On a discuté avec Benni, la sensation folk dont vous n’avez pas fini d’entendre parler
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Auteur·ice : Hugo Payen
11/11/2024

On a discuté avec Benni, la sensation folk dont vous n’avez pas fini d’entendre parler

| Photos : Caroline Bertolini 

Quelques histoires d’amour sur un guitare-voix un soir d’automne ça vous dit ? On ne va pas vous mentir, il ne nous en faut pas plus à La Vague Parallèle pour succomber. Mais bon, à force, vous nous connaissez. Après un passage remarqué sur les planches des Nuits Botanique en mai dernier, Benni fait son grand retour dans la capitale. En grand·es curieux·ses que nous sommes, on avait pas mal de questions à lui poser pour l’occasion.

Plus que quelques jours avant que les premiers accords ne résonnent dans la capitale belge, habitée le temps d’un instant par les innombrables concerts que nous proposent une fois encore le Fifty Lab. D’ailleurs, iels en font leur leitmotiv : découvrir les prochains grands noms de l’industrie. Ça tombe bien, nous aussi.

On l’entend souvent, la Belgique reste l’un des terreaux les plus fertiles à tous les genres musicaux. Avec un peu de fierté et un léger sourire en coin, on ne peut qu’approuver. Si certains genres en profitent plus que d’autres, le monde de la folk, lui, aime encore se faire discret. Mais n’en reste pas moins bouillonnant de nouvelles voix et de nouvelles idées.

Par chance, certain·es artistes enfoncent les portes ouvertes et veulent se faire entendre. C’est le cas de Benni. Une plume passionnée, une créativité digne des plus belles voix du genre mais surtout, un début d’aventure musicale tonitruant. Avec un premier EP à paraître dans les mois qui viennent et une signature chez PIAS officialisée, la suite ne se veut que des plus prometteuses. À l’affiche de cette nouvelle édition du Fifty Lab, on se devait de la rencontrer.

La Vague Parallèle : Dans quelques jours, tu joues au RITCS Café à Bruxelles dans le cadre du Fifty Lab. Ça fait quoi de figurer sur le line-up d’un festival comme le Fifty Lab ?

Benni : Déjà, il y a de la pression ! Après, franchement, c’est un honneur. C’est une super case que je peux cocher sur ma bucket-list. Je viens d’un petit village en pleine campagne où je ne connaissais personne du milieu de la musique. Je n’y connaissais absolument rien ! Là, je vois au fur et à mesure, en prenant du recul, qu’en fait j’arrive à faire des chouettes choses et à parvenir à monter sur la scène de chouettes festivals comme celui-là. Ça motive quoi !

LVP : Sur scène, on t’a vu autant accompagnée de tes musiciens que seule avec ta guitare. Qu’est-ce que tu nous prépares pour ton passage au Fifty Lab de mercredi justement ?

Benni : Je serai seule avec ma guitare ! Une configuration acoustique cette fois-ci.

LVP : C’est comme ça que débute ton processus créatif ?

Benni : Il y a beaucoup d’ami·es à moi qui composent avec des logiciels. J’ai essayé plein de manières différentes pour être honnête avec toi, mais ce qui fonctionne le mieux pour moi reste la manière organique. Soit je me mets derrière le piano, soit je prends ma guitare. En fait, je ne contrôle pas trop. Je fonctionne beaucoup avec ce que je ressens. Si je sens que j’ai quelque chose à lâcher, je me précipite pour mettre en musique tout ça. Après, tout ce qui sort n’est pas forcément bon non plus (rires).

LVP : Je rebondis sur ce que tu dis, sur ce côté organique. On t’a vue jouer aux Nuits Botanique avec ton groupe : il y a pas mal d’arrangements. Comment ça se passe en studio quand c’est l’heure pour toi de mettre en production toutes tes démos ?

Benni : Au début, ça allait un peu dans tous les sens, il a fallu que je prenne un peu mes marques. Après avoir essayé de faire les choses toute seule, je me suis bien rendue compte que c’était mieux de faire tout ça avec d’autres personnes. Je suis passée par plusieurs phases, j’ai rencontré pas mal de chouettes arrangeur·euses ou producteur·ices. Et puis, j’ai eu la chance de tomber sur Thomas Medard de Dan San. Ça a matché dès le départ. Je ne sais pas comment dire mais ça a bien marché entre nous, en tous cas musicalement parlant et même humainement. On avait la même musicalité et les mêmes influences. On a d’abord essayé quelques petites choses par ci, par-là et au final, on s’est rendu·e compte que ça fonctionnait plutôt bien !

LVP : Une collaboration qui on suppose, t’aide aussi à prendre un peu de recul sur ton projet ? Travailler avec quelqu’un comme Thomas doit pas mal t’aider à comprendre comment tout ça fonctionne mais aussi à te donner une autre vision, de nouvelles perspectives, non ?

Benni : Clairement ! Avant de travailler avec lui, j’avais toujours entendu mes chansons guitare-voix ou piano-voix uniquement. Mais, j’avais toujours cette envie de les pousser un peu plus loin. J’avais pas mal d’idées en tête. Et Thomas a joué un grand rôle pour les pousser encore plus loin justement. On a la même musicalité comme je te le disais, du coup on est directement parti·e sur une seule base, qu’on a réussi à exploiter. C’est lui qui a produit le projet mais on s’échangeait nos idées en permanence. Au final, ça a créé une chouette combinaison.

LVP : L’histoire de Benni, elle commence dans les rues de Nouvelle-Zélande où tu es restée pendant 10 mois c’est ça ? Une période des plus marquantes pour ton aventure musicale.

Benni : En fait, c’était une aventure qui n’était pas prévue. Je suis partie en Nouvelle-Zélande quand j’avais 18 ans. J’étais la fille la plus timide au monde. On ne pouvait pas imaginer plus timide. Et je me suis prise une petite claque en pleine figure à 18 ans quand je me suis dit « mais enfin, tu sais rien faire tout seule ». C’est là que je me suis demandée quelle était la chose qui me faisait le plus peur. La réponse est vite arrivée : c’était partir au bout du monde. C’est une décision qui a fait peur à tout le monde autour de moi parce que ça ne me ressemblait pas (rires). J’y suis allée en me disant que j’allais passer mon temps à ramasser des kiwis dans des fermes sur place. Puis, dès le début de mon séjour, mon œil a été attiré vers un vieux monsieur qui chantait dans les rues de la ville où j’étais. La première chose que je me suis dit, c’était qu’il était vraiment stylé ce monsieur (rires). Puis, rapidement, j’ai eu envie de m’acheter une guitare et de me lancer moi aussi.

Finalement, c’est ce que j’ai fait le reste de ces 10 mois. Quand je suis rentrée chez moi, j’ai directement dit à mes parents que c’est ce que je voulais faire de ma vie. Donc oui, c’est la période de ma vie qui m’a le plus marqué musicalement parlant. C’est en faisant l’école de la rue on va dire, que j’ai eu le déclic. Et c’est la meilleure des écoles parce que je m’en suis ramassée des claques. Tu rencontres des gens qui adorent ce que tu fais mais aussi pas mal de personnes qui n’aiment pas du tout et qui n’hésitent pas à te le dire. Ça m’a permis de gagner en assurance, à bien poser ma voix. J’ai beaucoup appris durant ces 10 mois.

LVP : La première chose à laquelle on pense quand on écoute tes morceaux, c’est leur ressemblance à l’univers très intime, très doux de Phoebe Bridgers. Une artiste qui fait indéniablement partie de tes influences. Il te vient d’où ce goût, cette passion pour la folk ?

Benni : Mon papa écoutait pas mal de rock anglais mais surtout beaucoup de country à l’époque. Inévitablement, ça m’a guidé vers la folk. J’ai accroché très rapidement à ces genres-là. Puis à l’âge de 12 ans, je passais mon temps sur YouTube. Je suis tombée par hasard sur cette vidéo live de Damien Rice. Ça a été l’élément déclencheur. C’est le genre de vidéo que je me dois de montrer à des copaines qui à l’inverse, ne comprennent pas. À 12 ans, il n’y a pas beaucoup de personnes qui écoutent Damien Rice (rires). Alors que de mon côté, j’étais transcendée par sa performance, son énergie. Il se donne corps et âme sur scène. C’est le premier coup de cœur que j’ai eu pour un artiste plus folk. De là, le reste s’est construit au fur et à mesure.

Tu creuses pas mal sur Spotify aussi, tu découvres. C’est grâce à ça que j’ai découvert des groupes comme Daughter, Novo Amor mais aussi Phoebe Bridgers et toute cette veine-là d’artistes. Mais pour répondre à ta question (rires), je pense que c’est la country que mon papa mettait dans son pick-up qui m’a marquée le plus.

LVP : En plus de tes influences musicales très brutes, on ressent aussi des productions très aérées, très cinématographiques finalement. C’est un aspect qui joue aussi sur ton processus créatif ?

Benni : En réalité, la manière dont j’écris mes morceaux est toujours très imagée. Quand on regarde les paroles de plus près, on voit que c’est jamais très explicite. J’écris avec beaucoup d’images dans la tête. Je pense que ça joue sur le processus de production finalement. À ce niveau-là, je suis aussi pas mal influencée par des artistes comme Patrick Watson mais aussi Novo Amor, dont je te parlais plus tôt, qui le fait avec brio. Puis Thomas est très fort là-dedans, je dois bien l’avouer (rires). Il a pas mal d’idées très créatives. Il prend par exemple des cassettes enregistrées qu’il découpe et recolle pour créer quelque chose de neuf qui s’allie parfaitement avec le texte. Puis, je suis vraiment partisane de ce mélange entre les mots et les images. De la création qui peut en sortir.

LVP : En janvier dernier, tu nous dévoiles ton premier morceau sous Benni, September 20. Un morceau intime et authentique. C’était important pour toi de sortir September 20 dès le départ ?

Benni : Oui, parce que c’était le morceau qui allait donner toute sa couleur au projet. Il marque les esprits aussi, en tous cas c’était ce que je visais. Parce que voilà, je ne peux pas tout te dire (rires), mais on a des morceaux un peu plus upbeat aussi. Mais ce morceau-là, c’est celui qui me représente le plus. C’est un EP qui est basé sur une histoire d’amour et c’est vraiment le morceau qui a entamé tout le processus de création de l’EP justement. C’est grâce à lui que j’ai compris que j’avais le matériel pour en faire quelque chose de plus gros. J’avais déjà d’autres chansons qui étaient déjà là, mais ce morceau-là, c’est vraiment la clé pour moi.

LVP : Tu parles de ta manière de faire, de ton processus créatif : c’est un peu décrire ce que tu ressens sur le moment. C’est un peu comme une thérapie. Écrire pour mettre sur papier tes émotions.

Benni : Complètement. Je ne suis pas quelqu’une qui a des facilités avec les mots de base. C’est pour ça que j’ai choisi la musique. Je sais que j’ai du mal à dire les choses aux gens. À la place, j’envoie des chansons et je sens que ça aide. Et même pour moi, encore maintenant, n’ayant plus d’affect par rapport à cette histoire d’amour, les chansons, elles, se retransmettent sur plein d’autres situations, sentiments, etc. C’est ça qui est chouette, en les chantant, on se délivre de beaucoup de choses. Et ça aide en fait. Enfin moi, ça m’aide en tout cas et je pense que je ne suis pas la seule.

LVP : Un morceau qui est d’ailleurs rapidement acclamé par la presse belge. Et ça se ressent sur les plateformes. Il se passe quoi à ce moment-là dans ta tête, quand tu vois que ton premier morceau prend autant ?

Benni : Je suis aux anges. Je me souviens que j’avais fait une liste des choses dont je rêvais pour ce projet avec quelques objectifs que je voulais atteindre. Et j’avais coché plein de choses dedans. Puis j’avais noté « atteindre les 20.000 écoutes sur Spotify », chose qui pour certain·es artistes n’est pas grand-chose (rires). Mais qui, pour moi et surtout pour un premier single, représente quelque chose de fou. Quand j’ai vu qu’après la première semaine, je les avais déjà atteint, je me disais que c’était pas possible. J’étais surprise ! Et pas mal de retours positifs sont arrivés. Je ne m’attendais pas à tout ça en réalité. On peut toujours faire mieux évidement parce que ces morceaux, je les ai écrit il y a pas mal de temps. Je pense que je ferais certaines choses autrement aujourd’hui. Mais c’est toute la beauté de la chose aussi je trouve. Ces morceaux représentent un moment de ma vie, une manière de voir les choses à un moment précis et ça restera ancré comme ça.

LVP : Tu te décris comme quelqu’une qui de base, est très timide. On a pu te voir cet été aux Nuits Botanique mais aussi aux Francofolies de Spa. Le fait de pouvoir dévoiler un peu plus ton univers devant autant de personnes, je suppose que ça change pas mal de choses aussi ce genre d’évènement.

Benni : Figure-toi qu’étrangement, non (rires). Je suis très timide dans la vie de tous les jours mais sur scène par contre, je me sens bien ! J’ai pas peur en fait. Je pense que comme j’ai commencé par faire des petits bars un peu pourri, je me suis rendue compte que n’importe quelle salle était aussi importante. Parce que dans l’un des premiers bars que j’ai fait, j’ai dû jouer 3h entière de covers devant trois pelé·es et deux tondu·es (rires). C’était horrible. Mais là-dedans, il y avait le programmateur d’une salle qui m’a fait faire jouer un de mes premiers concerts sur une vraie scène. Du coup, au final, jouer devant 100 personnes, 1000 personnes ou une seule personne, ça doit être pareil.

Le fait de jouer en Nouvelle-Zélande, dans la rue, ça m’a aidée énormément aussi. Tu acceptes qu’il y a des gens qui vont t’aimer et qu’il y a des gens qui ne vont pas t’aimer. Et en fait c’est normal, tu ne peux pas plaire à tout le monde. Mais ça, il a fallu l’avaler. Et oui, la scène je m’y sens bien donc j’ai pas trop de soucis. Puis, les Francofolies (de Spa), en fait je pouvais pas rêver mieux parce que c’est là que j’ai assisté à mon tout premier concert ! J’avais 12 ans et c’était Christophe Maé (rires). Alors, tout le monde se moque mais je n’en démords pas ! C’était un super concert (rires) C’est à ce moment-là que j’ai prévenu ma mère pour la première fois : oui, c’était ça que je voulais faire de ma vie.

LVP : Tu parles de cet idée qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. L’univers de la folk en Belgique, il est pas énorme. D’autant plus en Wallonie. Dans une industrie musicale aussi complexe que celle qu’on a en Belgique aujourd’hui, se lancer comme tu l’as fait, ça fait peur ?

Benni : C’est sûr que ça fait peur. Après, il y a aucun métier où il n’y a pas de risque. Dans la vie de tous les jours, je suis un petit bisounours (rires). Je vois toujours tout rose et en fait, j’ai foncé sans trop réfléchir. On fonce, ça marche, c’est très bien et si ça ne marche pas et bien c’est très bien aussi. Je me disais qu’au moins, j’aurais essayé ! Je dis toujours que je préfère avoir des regrets que des remords. J’avais pas envie de me dire à 60 ans « mince, qu’est-ce que tu as fait ? Tu adores la musique et tu n’en as rien fait ». Du coup, je me suis lancée ! Et encore aujourd’hui, j’essaye de pas trop me poser mille questions. On verra ce que l’avenir me réserve. J’ai aucune idée de ce qui m’attend mais je sais qu’on vit dans une société où on a toujours moyen de rebondir. Ça fait peur sur le moment, clairement. Le milieu de la musique est pas facile. C’est pas nouveau. Quand on s’y lance, il faut y aller à 100%. Selon moi, en tous cas. C’est ma philosophie. Je ne suis jamais sûre de moi, mais je le fais.

LVP : Une philosophie qui s’entend et se voit sur tes premiers morceaux en tous cas ! La suite pour Benni après ce premier EP à paraître, c’est quoi ?

Benni : Je ne sais pas si je peux tout te dire (rires). Non, en réalité, je ne sais pas exactement. Je sais qu’il y aura sûrement un deuxième EP ou un premier album. Parce que je ne vais pas m’arrêter d’écrire. Ce que je peux te dire, c’est qu’on a une signature avec PIAS qui va être annoncée. Donc il y a beaucoup de nouvelles choses qui arrivent. En tous cas, toujours de la musique. Je sais que je veux écrire, je veux toujours continuer d’écrire parce que c’est ça qui me passionne plus que tout et parce que c’est un besoin avant tout. Après, le comment, où et pourquoi…Tout ce que je sais, c’est que l’aventure va continuer.


  • Fifty Lab, Bruxelles (Belgique) – 13 novembre 2024

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