| Photos : Larissa Zenner pour Le Botanique
Le 23 mai était une date particulière, entourée dans notre agenda et surplombée de petits coeurs. Nous nous sommes armé·es de patience, à travers tous les reports, annulations et changements, pour enfin voir Men I Trust, le groupe que nous entendions pour la première fois en 2016. Le passage du trio nous était tellement cher que lorsque le Botanique a annoncé le dédoublement de concert, il nous fallait assister aux deux, absolument. On vous raconte comment la douceur incarnée s’est emparée de l’Orangerie et ce, deux fois d’affilée.
Nous avons d’abord eu le plaisir de voir LUWTEN fouler la scène de l’Orangerie en première partie, et quelle belle surprise de voir un groupe teinté d’autant dynamisme que de délicatesse. Petite préférence pour les moments au rythme plus soutenu qui nous ont offert le juste groove pour ce début de soirée, mais surtout d’oublier d’écouter les paroles. Shoutout au jeu de guitare de Tessa Douwstra qui utilise souvent l’extérieur de sa main pour caresser sa guitare à la fin d’un riff.
L’excitation bat son plein, il est temps de voir Men I Trust en chair et en os présenter leur Untourable Album, pas si untourable au final. La salle se voit illuminée de sourires dès l’instant où le groupe arrive sur scène. On soupçonne qu’une grande partie de l’humilité et de la grâce qui s’en dégagent, émane de Emma Proulx, front woman et figure emblématique du groupe – parfois à ses dépends. On vous l’apprendra peut-être, mais elle n’a rejoint le groupe que tardivement, jusque-là mené par Jessy Caron et Dragos Chiriac. Trêve de bavardages : prenez garde, une poésie rare s’apprête à vous envelopper dans son cocon.
D’entrée de jeu, Emma nous dit d’une petite voix qu’elle compte économiser sa voix puisque deux concerts sont de mise ce soir. Elle ne parlera donc pas beaucoup, non pas qu’elle en ait vraiment besoin. Tandis que les lumières atmosphériques nous plongent dans l’univers qui leur est propre, privilégiant l’éclairage d’ambiance aux spots tournés vers leurs visages, les sourires intérieurs peinent à se contenir et finissent par s’esquisser à l’extérieur. Quelques problèmes techniques surviennent sur les deux shows malgré tout. Emma les gère à merveille en rappelant au public qu’il peut parler puisqu’il restait d’un calme olympien jusqu’ici. Pas de quoi nous gâcher le concert parce que même dans les difficultés, tout reste smooth.
On remarque que beaucoup du crédit musical donné par l’audience va au guitariste pour ses nombreux solos de guitare. Bien que son jeu soit calé, on aimerait mettre en lumière la basse qui se voit un peu cachée, à coté du batteur, tous deux ne faisant pas partie intégrante du groupe originel. Alexis nous sert du slapping mais aussi cet effet de basse “grenouille” qu’on apprécie énormément dans des sons comme Lifelong Song, qui serait la meilleure définition du “Men I Trust typical sound ». Les têtes avancent et reculent au gré du groove, mais pas trop vite pour profiter de la mélancolie encore et encore.
| Photos : Larissa Zenner pour Le Botanique
Chaque mot est pesé, prononcé avec énormément de dévouement à la chanson. C’est le cas pour You Deserve This, un des morceaux qui nous a fait aimer le groupe. C’est comme ceci qu’on peut différencier le premier public du deuxième. L’un se voit habité d’une admiration et le deuxième reste dans une concentration presque religieuse. La preuve, c’est lorsque Emma profite d’un moment seule avec sa guitare, un silence omniscient s’installe pour la laisser transmettre sa grâce à la salle. Cet instant rayonne de pureté et confirme que la mélancolie n’est pas obligatoirement triste, qu’elle peut s’entourer de douceur et demi-sourires. Non, ce n’est définitivement pas une musique qui nous fera suer, et c’est exactement comme ça qu’on l’aime.
Always Lone ouvre alors la meilleure partie (à notre humble avis), effectivement plus triste pour le coup. Elle ne mérite d’ailleurs pas d’être décrite dans un vulgaire article, donc on vous laisse la lire et l’écouter :
We can play your game
Such a cruel way
To keep you entertained
It’s hard to see who gains
And who plays
I’d rather be the one who got fooled
Than to have my heart cooled
I always care
Always lone
Always lone
Emma nous propose enfin de passer directement au rappel sans vraiment sortir de scène et faire semblant. Très bien, point de supplice pour les spectateur·ices qui n’ont pas encore entendu leur chanson préférée. C’est aussi confirmé par la réaction aiguë de la salle à l’entente de la première note de Seven, la joyeuse, mais qui ne dépassera pas l’excitation pour Show Me How, la romantique. Le public semble réveillé et plus actif, enfin ! Bande de fainéants. La personne à notre gauche connaît toutes les paroles et compte le faire savoir, bien qu’elle peine à accéder à notre niveau de fangirling dans ce cas-ci. En sortant, on entend “Il est chaud hein à la gratte”, ce qui nous rappelle les solos qui ont effleuré nos oreilles.
Nous retournons donc à une fin de soirée sans le groupe. On aurait pu s’habituer à les avoir à nos côtés pendant deux jours consécutifs sans pause, mais il n’en sera rien. Il faudra se contenter du streaming pour gratter un peu de poésie que le groupe nous offre généreusement. En attendant la prochaine rencontre, l’audience passe un doux trajet de retour, encore bercée par les magnifiques chansons dont Men I Trust la gratifie. On finit par écouter Shoulders qui ne faisait malheureusement pas partie de la setlist. Elle est rude la sortie du nuage de poésie dont on a été témoin ce soir.
Mes articles sont plus longs qu’un solo de jazz.