On a discuté de son premier album avec Yael S. Copeland
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Auteur·ice : Paul Mougeot
04/05/2023

On a discuté de son premier album avec Yael S. Copeland

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Il y a quelques semaines, on vous offrait la primeur de many, le nouveau clip de Yael S. Copeland qui annonçait l’arrivée de son premier album solo, Mellow Submarine. Cette semaine, on a échangé avec l’artiste israélienne autour de la sortie de ce nouveau disque, chaleureux et intime à la fois.

La Vague Parallèle : Hello Yael ! Comment ça va ?

Yael S. Copeland : Très bien, je viens tout juste d’emménager dans un nouvel appartement. Je ne sais pas si tu en as entendu parler, mais on traverse une sorte de crise politique ici, en Israël, donc on est assez préoccupé.

Il y a aura sans doute des jours meilleurs, le monde semble un peu fou en ce moment.

LVP : Est-ce que tu pourrais te présenter pour celles et ceux qui ne te connaîtraient pas encore ?

YSC : Bien sûr ! Je m’appelle Yael S. Copeland et je suis musicienne. Je joue aussi dans un groupe qui s’appelle Borito et qui est plutôt un groupe indie pop.

Mon projet solo est plus personnel, plus mélancolique. Je me considère surtout comme une autrice compositrice, j’aime simplement donner vie à des tas de chansons. Je suis une vraie passionnée de musique mais je n’ai jamais été passionnée par un seul genre comme le rock ou le RnB, c’est plutôt un mélange d’influences.

J’écoutais beaucoup de choses différentes à la maison quand j’étais enfant, mes parents venaient des Etats-Unis et ils ont ramené la folk et le rock américains avec eux. J’ai toujours été inspirée par ce storytelling et c’est vers ça que je voulais retourner, avec une sorte de twist un peu plus moderne.

LVP : Est-ce que le fait d’écrire et de travailler seule est une expérience entièrement nouvelle pour toi ?

YSC : C’est une bonne question. En fait, quand je travaille avec Borito, je travaille avec la personne qui est aussi mon compagnon dans la vie et qui s’occupe de la batterie et de la partie technique pour le groupe.

Sur mon projet solo, je suis vraiment toute seule. Ce sont toujours mes chansons et mes paroles, j’avais déjà eu l’expérience de me retrouver en face de mon ordinateur pour enregistrer les voix et les guitares, mais la différence, c’est que dans ce cas précis, je n’ai de groupe avec qui échanger sur mes morceaux.

 

LVP : Tu viens tout juste de publier Mellow Submarine, ton premier album. Qu’est-ce qui te l’a inspiré ?

YSC : Les racines de ce projet sont bien plus folk, elles reposent sur le songwriting et le storytelling. Je suis tombée amoureuse d’artistes qui évoluent dans ce registre lo-fi folk, comme Alex GElliot Smith ou encore Adrianne Lenker de Big Thief, et j’ai vraiment plongé dedans. Sur ce projet, les harmonies sont plus étranges, peut-être un peu plus sombres.

Je voulais faire quelque chose de traditionnel et le saupoudrer d’influences plus étranges, avec cette atmosphère de cassette lo-fi sur laquelle j’aime travailler. Je trouve ça assez intéressant de construire quelque chose de joli et de le détruire ensuite, tout en conservant cette mélodie qui reste pop et sympa.

LVP : Comment est-ce que cet héritage culturel israélien et américain influe sur ton écriture ?

YSC : Ça a forcément une influence. C’est vraiment un cliché, mais j’ai grandi en écoutant Bruce Springsteen. Mon père est vraiment très fan de lui mais en Israël, il n’est pas considéré comme cette immense icône culturelle, donc ça me vient forcément de mon père. On écoutait aussi Bob Dylan, Van Morrisson, Paul Simon, Randy Newman et ils m’ont beaucoup inspirée.

Je dirais que l’influence israélienne vient du fait que j’ai grandi ici, que je connais la langue, la culture. C’est là que j’ai vécu toute ma vie. Mais c’est vrai que j’ai aussi ce point de vue très anglo-saxon sur le monde. Je pense que ma musique est très israélienne mais si quelqu’un l’écoutait au hasard, je ne pense pas qu’il pourrait le remarquer. Au bout du compte, c’est tout simplement ce que je suis.

 

LVP : Est-ce que l’anglais s’est imposé comme un choix d’écriture naturel pour toi ?

YSC : Oui, je crois que c’était naturel pour moi de chanter en anglais. J’écris toujours en anglais : les notes dans mon téléphone, les petits poèmes que je garde pour moi…

Je trouve ça vraiment excitant d’écrire dans une autre langue et d’élargir ton terrain de jeu pour découvrir de nouveaux territoires avec tes paroles. C’est incroyable de se dire qu’une personne qui se trouve à l’autre bout du monde peut les comprendre et les apprécier.

LVP : Cet album a été influencé par la crise sanitaire et écologique que le monde traverse actuellement. Comment es-tu parvenue à changer cette négativité en un album aussi beau et poétique ?

YSC : Je crois que c’est quelque chose qui fait partie de l’identité de notre génération. On vit tous les jours avec ce sentiment que quelque chose peut arriver d’une minute à l’autre… Je crois que c’est quelque chose de marquant dans notre vie quotidienne.

J’ai écrit ces chansons par un été brûlant, j’étais assise dans mon salon en me disant que j’étais très privilégiée, mais je me disais que tout ça pouvait se terminer prochainement.

LVP : Il est vrai que notre génération semble particulièrement concernée par les luttes sociales et environnementales de notre époque. Est-ce que tu penses que l’art et la musique ont un rôle à jouer dans ces luttes ?

YSC : C’est une bonne question, on en parlait beaucoup avec mes ami·e·s récemment. En fait, on se demandait s’il était encore pertinent de sortir de la musique alors qu’il se passe des choses extrêmement importantes partout dans le monde. Mais aujourd’hui, je pense surtout à toutes ces personnes qui se battent pour leur liberté, pour la démocratie, pour l’égalité et je me dis qu’on doit continuer pour elles. C’est un cliché mais je crois qu’on a besoin de donner au monde ce qu’on aimerait y voir.

C’est important de continuer même quand l’actualité est horrible.

LVP : J’ai perçu cet album comme un refuge contre le monde extérieur, avec une atmosphère chaleureuse et intime. Est-ce que c’est comme ça que tu l’as imaginé ?

YSC : Oui, je crois que c’est comme ça qu’il agit pour moi. Je ne savais pas comment les gens allaient le recevoir mais c’est vrai que pour moi, écrire, c’est thérapeutique. Ça m’aide vraiment à travailler sur mes souvenirs, sur ces choses dont j’aurais aimé l’existence… Ça m’aide aussi à me connecter aux gens, c’est rassurant de savoir qu’il y a des gens qui ressentent les mêmes choses que toi.

 

LVP : Cet album sonne également comme un adieu à la vingtaine, aux années d’insouciance et de liberté. Est-ce que ça t’a permis de trouver une certaine quiétude par rapport à ça ?

YSC : Honnêtement, je trouve que la vingtaine est une période un peu tourmentée. Tu ne comprends pas trop ce qui se passe dans ta vie, tu es un peu chaotique… Je crois que quand tu vieillis, il y a quelque chose de l’ordre de l’acceptation : le monde est comme ça, personne ne t’avait prévenu mais tu commences à le comprendre et à l’accepter par toi-même. Tu te sens prêt à passer à l’étape suivante, c’est-à-dire à moins te préoccuper de ce que les gens pensent de toi, à t’aimer davantage, à te soucier des personnes qui te sont proches… C’est ce que je me souhaite à moi-même, aussi.

LVP : Pour terminer, est-ce que tu peux partager avec nous un livre, un album, ou un film que tu as apprécié dernièrement ?

YSC : Bien sûr ! J’adore les films, je suis vraiment une geek du cinéma mais je crois que je vais plutôt partager un album qui a été très important pour moi cette année : Mercy, de Natalie Bergman. C’est un album magnifique, vraiment édifiant.


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