Mardi 12 octobre, nous étions invités à visionner en avant-première le film retraçant l’immense carrière de Laurent Garnier, DJ et producteur français, un des musiciens électroniques les plus respectés au monde. Dans le somptueux cadre du Club Marbeuf, tout près des Champs-Élysées à Paris, La Vague Parallèle a eu la chance de découvrir Off The Record, documentaire long-métrage fourmillant d’anecdotes, d’images d’archives et d’invités prestigieux. Ce document exceptionnel nous emmène de Boulogne-Billancourt, sa ville de naissance, vers Londres, Manchester, Détroit, Barcelone, Tokyo… et sa gloire internationale qui, depuis les années 1990, a influencé des centaines d’artistes house, techno et bien au-delà.
Le film s’ouvre sur un somptueux plan bucolique : Laurent Garnier parade fièrement sur un tracteur en Provence, où il réside depuis de nombreuses années. La Belle Vie de Sacha Distel résonne, l’harmonie et la tranquillité semblent parfaites. Loin de la ville, loin des projecteurs. Quelques secondes plus tard, changement complet d’environnement. Nous voilà entraînés dans une séquence survoltée lors du passage de l’artiste au festival espagnol Sonar. On suit toute la préparation -quelque peu anxiogène- de ce show dantesque ; 25 000 personnes prêtes à en découdre, un homme seul face à une marée humaine, sans autre aide que son talent et sa capacité à lire son public. Étrangement, l’harmonie et la paix intérieure ne semblent en être aucunement altérées.
Ces deux séquences juxtaposées reflètent bien l’image que nous avons de Laurent Garnier. D’un côté, le bon vivant, l’homme humble et accessible, proche des autres et de la nature. De l’autre le travailleur acharné qui sait comment subjuguer une foule jusqu’à l’aube, le globetrotteur infatigable qui a su, comme le remarque si justement le musicien Jacques dans le film, « marquer son territoire » dans tous les clubs dans lesquels il s’est produit. Cette dualité fait le ciment et le charme d’Off The Record, en offrant au spectateur une autre vision du monde de la nuit, plus saine, plus claire, plus humaine. Il est possible de mener une vie pleine d’aventures, d’entrer dans l’histoire, de ne jamais abandonner ses rêves, sans pour autant brûler la vie par les deux bouts. La passion et la raison réunies, équilibrées, sereines : c’est possible, la preuve en images.
Pour quelqu’un qui n’est pas habitué à cet univers complexe et parfois obscur, ce documentaire est une parfaite porte d’entrée. Observer la trajectoire de Laurent Garnier, c’est suivre la carrière réussie d’un homme qui n’était pas destiné aux musiques électroniques, mais plutôt au monde forain ou, plus tard, à celui de la restauration, mais qui, par un concours de circonstances quasi miraculeux, s’est trouvé une place idéale dans le circuit des DJs internationaux. Finalement, n’importe quel spectateur, peu importe son origine ou sa culture électronique, peut se reconnaître dans ses doutes, ses ambitions, sa passion et son énergie intarissable. C’est définitivement la force du film : un récit universel porté par un homme « comme tout le monde » qui a accédé aux plus hautes sphères de son domaine d’activité.
Au fil de ce destin unique, on découvre la Grande Histoire, celle de Chicago, de Détroit, des raves anglaises, de l’émancipation des Allemands par la techno, du Rex et du Palace ; on rencontre Jeff Mills, Derrick May, Modeselektor, Pedro Winter… mais aussi The Blessed Madonna, Peggy Gou, Manu le Malin, DJ Pierre et bien d’autres. Un casting parfait pour raconter le lien puissant qui unit le DJ français au reste du monde électronique.
On s’aperçoit alors que Garnier est au centre de la scène depuis toujours et qu’il a animé trois générations d’artistes par son aura. Pour autant, il n’aime pas se reposer sur ses lauriers. Un passage du film le montre demandant des conseils à jeune producteur pour l’un de ses morceaux. Étonnant contraste entre son statut d’icône sacrée et celui d’éternel curieux toujours avide de nouvelles skills, expériences, rencontres, aventures.
Le film est émouvant, sincère, intense. Il donne de l’énergie à ceux qui travaillent dans ce milieu pour continuer à partager leur passion. Le montage frénétique laisse difficilement indifférent et on s’investit émotionnellement face aux nombreux obstacles rencontrés par Laurent Garnier. Les scènes de face-à-face artiste/public sont d’une intensité rare et il est évidemment préférable de voir le film en salle pour une meilleure immersion sonore et visuelle.
Off The Record est un superbe complément d’autres œuvres sur le même thème, je pense au livre Le Chant de la machine (David Blot/Mathias Cousin), aux documentaires French Waves (Julian Starke), Pump Up The Volume (Carl Hindmarch)… Et, bien évidemment, à la superbe rétrospective Électrochoc (David Brun-Lambert/Laurent Garnier déjà !). Ce n’est donc pas la première fois que le DJ français se trouve au cœur d’une œuvre visant à retranscrire l’histoire complexe de la culture électronique. Mais il n’en est pas moins nécessaire de foncer aux séances de Off The Record pour apprécier la personnalité de notre DJ préféré à l’écran.
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Entre Paris, Berlin, concerts de rock et clubs techno, j’me balade.