On a parlé poèmes soniques et amour naissant avec Lewis OfMan
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Auteur·ice : Caroline Bertolini
28/02/2022

On a parlé poèmes soniques et amour naissant avec Lewis OfMan

Photo | Diego Mitrugno

Lewis OfMan, alias il maestro du synthé, nous a accordé quelques instants précieux pour parler de son nouvel album Sonic Poems, paru le 18 février dernier. Si cela fait longtemps que nous suivons les balades au groove romantique de l’artiste, cet album a une saveur particulière. Tant via son éclectisme que sa musicalité exceptionnelle, emplie d’influences diverses. Un 16 titres aussi provoquant que poétique, doux que dansant, tout ce qu’il faut pour détonner des dernières semaines pluvieuses. On a donc parlé d’insolence, de sérénité amoureuse et de lâcher-prise avec notre magicien du clavier préféré. 

La Vague Parallèle : Pour commencer, ça fait quoi de sortir cet album maintenant ? Tu avais hâte que ça sorte ? 

Lewis OfMan : Je suis ravi. Alors, hâte que ça sorte… la sortie d’album, pas forcément, parce que je suis en train de le vivre maintenant et c’est une montagne de travail et pas forcément de stress mais de tension. Mais que ce soit libre d’accès enfin, oui j’en suis très content parce que ça fournit enfin tout ce que j’ai envie de dire. Pour ça je suis ravi parce qu’il y a souvent des incompréhensions sur ce qu’on dit vraiment, sur la musique qu’on fait. Donc là enfin, il y a un manuel.

LVP : Tu vois ça comme un manuel ?

Lewis OfMan : Un peu. Non pas parce que j’ai besoin que les gens aient un manuel, mais c’est plutôt comme une lettre de la musique que je fais. Ça m’a pris trois ans de faire ce travail, de trouver enfin les chansons qui allaient être la bonne manière d’exprimer ce que j’avais envie de dire. Donc enfin j’ai un album et je sais que ça je peux le montrer, que je ne vais pas être gêné si je l’entends dans trois ans.

LVP : Sur le début de l’album, j’avais l’impression d’être dans la scène de Charlie’s Angels où passe Heaven Must Be Missing An Angel, quand Cameron Diaz fait un rêve dans une discothèque, tout y est joyeux. Et sur la fin, plutôt dans la vidéo virale du petit garçon qui danse en boîte dans une ambiance plus dark (dont l’edit le plus connu est Is It True de Tame Impala). Et à partir de là c’est très dramatique mais dans le futur, on dirait. C’était voulu d’avoir ces deux moods différents ? 

Lewis OfMan : Totalement. Il y aun moment de switch, c’est vraiment au milieu de l’album. Il y a Toxic Night qui entraine quelque chose, puis il y a Love Parade, que j’appelle vraiment le coeur amoureux, puis ça coupe vraiment avec Sorry Not Sorry. C’est la qu’on arrive dans un autre mood avec S.O.S, avec des choses plus frontales, plus sombres totalement. J’adore faire des chansons comme ça. Comme Fuck You, ou même Dancy Girl en fait. Et je n’avais pas encore eu l’occasion de le faire. Enfin, je les faisais mais je n’avais pas l’occasion de sortir ces chansons-là. Donc c’est totalement volontaire.

LVP : Dans les titres de chansons, et justement à partir de Toxic Night comme tu disais, il y aussi une certaine insolence  qu’on retrouvait moins avant. C’était plutôt mignon, dancy, comme dans Plein de Bisous et maintenant on retrouve cette impertinence super intéressante. Ça vient d’où ? 

Lewis OfMan : Oui, c’est vrai ! C’est un mélange d’insolence et de nonchalance aussi. Quand j’ai fait cet album, l’idée c’était aussi de ne pas être regardant sur ce qui m’entoure, en termes de ce qui est cool ou pas, parce que dans la musique que je fais aujourd’hui, plus rien n’est cool ou pas cool. Il y a tellement de choses et c’est pour ça que parfois, on me demande si je n’ai pas peur étant donné que dans ce style, il y a tellement de musicien·nes. Et en fait non, parce que du coup tu es obligé·e de faire ton possible, vraiment. Tu vas faire quelque chose de plus spécial et original, ça c’est intéressant. C’est pour ça que par exemple, Love Parade, ça dure 7 minutes, S.O.S, 5 minutes. Je m’en fous en fait. Là j’ai fait un album de 16 chansons, l’époque d’aujourd’hui n’est pas censée permettre ça, mais en fait ce n’est pas grave. Tu peux te le permettre et juste le faire.

Puis, sur l’insolence des sujets, oui il y en a, mais surtout parce que c’est drôle. Too Much Text par exemple, c’est drôle de parler de ce sujet. C’est cool d’avoir une chanson ou un mec dit Fuck You, aussi. Ou avec Toxic Night. Tu peux t’identifier assez facilement à ces propos. Donc je ne pense pas que ce soit une insolence recherchée mais peut-être que ça peut créer cet effet parce que je m’en fous un peu et je me dis, vas y, cette chanson va s’appeler Too Much Text.

 

LVP : Même dans Attitude qui est un des premiers singles sortis pour l’EP Dancy Party et qui figure dans l’album, il y a vraiment une attitude dans le morceau, dans le sens anglais du mot. 

Lewis OfMan : C’est cool que la chanson ait une attitude aussi !

LVP : Mais on peut entendre aussi une libération dans cet album. Tu parles d’amour par exemple, en quoi l’amour est important dans cette libération ? 

Lewis OfMan : Oui, parce que la recherche de l’amour permet des situations extraordinaires. La recherche de l’amour permet des moments comme Toxic Night mais aussi des moments comme Regarde Moi. Dans les prémices de l’amour, il y a cet espèce de moment très rapide, mais qui dure une éternité, qui te fait vivre quelque chose d’incroyable où tu te retrouves à croiser le regard de quelqu’un et à maintenir ce regard. D’un coup, tu as le coeur qui bat et il se passe quelque chose de fou. Ces deux chansons-là permettent ça. Après, une fois que l’amour arrive, c’est Love Parade. C’est aussi toute l’aventure de cette recherche amoureuse parce qu’il y a tout ce moment ou on se court après, cette séduction. C’est vraiment inspiré des parades d’oiseaux, d’ailleurs. Et enfin, en toute fin de chanson, au moment ou tu entends “I love you” – le “je t’aime”-, tout se calme. Ça y est, tu es dans la sérénité amoureuse, tu es dans une plénitude d’esprit et tout va bien.

LVP : On l’entend plusieurs fois à partir de ce moment-là dans la chanson, d’ailleurs. 

Lewis OfMan : A partir de ce moment-là, tu le répètes, bien sûr. Je sais qu’il y a pas mal de gens qui vont se dire “je t’aime” dans les moments catastrophiques justement, pour sauver les meubles. Alors que je pense que ce sont des mots qui se disent pour souligner et accentuer le bonheur. Tu réalises que tu es trop bien avec la personne et tu lui dis que tu l’aimes, et c’est l’effet recherché dans une chanson comme Love Parade. C’est le bonheur que tu ressens. Moi j’ai souvent aimé le symbole de l’être aimé, c’était mon vague à l’âme. J’étais plus jeune et j’aimais bien rêver à la personne que je ne connaissais pas, je ne sais pas si elle existait mais je l’aimais. C’est ce qui permet une certaine mélancolie, même plus de nostalgie heureuse que j’essaye d’amener dans mes chansons. C’est là-dedans que la place de l’amour est très importante.

LVP : Ce serait quoi pour toi un “sonic poem” ? 

Lewis OfMan : En fait, le problème que j’ai souvent eu avec les poèmes, c’est que je n’arrivais jamais à me projeter dans ce qui était dit. Je n’arrivais jamais à être ému par la beauté des textes, ou par ce qu’on était censé voir. Là où, en musique, je vis des moments dingues, et ce que je ressens, je pense que c’est ce qu’on devrait ressentir face à un poème. Donc pour moi un sonic poem c’est tout simplement une chanson qui fait l’effet d’une prose, d’un vers, etc., qui te fait voir des images particulières. Par exemple, une chanson comme Midnight Sex, c’est une chanson que j’ai faite en ayant vraiment une image très précise en tête de corps éclairés par la lune. Tu es dans des draps et tu vois le corps de l’autre personne éclairé par la lune.

LVP : Ça se ressent vraiment dans la musique, c’est vrai. Dans beaucoup de chansons qui parlent de sexe on n’a pas cette sensualité, cette douceur qui revient. Donc quand on l’écoute, on se sent apaisé et on se laisse transporter par le mood assez vite, je trouve. 

Lewis OfMan : C’est génial, je suis super content que ça fonctionne !

LVP : En parlant de feeling intense, je t’ai vu en live à une Fifty Session durant l’été. Ça m’impressionne toujours de voir les artistes pianoter sur leur clavier, j’ai l’impression que c’est de la magie. Les artistes me font penser à des magicien·nes dans ces cas-là. Toi, comment tu te sens en live quand tu pianotes et que tu fais danser les gens ? Surtout dans des conditions comme celles-là, où ce n’est pas facile avec les normes sanitaires, etc.

Lewis OfMan : Moi j’adore ça ! Quand on me dit “Je te préviens, les gens seront assis, ça risque d’être difficile” etc. Il y a une première contrainte, et j’adore les contraintes parce qu’après, tu es libre de tourner autour. Surtout que de base, les gens se disent que ça risque d’être un peu médiocre, et là tu as la possibilité de transformer ça. J’ai vu tellement de concerts dans ma vie, j’aime bien arriver et parler tout de suite, briser la glace directement et là il y a un premier lien qui se crée. Puis parfois, les gens sont froids et tu ne sais rien y faire. J’ai appris à ne jamais trop en demander au public. Parfois les gens ont la flemme, il faut respecter cette flemme. Si ça se trouve, ils ont en gueule de bois, peut-être qu’ils adorent mais qu’ils n’ont juste pas envie de danser. Si tu essayes de les pousser et que tu montres que tu as un peu la haine, tu installes un conflit avec les gens et ça ne va pas. Pour que tout le monde soit content, il faut juste que tout le monde se sente libre de se laisser aller.

Photo | Caroline Bertolini

LVP : On ressent beaucoup de bienveillance dans ton live, ça donne vraiment envie au gens de se laisser aller. 

Lewis OfMan : Au final ça crée une énergie, et toi en tant qu’artiste, tu es poussé par l’énergie des gens. Tu n’es pas dans un sentiment de spectacle ou tu dois être un showman, mais ça a l’air vraiment vrai et sincère. C’est pour ça que je pense qu’il y a souvent un lien assez cool qui se crée avec mon public.

LVP : Vu que tu vas quand même plus vers l’électro, c’est quoi ton rapport au sample ? 

Lewis OfMan : Je trouve ça génial, ça permet de faire des collages ! Il y a beaucoup de sons de drums, de choses comme ça qui viennent donner cette esthétique années 90. Il y a aussi des sons que j’ai samplé de vinyles de jam sessions des années 80, notamment d’une compile qui s’appelle Boombox. Ce sont des jam sessions de MC un peu, et il y a plein de moments où le mec rap sur un beat seulement. Du coup, dans Energized, on entend des mecs qui rapent au loin, c’est samplé sur un vinyle, et c’est génial. Tu viens ajouter une vibe en plus.

Et si vous voulez savoir ce que Lewis OfMan passerait en boîte, voici son set au Kiosk Radio datant du jour de notre interview :


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