Doit-on encore présenter ces princes de la pop urbaine, cette triade audacieuse de la poésie frontale ? Qu’ils nous électrisent sur des bangers electro-rap ou qu’ils nous bercent sur des balades moelleuses dreamy à souhait, chacun des moves d’Odezenne fait mouche. Le secret de cette magie ? Nul·le ne le sait, mais les Bordelais nous dévoilaient cette semaine un nouvel indice intitulé Hardcore. “Bon dieu ça fait du bruit le silence, mon dieu ça prend de la place l’absence.” Une douceur qui nous fera rêver d’ailleurs et de liberté sur fond de mélancolie et de nostalgie. Du miel pour le cœur, en attendant les jours meilleurs.
Écrit l’été passé, le morceau semble avoir eu un tour d’avance sur les événements qui ponctuent aujourd’hui nos quotidiens. En effet, en exploitant l’amertume d’un temps révolu, les musiciens nous livrent une ode à la temporalité : l’illusion du passé, la fugacité du présent, la brume du futur. Des réflexions qui ramènent à l’essentiel, semblables à celles qui nous traversent depuis le début de cette quarantaine entre deux nervous breakdowns. L’occasion pour le groupe de se munir de ses armes fétiches : les métaphores. Ces abstractions lexicales délicieuses qui laissent à notre imagination toute la liberté qu’elle mérite, laissant nos pensées dépeindre des tableaux personnels et uniques, différant d’une écoute à l’autre. Car la voilà, la magie d’Odezenne : cette façon de laisser l’auditeur·rice recréer les morceaux au gré de l’appréhension des mots qui s’enlacent les uns les autres, au rythme des mélodies qui chatoient sereinement. Deux écoutes d’une même œuvre ne vous donneront probablement jamais la même impression.
Chacun poursuit ses propres pas
Qu’importe la fin, qu’importe l’appât
J’ai des bouquets de sentiments
Mais le fleuriste m’a dit “va-t’en”
Qui portera de la lumière
Pour rendre les grands enfants heureux
Un peu à l’image de nos fenêtres, finalement : tout le monde en a une, mais personne n’y voit la même chose. C’est d’ailleurs sur cette idée que s’appuie le visuel d’Hardcore en regroupant une myriade de fenêtres mais surtout ce qu’elles laissent percevoir. Les bribes du quotidien confiné de plus de 5.000 collaborateur·rices constellent ainsi une mosaïque vibrante, rassemblant des points de vue distincts pour n’en cristalliser qu’un seul, collectif. On retrouve les différents rushs minutieusement accolés les uns aux autres, des teintes grisées de nos paysages urbains aux tons verdoyants de nos campagnes, des crépuscules enrobant des nuits banlieusardes aux éclats orangés de ces levers de soleil en bord de mer. Des clopes solitaires sur le balcon et des jardins d’enfants bruyants, des balustrades décorées et du naturisme décomplexé : la banalité des vies qui passent, la beauté des choses simples. Tel est le rendez-vous proposé par Odezenne et magnifié par Romain Winkler, le réalisateur à qui l’on doit notamment le magnétisant clip de Vilaine.
Et vous, vous voyez quoi par vos fenêtres ?
Caméléon musical aux allures de mafieux sicilien.