Pour tous les aficionados de musique indépendante, c’était le festival à ne pas manquer en cette fin d’année. Il y a quelques semaines, le Pitchfork Music Festival foulait le sol de la capitale pour sa dixième édition, avec une programmation éclectique soignée et une formule itinérante à travers quelques-unes des salles les plus mythiques de la ville. C’est au Bataclan que la Vague Parallèle a choisi de se rendre, le 18 novembre, pour assister à une soirée réunissant trois figures de l’avant-garde de la scène jazz londonienne. Allez, on vous raconte !
19 h. C’est Cktrl (aka Bradley Miller), multi-instrumentiste londonien, qui ouvre les festivités, accompagné de ses deux claviéristes. Au programme, un jazz méditatif particulièrement hypnotique, alternant entre classicisme et modernité. Tantôt au saxophone, tantôt à la clarinette, Cktrl surprend par son talent et sa maîtrise, aussi bien dans ses solos que dans des plages sonores électroniques à la dimension enchanteresse. On prend un réel plaisir à retrouver les morceaux de ses deux premiers EP, Robyn et Zero, sortis respectivement en 2020 et 2021. Mais malgré cette belle performance contemplative, la fosse du Bataclan peine à se remplir…
Heureusement, l’arrivée de Nubya Garcia semble rebattre les cartes. Dès les premières notes, nombreux sont ceux qui viennent s’agglutiner devant la scène pour tendre une oreille curieuse. La jeune saxophoniste, qui fait figure de proue de la résurgence du jazz contemporain britannique, nous livre ici une performance endiablée au rythme de la contrebasse de Daniel Casimir et de la batterie de Sam Jones, ses partenaires de jeu habituels. La foule exulte à l’écoute de ce jazz multiculturel qui laisse une large place à l’improvisation. On garde en tête de superbes envolées reggae dub (mention spéciale à Al MacSween, le claviériste) mais surtout une excellente version live du morceau Pace, qui s’ouvre sur un ostinato de contrebasse puissant et où la montée en puissance du sax de Garcia est tout simplement irrésistible. Charismatique et virtuose, la jeune artiste de moins de 30 ans a réussi à nous conquérir aisément, par sa musique, mais aussi par ses mots sincères.
Place maintenant à la tête d’affiche de la soirée, ceux que tout le monde attend de pied ferme : Sons Of Kemet. Depuis la sortie de leur album Black To The Future en mai dernier, il nous tardait de revoir en live la bande de (King) Shabaka Hutchings. Côté présence scénique, nous sommes servis. Le sax déchaîné de Shabaka retentit dans toute la salle, accompagné magistralement par le tuba massif de Theon Cross et les rythmiques effrénées d’Edward Wakili-Huck et de Tom Skinner. L’atmosphère est pesante, mais n’en demeure pas moins groovy. La fanfare ardente déroule les morceaux à une vitesse vertigineuse, sans répit, transformant l’ensemble en un véritable tour de force mêlé de rage, mais aussi de poésie. Viscéralement engagé en faveur de la cause noire, Sons of Kemet délivre ici un manifeste militant, amplifié par l’irruption du poète Joshua Idehen. Difficile de rester insensible à cette musique cathartique !
(c) Photo : Alice Sevilla
Merci le Pitchfork pour cette soirée hautement qualitative et dont l’énergie est allée crescendo. Il nous tarde de revenir l’année prochaine !
Mélomane en apesanteur.
#jamaissansmoncasque