathon des Nuits Botanique, l’humeur n’était pas vraiment à la prise de risque lorsque nous franchissons à nouveau les portes du musée, comme à son habitude reconverti en Grand Salon pour l’occasion. En effet, pour cette mise en bouche, nous avions choisi de consommer local avec une line up qu’on savait d’emblée solide, puisqu’elle compilait ni plus ni moins que la fine fleur du rock belge actuel. Le tout pour une triple release, excusez-nous du peu…
C’est Gros Cœur qui déclarent officiellement l’ouverture des hostilités. On se dégourdit les jambes avec joie en si bonne compagnie, grâce à un set qui n’a pas peur des grands écarts, nous emmenant aussi bien du côté des envolées psychédéliques d’Altin Gün que des lourdeurs abyssales de Doom. À peine le temps d’aller boire une bière, qu’il nous faudra d’ailleurs boire en quelques minutes chrono après avoir réalisé que les boissons ne sont pas autorisées dans le Grand Salon (un comble pour un line up qui sent aussi bon la fête), que débarquent les zinzins de marcel. Si vous avez lu notre chronique de leur premier album, vous vous doutez bien qu’on était au premier rang histoire de bien s’assurer que la folie carnavalesque de cet opus résistait à l’épreuve du live. En réalité, nous n’avions pas trop de doutes à ce sujet, et les Arlonais ont largement honoré le contrat à grands renforts de riffs puissants, de kazoo et autres sifflets brésiliens. Un beau moment de communion festive dont on est ressorti·es avec quelques litres de flotte en moins dans le corps.
Last but not least, on clôture la soirée avec la tête de gondole du rock garage made in Belgium, le trio Annabel Lee, qui a eu la gentillesse de nous offrir un dernier tour de piste avant une pause bien méritée. Comme à chaque apparition du groupe sur scène, on est envahi·es par une vague de nostalgie adolescente, sublimée par les productions extrêmement séduisantes qui composent leur dernier projet en date, le très chouette Drift.
| Photos : Mat Gol pour Le Botanique
27/04 | Bill Callahan + Rozi Plain
par Hugo
Entre l’hypnotique évasion proposée par le quator de Rozi Plain et l’écriture tant poétique que bouleversante du légendaire Bill Callahan, le public du chapiteau a eu de la chance ce soir. Soirée d’ouverture oblige, les quelques derniers rayons de soleil atteignent les jardins, notre prochaine maison pour les prochaines deux semaines. Entre les murs de cette grande salle éphémère débordante d’aficionados du genre, les accords de guitare et quelques percussions bouillonnantes n’ont cessé de s’envoler.
Venu tout droit des rues bondées de Londres, les Britanniques de Rozi Plain ouvrent le bal de manière entêtante. Qu’il s’agisse de leur univers rêveur, de leur musicalité intimiste ou de la voix réconfortante de Rosalind, on peut dire que la combinaison résonne parfaitement. La foule, venue en nombre récolter toutes les ondes positives que nous envoie Rozi Plain en pleine figure, ne ressort donc pas déçue. Après un rapide retour au stand, l’heure est venue pour nous de nous enfuir dans les plaines du grand Ouest américain aux côtés de ce fameux Bill Callahan. Découvert sous le pseudonyme de Smog dans les années 90, Bill Callahan est sans aucun doute l’une des figures emblématiques du genre. Un phrasé à la Léonard Cohen, des arrangements folks revisités et une finesse d’écriture tant vulnérable qu’indétrônable, notre soirée ne pouvait pas mieux se passer.
Entre quelques reprises de son ancien alias et deux morceaux issus d’album précédent, c’est principalement son dernier album en date REALITY que Callahan est venu nous présenter ce soir. On fera donc l’impasse sur quelques titres mythiques comme Jim Cain, Riding For The Feelings (que nous espérions au plus profond de notre petit coeur, on l’avoue) ou Too Many Birds. Heureusement, REALITY est aussi palpitant et touchant que tous les autres albums que Callahan a pu nous offrir depuis ses débuts. Mais ça, ce n’était pas une réelle surprise. Bill Callahan est venu chambouler le chapiteau ce soir, et c’est indéniablement une mission réussie.
| Photos : Hugo Payen
28/04 | Bu$hi + J9ueve + 8ruki + thaHomey
par Nicolas
Si vous vous demandiez d’où venait cette odeur de transpiration qui émanait des Jardins Botanique, il fallait regarder en dessous du Chapiteau. thaHomey, 8Ruki, J9ueve et Bu$hi se sont succédés pour électrifier un public très enthousiaste. C’est thaHomey qui a ouvert le bal. Hoodie Balenciaga XXL et lunettes de soleil bien vissées : le rappeur ne ment pas dans ses sons, il est bien high fashion. Pour sa première scène à Bruxelles, il a conquis le public par son énergie débordante. À peine le temps de se reposer pour le jeune public du Chapiteau que 8Ruki est déjà sur scène. Quelques mois après avoir sorti son premier album Int8tion, le rappeur est venu vérifier si Bruxelles a bien révisé sa leçon. Le test est réussi, le Chapiteau était tellement chaud que 8Ruki en a perdu sa voix. Le Parisien est prévenu, il faudra prendre une bonne tisane au miel avant de revenir à Bruxelles.
J9ueve aussi fêtait sa première date dans la capitale belge. À son arrivée, une nuée de téléphones était braquée sur lui : J9 était attendu et il n’a pas déçu. Bruxelles était dans tous ses états et a fini par répéter Interlude toute seule, à capella. Pour finir la soirée en beauté, c’est Bu$hi qui a pris le relais. La machine à café du Botanique a dû tourner à plein régime vu l’énergie mise par le membre de Lyonzon et son DJ. Loin d’être épuisé, le Chapiteau est devenu fou sur Obito et 6 O’clock. En fin de concert, Bu$hi se retourne vers son DJ et lui dit « c’est toujours la même chose ici, j’en ai marre, ils sont chauds de ouf ». C’est bon, Bruxelles a été à la hauteur de sa réputation.
| Photos : Alphonse Dupuis
28/04 | Pitou + eee gee
par Caroline
Pendant que le Chapiteau débordait d’ados-prépubères en transe, nous étions au calme, assis·es dans la rotonde pour une soirée soulful indie pop, de celles que chérissons autant que faire ce peut, comme un vent d’apaisement dans le brouhaha constant. eee gee, solaire par moments, avec une touche folk discrète, mais sans oublier les dreamy feels, nous présentait son univers dont on pourrait dire “Weyes Blood meets Mitski“. Armée d’un chapeau de cowboy disco et d’une tenue films d’horreur, eee gee nous balance du paradoxe et du contraste en continu. Nous sommes dans cette bulle que la Danoise a créé pour elle-même et qui nous emporte avec elle. Perdu·es dans nos pensées mais aussi complètement à l’aise dans cet espace que la Rotonde propose, on balance la tête – la position assise ne permettant que peu de mouvement pour apprécier pleinement le show.
C’est alors, que malgré l’heure tardive, nous pouvons enfin entrevoir le souffle cristallin de Pitou. Nous avions pu la découvrir en première partie de Tamino il y a quelques temps déjà, une atmosphère qui semblait lui aller comme un gant. Cette fois, nous avions la joie de découvrir un saxophone sur scène, ou l’instrument qui ne manque jamais de nous charmer et qui nous convainc instantanément que la soirée sera grande en émotions. Atmosphère bleutée pour une heure d’apnée poétique et notre coeur craque sous la beauté de la musique de Pitou. On la voit se concentrer et utiliser tout son corps pour sortir des notes que nous ne pensions pas entendre. Elle nous racontera également comme elle aime la boule à facette au sein de la Rotonde, dont les faisceaux lumineux illuminent la salle de la plus délicate des façons. “On dirait une larme” comme le dit l’artiste. A voir et à revoir sans modération dès que vous avez perdu foi en le monde d’aujourd’hui.
| Photos : Caroline Bertolini
| Dev et scan : Mori Film Lab
29/04 | Johan Papaconstantino + Miel De Montagne + Julien Granel
par Caroline
En ce samedi soir, le Chapiteau regorgeait de Brabant wallontois d’une trentaine d’années qui venaient se « trémousser » sur de la pop tantôt édulcorée, tantôt bordélique, tantôt bouillante. Il parait que Julien Granel a donné envie à la classe moyenne-haute de se colorer les cheveux et d’ajouter un peu de fun à leur outfit BCBG. Ensuite, nous avions le plaisir – erreur – l’euphorie, de voir notre douceur préférée, une sucrerie des Alpes plutôt acidulée, bien déjantée comme on l’aime, j’ai nommé : Miel de Montagne. Nous avons un peu retrouvé des points de joie de vivre en assistant à une énergie complètement frénétique sur scène. Un live qui fait péter des flammes en robe, poils apparents, voire en slip, avec comme seul ornement une guitare électrique – parce qu’il s’est dit Pourquoi pas. Bref c’était génial, mais niveau public, il va falloir apprendre à pogoter avec les ados prépubères. Petit cours gratuit au Chapiteau en soirée rap apparemment.
Impossible de ne pas vous parler de Johan Papaconstantino, on sait que vous l’attendez de toute façon. Si vous n’avez pas au moins bougé les épaules, vous devez être un robot de 5eme génération à qui on n’a pas encore donné l’empathie. C’est étonnant de voir comment une posture presque stoïque sur la scène peut enflammer un public. Il ne fallait pas 2 claquements de mains à Johan pour que le public le suive, pendu à ses lèvres tout du long. Des hanches, des sourires, beaucoup de chant de la part du parterre d’êtres humains en manque de danse (du moins le devant-centre, car le public n’a pas changé depuis le premier concert on vous l’assure). Quoi qu’il en soit, le soleil n’y était pas, mais c’était tout comme. On en veut plus. Merci bien.
| Photos : Louise Duquesne
On se retrouve la semaine prochaine pour un autre live report des Nuits Botanique 2023 !
C’est comme les Power Rangers, parfois on unit nos pouvoirs pour faire de plus grandes choses.