La fusée Maddy Street est parée au décollage. Après deux EP qui ont contribué à l’installer dans le paysage de la pop française et de jolis succès glanés aux Prix Société Pernod Ricard France Live Music et aux Inouïs du Printemps de Bourges, Maddy Street revient en force avec un troisième EP : Heart Choices, plus percutant et plus affirmé que jamais. Iel nous révèle les secrets de ce nouveau disque qu’on a adoré.
La Vague Parallèle : Hello Maddy, est-ce que tu peux te présenter pour celles et ceux qui ne te connaitraient pas encore ?
Maddy Street : Je m’appelle Maddy Street, je suis franco-britannique, je suis né·e en Normandie de parents anglais. J’ai un projet solo que je qualifie maintenant de pop frontale, dans lequel je mélange pas mal de styles musicaux qui vont du rock au rap. Je suis assez versatile dans mes textes, dans les sonorités que j’utilise avec un côté très “in your face” !
LVP : On se retrouve aujourd’hui quelques jours avant la sortie de ton troisième EP, Heart Choices. Comment tu te sens ?
MS : Je suis très excité·e. On dit souvent ça d’un projet qui va sortir, mais je suis vraiment très fier·e de cet EP. C’est un disque dans lequel je continue à mélanger différents styles qui me parlent, sans me résigner à me ranger dans une case précise, ce qui peut parfois être attendu d’un projet qui arrive à un certain stade.
Je voulais continuer à explorer différents univers artistiques sur cet EP et c’est ce que j’ai fait, d’où le titre, Heart Choices. J’ai vraiment fait les choix du coeur avec ce disque. C’est le live qui m’a donné envie d’écrire des chansons plus fortes, avec des messages plus affirmés, des sonorités plus percutantes. J’ai vraiment hâte de pouvoir les jouer sur scène !
LVP : On redécouvre effectivement dans cet EP des sonorités beaucoup plus tranchées, beaucoup plus brutes que dans les précédents. On retrouve aussi cette énergie dans ta manière de chanter, qui est plus viscérale. Comment est-ce que tu expliques cette évolution ?
MS : Je crois que ça vient du live. Je me suis rendu compte à quel point le live était important pour moi. J’ai à cœur de faire ressentir des choses fortes au public, des émotions intenses.
Je crois aussi que quand on débute un projet, on a tendance à écrire des chansons comme nos idoles, comme les artistes qu’on écoute et au fur et à mesure, on se rend compte de ce qui nous correspond davantage. En l’occurrence, j’ai compris que j’étais plus touché·e par les sonorités plus brutes, plus directes et c’est quelque chose que j’avais envie de transmettre dans ces nouveaux morceaux. C’est quelque chose qui vient aussi avec la confiance en soi, parce que je crois que j’ai moins peur de sortir des codes de la pop à présent. Je dirais même que j’en ai eu envie.
LVP : Je trouve que c’est quelque chose qu’on ressent également dans tes textes. On sent que les doutes et les interrogations que tu exprimais dans tes premiers morceaux ont laissé place à une vraie volonté de s’affirmer, voire à certaines revendications.
MS : Totalement. Par exemple, le morceau Loud, qui est un peu le morceau où je pose mes quatre vérités sur l’EP, m’a permis de pointer du doigt les personnes qui utilisent la religion pour justifier la haine envers la communauté queer et c’est en effet un rejet que j’avais envie d’exprimer de manière très frontale.
Je me trouve de plus en plus cocky dans mes textes, je pense que je m’affirme beaucoup sans trop me prendre au sérieux. C’est un peu ce que je démontre avec Switch Bitch : je montre à quel point je suis versatile dans mon style, c’est un peu un égotrip, mais il y aussi beaucoup d’humour et de second degré là-dedans.
LVP : Justement, j’ai le sentiment qu’il est souvent question d’identité dans ton travail, que ce soit d’identité de genre, de ton identité franco-britannique, de ton identité artistique… Dirais-tu que la musique et l’art en général t’ont permis de trouver ton identité, ou que c’est plutôt ton identité qui influe sur ton travail, un peu des deux ?
MS : Je pense que c’est un peu des deux. J’ai eu la chance de m’entourer de personnes de la communauté queer et notamment de la communauté drag, qui m’ont permis·e de mieux comprendre mon identité de genre, qui je suis… Cette affirmation s’est effectivement traduite par des chansons parce que comme tu l’as dit, je suis beaucoup dans l’introspection et dans l’expression.
Le fait de voir une psychologue m’a aussi énormément aidé·e à mieux me comprendre et me sentir. La musique arrive ensuite comme un exutoire qui me permet de faire ressortir ces réflexions. Je pense que ça a surtout été un moyen d’affirmation.
LVP : En parlant d’entourage : depuis le début de ton parcours artistique, tu entretiens une collaboration étroite et très prolifique avec Saïsama, avec qui tu as travaillé sur ce nouvel EP. Est-ce que tu peux nous parler de ce parcours que vous avez mené tous les deux ?
MS : On s’est rencontré·e quand j’avais 19 ans et j’ai vraiment commencé la musique en studio avec lui. On a beaucoup évolué dans nos registres respectifs, dans nos manières de fonctionner et d’écrire. C’est notamment grâce à lui que je peux autant m’affirmer sur mes prods et mes compos, y mettre un peu plus de moi grâce à ce qu’il m’apporte. Il vient du monde de l’électro et c’est aussi ce qui donne ces couleurs aux morceaux. On travaille toujours dans son studio à Montreuil, avec nos petits moyens et je crois qu’on arrive à faire en sorte que ça sonne de mieux en mieux.
Cette année, on a aussi travaillé avec Whim Therapy sur les arrangements, avec qui j’ai sorti un feat. Il vient aussi du monde de l’électro et il nous a aidé·e à passer un vrai cap en ce qui concerne les prods. Je crois que c’était intéressant de ramener quelqu’un d’autre au sein de notre processus créatif, ça nous a été très bénéfique.
LVP : Je suis assez impressionné par ton parcours, par l’humilité et la force de travail qui s’en dégagent. J’ai le sentiment que tu as beaucoup à cœur d’expérimenter, de t’approprier les choses et de t’améliorer. Ça se traduit par ton parcours remarquable dans les tremplins, des auditions de La Grande Party en 2020 à la récompense du prix Société Pernod Ricard France Live Music en 2023 et des Inouïs en 2024. Qu’est-ce que ces dispositifs t’ont apporté ?
MS : Ce cheminement a été très important pour moi parce que je ne connaissais personne dans le monde de la musique, je n’avais aucun contact et ça m’a permis de me faire un réseau. C’est très formateur mais c’est aussi important de rappeler que dans tous les retours qu’on reçoit dans le cadre de ces dispositifs, il y a des choses qui sont bonnes à prendre et d’autres qu’il faut considérer avec un peu de recul.
Je pense que je n’aurais pas pu arriver là où j’en suis aujourd’hui sans ces tremplins, c’est clair. Ce qu’il faut garder en tête, c’est que c’est un parcours qui se fait vraiment étape par étape. On a parfois en tête la vision d’un projet émergent qui explose en un ou deux ans, donc on pourrait avoir tendance à se décourager quand on voit que ça ne va pas assez vite au bout d’un an. Mais souvent, on ne voit pas les cinq ou six ans de préparation qu’il y a en amont et qui sont invisibles pour le public. Des “non”, j’en ai pris plein, des échecs aussi et ça m’a permis d’aller vers quelque chose de bien plus singulier, de plus personnel, de faire un projet qui me ressemble davantage.
LVP : Tu as souvent abordé la question de la représentation des personnes non-binaires dans le paysage des musiques actuelles. Est-ce que tu as le sentiment qu’aujourd’hui, par ton parcours et tes convictions, tu peux représenter un modèle pour ces personnes?
MS : En toute sincérité, je crois que je fais d’abord tout ça pour moi avant de le faire pour les autres. J’avais besoin de parler de mon expérience, de mon parcours.
Mais c’est vrai que maintenant, après les concerts, je reçois des messages de jeunes adultes ou d’ados qui me disent que ça leur fait du bien de voir sur scène une personne qui revendique son identité sur des scènes un peu mainstreams. Après, ça reste à une échelle assez confidentielle, je ne prétends pas être une représentation pour la communauté. Mais c’est vrai qu’en France, tout est tellement genré qu’on est encore assez loin d’avoir des artistes genderqueer complètement mainstreams dans le paysage musical. J’ai espoir que ça bouge un peu !
LVP : Sur ce disque, tu alternes beaucoup entre le français et l’anglais, y compris au sein d’un même morceau. Comment est-ce que ça te vient quand tu écris ?
MS : Dans la vie de tous les jours, quand je parle, il y a des mots qui me viennent dans une langue ou dans l’autre parce que le sens est plus précis ou que ça me paraît plus logique. Quand j’écris, je me donne de plus en plus la liberté de passer de l’une à l’autre en fonction de ce que je raconte parce que c’est assez facile pour moi.
Dans Switch Bitch, je le fais un peu pour la blague et aussi pour me la péter en montrant que je peux le faire (rires). Je pense aussi au fait qu’en France, il y a un public qui m’écoute qui ne comprend pas forcément l’anglais et donc le choix d’avoir quelques phrases en français me permet de les toucher plus facilement, comme sur Loud. Je trouve aussi que le français se prête bien au rap, c’est une langue très poétique, là où l’anglais colle plutôt à la pop avec son côté chanté.
LVP : L’image occupe une place importante dans ton projet puisque tu réalises tes propres clips et que tu as monté un collectif qui met en avant le travail de créateur·ices queer dans le milieu de l’audiovisuel. Est-ce que tu peux nous parler de la manière dont tu travailles l’image de ton projet ? Est-ce que tu es plutôt inspiré·e par le son ou par l’image ?
MS : Ça dépend énormément. Dans mon téléphone, j’ai des notes dans lesquelles j’écris des idées de clips, sans forcément avoir choisi pour quel morceau je vais les réaliser. Pour Switch Bitch, c’est le son qui m’est venu en premier et le clip m’est venu ensuite. Mais c’est vrai que dans mon travail, j’ai toujours associé le son à l’image de manière très forte et souvent, j’ai des images qui me viennent en tête en écrivant.
Je trouve ça triste que les clips prennent moins d’importance aujourd’hui, j’ai l’impression que les gens les regardent moins, on est plutôt sur des formats courts. Ce n’est pas pour autant qu’on ne peut pas faire des belles images, montrer qui on est et faire ressortir une vraie DA, mais je pense que ça touche moins de gens. Je crois que ça reste très important pour un projet.
LVP : Comment est-ce que tu comptes faire vivre cet EP sur scène ?
MS : Il vit déjà en partie sur scène puisqu’il y a trois des morceaux que je joue en live depuis un an. On voulait ajouter de la pêche au live et on a donc décidé d’y ajouter ces titres qui sont plus percutants.
On fera vivre le disque un peu différemment à partir de l’été prochain parce qu’on va y ajouter une batterie pour avoir des sonorités plus fortes, alors que pour le moment on n’est que deux sur scène.
LVP : D’ailleurs, tu as réalisé un de tes rêves cet été en jouant au festival Beauregard. Comment ça s’est passé ?
MS : C’était incroyable ! C’est un festival qui me tenait beaucoup à cœur parce qu’il se déroule près de l’endroit où j’ai grandi, à Caen. C’est le premier festival où j’ai mis les pieds, j’y suis allé·e pendant des années avec mes potes du lycée. J’y ai aussi vu certaines de mes idoles : Blondie, Sting, Florence & the Machine… C’est vraiment mon festival de cœur.
J’avais tenté le tremplin pour y jouer l’année dernière et j’avais gagné le prix du public mais pas celui du jury, donc je n’avais pas pu y jouer. C’était un mal pour un bien finalement parce que ma tourneuse a été contactée par le festival cette année et on m’a proposé d’ouvrir sur un créneau de rêve, avec une affiche Maddy Street, Zara Larson et David Guetta. Quand j’ai reçu le texto, j’ai cru à une blague ! C’était hyper impressionnant, c’était ma plus grosse scène, il y avait entre 15 et 20 000 personnes à la fin du set. J’ai reçu plein de super beaux retours à la fin, c’était vraiment incroyable.
LVP : Pour terminer, est-ce que tu peux partager avec nous un coup de cœur musical récent ?
MS : Oui, je dirais Lynx, une rappeuse française inspirée de la scène UK, je la trouve géniale. Je conseillerais aussi le groupe Akira & Le Sabbat, mes potos des InouÏs, je les recommande vraiment en live. Et enfin, le dernier EP de Little Simz parce que c’est impossible de faire une interview sans la mentionner !
Pratiquant assidu du headbang nonchalant en milieu festif. Je dégaine mon stylo entre deux mouvements de tête.