On a passé une heure sur Zoom avec November Ultra, et ça donne ça
"
Auteur·ice : Valentin Dantinne
04/08/2021

On a passé une heure sur Zoom avec November Ultra, et ça donne ça

On la découvrait en automne dernier avec sa doudoune rose et sa berceuse Soft & Tender. November Ultra, dite Nova, est non seulement une des artistes auxquelles il faudra se montrer attentif·ve dans les prochains mois mais aussi une personnalité franchement attachante et bienveillante, comme le montrent ses réseaux sociaux. Il y a quelques mois, on a pris le temps de discuter avec elle cam to cam pour une bonne heure, sans se poser trop de questions — ou en s’en posant beaucoup, c’est selon. On sort de nos archives les meilleurs morceaux de cette entrevue, pour vous présenter une artiste authentique et une femme sincère dont il nous tarde de découvrir le premier album.

LVP : C’est quoi l’ADN de November Ultra ?

Nova : Est-ce qu’il y a vraiment quelqu’un qui a une réponse très très simple à cette question ? (rires) Je pense que mon ADN est clairement un mash-up de tout ce que je suis, c’est-à-dire du fait que ma mère soit espagnole donc j’ai grandi avec toute cette partie, cette dramaturgie-là. En même temps, je suis très très proche de mon grand-père, c’est la première personne qui m’a fait chanter, c’est aussi avec lui que j’ai grandi musicalement, cinématographiquement. Les comédies musicales du coup, pour moi, c’est un truc des années 60. J’ai aussi grandi, en même temps, avec les Strokes, Frank Ocean. C’est aussi ça. Tout l’intérêt de la musique que je trouve alternative dans ce cas-là c’est l’aspect un peu foldingue mais dans un prisme pop. C’est pour ça que des gens comme Frank Ocean ou Lorde me plaisent énormément parce que ça a toujours été des gens qui font de la musique où lorsque t’écoutes trois minutes, tu ne sais pas où ça va aller. Tu ne sais pas où finit la chanson, s’il va y avoir des plot twists. Du coup, je pense que je dirais ça. Je fais de la pop alternative. C’est vaste.

En parlant de Lorde, I am waiting for the album.

I know bitch. Tu sais qu’on est nées le même jour ?

Tu partages quand même pas mal de trucs par exemple de comptes Instagram comme We are not really strangers. Est-ce que c’est important ou juste naturel d’avoir un peu de bienveillance sur ta plateforme et à la fois dans ton projet ?

Je pense que ce que je dis beaucoup, et c’est ce que je ressens de plus en plus — parce que c’est une question qui revient, je pense d’autant plus parce que Soft & Tender est le premier morceau que j’aie sorti et qu’il y a cet aspect qui s’est avéré être berceuse, apaisement et bienveillance — c’est qu’il y a une part de volonté de m’apaiser moi-même, qui fait que c’est ce que le morceau est. Je pense que c’est cet effet miroir. Je sais ce que j’ai vécu en étant une petite grosse, je sais ce que j’ai vécu en étant une femme, je sais ce que je vis en ayant mes petits monstres intérieurs, ma santé mentale. Ce sont des choses où je me dis que si la personne en face, derrière son écran, elle est en train de passer une journée un peu pourrie et moi j’aimerais me sentir mieux, ben j’espère que cette personne-là va se sentir mieux. Je ne me dis pas “tiens, je vais faire se sentir bien les gens”. Mais je pense que par extension, j’aimerais que tout le monde se sente bien, tout comme moi j’ai envie de me sentir bien. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de bienveillance. Robin Williams, qui a fini par se suicider et qui était quelqu’un qui luttait contre lui-même pour plein de choses, c’était une des personnes les plus drôles et les plus bienveillantes, et qui a rendu heureux beaucoup de gens. Il y a quelque chose dans la bienveillance qui est forcément tourné vers l’extérieur mais qui a une racine très interne de se dire “ça me fait me sentir bien moi aussi” par ricochet.

Donc c’est un peu de la musique altruiste quelque part ?

C’est drôle parce que je l’ai vraiment découvert avec le premier morceau de Agua Roja à l’époque, Summer Ends (2013). J’ai fait une attaque de panique quand on a sorti le morceau parce qu’en fait, c’était un morceau très personnel. Quand il est sorti, je ne m’attendais pas à ce que ça me stresse autant. Mais d’un coup, voir des gens quoter mes paroles… (pause) Après, j’ai découvert à quel point ça faisait partie de l’acte presque thérapeutique de se dire “t’as écrit ce morceau” — en sachant que pour moi, il n’y a rien de plus égocentré que d’écrire une chanson parce que ce sont tes pensées, tes émotions — et qu’en fait, la belle partie de la chanson, c’est que la chanson doit sortir. Sinon, ce n’est pas une chanson. C’est comme les poèmes, les poèmes c’est fait pour être récité selon moi, la chanson c’est fait pour être chanté, à l’air libre et devant des gens — c’est aussi pour ça que je chante énormément sur les réseaux sociaux. Ça fait incroyablement partie de la musique de la faire et de la partager, et je me suis rendu compte de cette deuxième vague intéressante après avoir fini la chanson : celle de la sortir, de la lâcher. Et d’un coup, cette chanson, elle devient autre chose. Elle devient une sculpture où il y a d’autres personnes qui voient autre chose. Ça te la détache de toi et je trouve ça incroyable, c’est très positif. Donc de la musique altruiste je ne sais pas, je pense qu’il y a les deux en fait. De toute façon, si tu suis la loi du monde, rien n’existe sans son contraire. Tout part de soi et puis génère pour les autres. Je pense qu’il n’y a pas de musique plus universelle que le truc le plus personnel que tu n’aies jamais écrit de ta life. Si tu essaies d’écrire un tube universel, c’est presque trop dilué. Alors qu’une personne qui écrit sur quelque chose qui est incroyablement personnel, c’est assez étonnant parfois mais ça parle à quelqu’un d’autre qui va se l’approprier.

Je pense qu’il n’y a pas de musique plus universelle que le truc le plus personnel que tu n’aies jamais écrit de ta life. 

Photos : Pauline Darley

C’est quoi l’explication derrière November Ultra, hormis le fait d’être née en novembre ?

Je suis née en novembre et au moment où j’ai eu mon groupe je ne voulais pas utiliser mon vrai prénom. J’étais November dans Agua Roja. Ça me permettait de spliter la partie musicale avec mon métier et la partie personnelle avec mes amis et ma famille. J’étais très timide, ça a été très difficile pour moi pendant longtemps de chanter devant des gens donc imagine, c’est un peu fou que ce soit ce que je fais de ma vie. (rires) Comme quoi tout arrive. Ça me permettait de compartimenter, d’accéder à quelque chose d’autre. Tu vois Beyonce elle a Sasha Fierce, elle devient Sasha Fierce sur scène. Il y avait un truc derrière November qui m’aidait beaucoup. Quand le groupe s’est dissous, j’étais November tout court. Je me suis dit que j’allais évoluer comme un petit Pokémon et du coup je suis devenue November Ultra, en clin d’oeil à la mixtape de Frank Ocean qui s’appelle Nostalgia, Ultra que j’aime énormément. Cette mixtape, musicalement, pour moi, elle a tout. C’est une mixtape en 3D, qui casse le quatrième mur, qui est pensée comme un objet, comme un voyage. Tu as vraiment les bruits de la mixtape, de rewind, tu as des reworks, c’est un parolier incroyable. Il y a quelques artistes comme ça où je me dis “si tu n’es pas à la hauteur, ou en tout cas ce n’est pas ce que tu veux faire, d’être juste et incroyable en musique et intéressante, ça ne sert à rien de faire de la musique si c’est juste pour faire des trucs”. Je ne te dis pas que j’y suis arrivée mais j’espère, et à chaque fois je me dis “si tu n’es pas aussi juste qu’un Jeff Buckley ou une Amy Winehouse parce que quand iels chantent ça te fout à l’envers parce qu’iels ne savent pas faire autre chose, en fait genre tu ne mérites même pas de faire la musique”. Ça vient du fait que j’ai été blogueuse musicale pendant très longtemps, j’ai tellement d’amour pour la musique, pour les artistes, pour les concerts. Il y a toujours cette question de se dire “est-ce que je mérite d’être là ?”, clairement un syndrome de l’imposteur·ice. Au début, j’avais beaucoup ça. Après, je me suis dit que j’avais le droit d’être là juste parce que je suis très sincère dans ma démarche. Le reste, c’est du bonus.

Est-ce que le lifegoal, ce n’est pas le jour où November Ultra va se réunir avec ta partie personnelle ?

Je pense que j’y suis, en fait. C’est assez drôle parce que je vois une psy depuis un an et demi — je pense que tout le monde devrait voir un·e psy, si c’était possible. J’y crois très fort, on le voit depuis des années et encore plus maintenant, ça devrait être remboursé par la Sécurité sociale et vraiment très sincèrement je pense qu’on est tous·tes des adultes, des ados, des enfants avec plein de noeuds. Si tu es parent et que tu as réussi à travailler sur toi-même, ça va aider tes enfants ou tes futurs enfants — ou même tes non-enfants, c’est OK aussi. C’est quelque chose qui ressort avec ma psy qu’il y ait November et qu’il y ait moi, et dès les premières séances je me disais qu’il n’y avait pas de différence entre les deux. Je ne me dis pas ici pendant l’interview “ah je suis November“. Mais sur Instagram, il y a quand même quelque chose avec le maquillage effectivement, il y a des codes. Mais au final, pas vraiment. La réalité c’est que mon surnom c’est Nova. Ma famille, mes amis m’appellent Nova. C’est aussi un nom que moi j’ai choisi, qui me convient et dans lequel je me sens à l’aise. Il y a juste des trucs que je vis en tant qu’artiste qui font que, dans ma vie de tous les jours, c’est plus facile pour moi peut-être d’aller acheter une baguette et de ne pas faire un gros stress avant d’y aller. Mais pour autant, je ne me sens pas divisée. J’ai beaucoup lutté avec ça quand j’étais ado, ma mère est espagnole et mon père est portugais. J’ai grandi avec toutes ces cultures et en même temps je n’ai 100% de rien parce que je ne connais pas assez bien le français, j’ai des mauvaises notes en dictée et je n’ai pas la culture littéraire française que mes amies ont. En même temps, je n’ai pas beaucoup la culture espagnole ou portugaise. Je n’ai jamais été complètement quelque chose en fait. Quand tu es ado, il n’y a rien que tu veux plus que d’être complètement quelque chose, tu as envie d’appartenir à quelque chose. Ma paix est arrivée au moment où je me suis dit “je suis tout”. Je suis tout ça, je suis tous ces niveaux-là et plus je rajoute des niveaux, plus je suis proche de qui je suis. Ce n’est pas du compartimentage, c’est de me dire que toutes ces facettes font partie de moi. Je pense que mine de rien, il y a aussi un petit coté “protection” de se dire “ça va c’est November qui se prend les remarques ou les critiques” et moi, dans mon noyau, je ne suis pas touchée.

Tout le monde devrait voir un·e psy. J’y crois très fort, on le voit depuis des années et encore plus maintenant, ça devrait être remboursé par la Sécurité sociale et vraiment très sincèrement, je pense qu’on est tous·tes plein·es de noeuds.

Photos : Pauline Darley

Tu as sorti Soft & Tender en premier. Pourquoi as-tu présenté ce titre en premier lieu ?

La question ne s’est jamais trop posée. C’est une chanson que j’ai écrite en 48 heures. C’est une des chansons les plus simples, elle m’est tombée dessus. C’était à un moment où j’étais incroyablement heureuse. Ce n’est même pas une chanson d’amour très particulière, je n’étais pas en couple ni rien, mais j’étais heureuse parce que je me rendais compte que j’étais aimée, j’aimais, que j’avais des amis, une famille, des gens. J’étais furieusement heureuse de vivre ce week-end-là. Du coup, j’ai écrit cette chanson. Et ça a été presque une clé dans ce qu’est l’album. C’est la meilleure introduction à ce qu’est l’album et à ce que je suis. C’est la chanson la plus simple, à l’époque je n’avais qu’un huit pistes donc je n’avais pas le choix de me dire “je vais rajouter des trucs, mettre des tartines”. C’est difficile de faire simple et en même temps c’est la meilleure introduction parce qu’il y a tout de moi à l’intérieur : ce côté folk que j’aime énormément, ce côté berceuse qui est une chose que j’aime beaucoup faire et la façon dont j’aime énormément chanter parce que comme tu dis il y a un truc d’apaisement, j’aime beaucoup m’apaiser, apaiser des gens. Il y a la partie en espagnole à la fin, il y a la petite blague en français et cette introduction avec les petites voix qui sont des choses tout à fait dans l’ADN de ce que je fais et qui vont être très différentes dans chaque morceau de l’album. À un moment, tu ne te poses pas trop la question, tu regardes l’album et tu te dis “c’est sûr que la porte d’entrée ça doit être Soft & Tender“. Après est venu le doute. J’ai vrillé un peu avant que ça sorte en me demandant si les gens allaient trouver ça trop nul ou trop simple. Je suis très heureuse et je suis assez sûre des choses que je fais habituellement, je reviens rarement en arrière même si je mets longtemps à me décider. Il y a cette carte qui dit “préparation lente, exécution rapide”. C’est vraiment ce que je suis. Après, les gens devaient aussi pouvoir accéder à Miel par la suite, j’ai reçu un commentaire qui disait “queen of folk” donc dans ma tête j’ai paniqué et je me suis dit “il y a Miel qui va sortir derrière” et les gens vont être déçus. (rires)

Il s’avère aussi que la chanson est sortie au bon moment. C’était le plan de toute façon. On est dans une période tellement floue, on continue à sortir des morceaux et faire nos métiers à l’intérieur d’une pandémie, il ne faut pas se leurrer. J’avais besoin de trouver quelque chose d’ancré dans l’année et le mois de novembre était le mois de mon anniversaire, il est là, il ne bouge pas, c’était un peu un truc auquel je me suis retenue. J’ai dit à ma manageuse que le premier single, je le sortirais la veille de mon anniversaire. Il s’avère qu’au moment où j’annonce la sortie, Macron annonce le deuxième confinement. Il y avait aussi cette angoisse latente, ce stress latent où c’est difficile de dormir, de se reposer ou même d’avoir un futur. C’est ça qui nous fatigue, on ne sait pas, tout est tellement flou. Soft & Tender est peut-être tombée au bon moment, finalement de quoi a-t-on plus besoin de qu’une petite berceuse douce et tendre ?

Après, il y a Miel. On voit plein de nouvelles choses en l’écoutant en second single, comme un enfant qui découvre ses cadeaux à Noël. Davantage de distorsions de voix, de jeux de petites voix, similaires ou nouvelles. Est-ce que tu aimes jouer avec ta voix ?

J’adore. J’adore mettre le plus de vie que tu peux dans un morceau. Par exemple, Soft & Tender, c’était ma volonté première quand j’ai fait le mix ou même aussi quand j’ai produit le morceau, il fallait m’entendre demander “je veux plus de 3D sonore, du gauche, du droite” dans tous les sens. J’ai envie presque qu’on ait l’impression qu’il y ait R2D2 en hologramme qui vient te chanter la chanson et qu’en fait presque je suis là et je te chante la chanson. Sur Miel, il y a aussi cette volonté-là, il y a beaucoup de choses qui tournent comme ça. J’adore chanter, il y a littéralement des vidéos de moi enfant où je crie “j’adore chanter”, il y a un truc qui est viscéral dans le fait de chanter. J’utilise aussi beaucoup ma voix comme un instrument ludique, comme une guitare sur laquelle tu peux mettre des pédales. J’adore autant ma voix la plus simple possible avec un peu de réverbe (par exemple je n’arrange pas si je fais une fausse note) mais en même temps j’adore tout autant les voix de robots, j’adore le vocoder, j’adore l’auto-tune, ce sont des choses qui me font kiffer de ouf. J’adore la possibilité de personnages, de raconter une histoire à travers ces voix. Dans Miel, la réalité de cette voix pitchée qui dit “honey honey please” et puis on entend cette voix grave, il y en a une grave et une aiguë mais c’est presque pour que d’un coup tu visualises ces personnes et ces espèces de suppliques. Il y a un truc de casser le quatrième mur, j’aime l’idée de se dire que ça se joue devant toi. Rien que d’en parler, ça m’enthousiasme énormément. (sourire) J’adore l’idée de voir jusqu’à quel point je peux distordre, jusqu’à quel point ça peut devenir intéressant tout en gardant la simplicité, tout en faisant un plot twist. Je pense que c’est aussi la musique que j’aime écouter donc si c’est la musique que je peux faire, tant mieux.

 

C’est intéressant parce qu’à la suite de Soft & Tender, on n’était pas forcément prêt à s’attendre à des touches de vocoder. C’est intéressant comme addition, il y a aussi plus de basses.

Clairement, dans Soft & Tender, il n’y avait pas de rythmique. Il y a une piste de guitare et puis le reste, ce n’est que de la voix. Alors que Miel, il y a de la compo, il y a des drums, il y a de la basse mais c’était presque ce que le morceau demandait. Sur Soft & Tender, ça aurait été hors sujet. En plus, les distorsions, en vrai, j’ai eu beaucoup d’accidents. Soft & Tender, les voix, elles sont arrivées parce qu’à l’époque je ne savais pas très bien jouer de la guitare, je n’étais pas encore très forte en editing sur Ableton — maintenant je suis devenue très très forte donc peut-être que ça n’arriverait plus maintenant — tu sentais le passage du premier refrain au deuxième couplet, tu entendais que je n’arrivais pas à jouer à la guitare et que je n’avais pas du tout bien édité. J’ai tendance à vachement me dire que c’est OK, que j’accepte qu’il y ait des erreurs, je ne vis pas contre. Pour cacher l’erreur quand même, j’ai fait le “piiiooouu“. On aurait dit un feu d’artifice qui tombe et puis j’ai fait “bang fireworks” et ça a ouvert toutes les petites voix à ce moment-là. Pour Miel, c’est la même chose. Le “youuu and me” distordu, ça vient d’une erreur, j’ai essayé de changement le bpm et ça a déformé ma voix. En l’écoutant, je me suis dit “putain c’est du génie j’adore je vais garder ça”. Tout vient d’une erreur. On s’en fait tout un foin de se dire “je suis une femme, je ne suis pas productrice, je ne suis pas machin”. Non, en fait. Même les choses que tu ne sais pas, c’est presque ce qui va créer ton son d’aujourd’hui. La réalité, c’est que j’étais sur Ableton en kiff d’essayer des trucs, j’ai fait des erreurs énormissimes et c’est presque ce qui fait que certaines chansons sonnent comme elles sonnent. You have to embrace it, there is no mistake.

L’album, il part dans quel style après ça ?

Tu sais que c’est difficile. Tous les gens qui l’ont entendu m’ont dit que c’était vraiment un voyage. J’ai l’impression que c’est un album assez logique, qui me représente énormément. Il y a toujours un fil conducteur avec ma voix qui est mise en avant et des voix pitchées. Le fil conducteur ce sera la voix, tout le temps. C’est pas que j’ai souffert mais j’ai beaucoup été dans ce truc où je travaillais pour des gens et d’un coup ils mettaient des tartines d’instrumentales, la voix était sous-mixée et je leur disais “c’est OK mais alors faites des instrumentales dans ce cas-là”. Donc c’est presque comme si je m’étais dit “ben là tu sais quoi, je vais mettre des tartines de ma voix” et en mettre partout autant que je peux. (rires) Je pense qu’il y a vraiment ce truc de la voix et du storytelling, de la nostalgie. En vrai, c’est un album que j’ai fait dans ma chambre donc c’est surtout ça, c’est l’ambiance de la chambre, des cartes postales, des vieux vinyles. La réalité c’est que, sans trop t’en dire, il y a un morceau qui fait comédie musicale, il y a un morceau de dix minutes aussi. J’aime trop mon album. (sourire)

Au niveau des champs lexicaux, ça part dans quelles thématiques ?

On a parlé du pourquoi “November Ultra”. Il y aussi quelque chose que je trouve très drôle dans le clin d’oeil à Nostalgia, Ultra c’est que dans ma tête, si on met ça en surimpression, ça veut dire que November = Nostalgia. Il y a une logique là, la clé de voûte elle est peut-être presque là. Le leitmotiv derrière c’est : j’ai une très très bonne mémoire, je suis très obsessionnelle car je suis un petit scorpion, je suis quelqu’un de très nostalgique, comment j’arrive à vivre dans mon présent et à vivre dans mon futur alors que mon passé pèse si lourd ? Et en même temps, je n’ai pas envie qu’il pèse si lourd, dans un sens. Dans le premier clip, il y a tous ces objets. Ce sont des objets qui représentent tellement de gens que j’aime, tellement de souvenirs, tellement de façons dont j’ai aimé, dont on m’aime, qu’en fait je n’arrive pas à m’en défaire sauf que, à un moment, c’est vrai que ça devient compliqué de te trimballer avec tous ces objets, tous ces sentiments et tous ces souvenirs tout le temps. Donc la manière dont tu arrives à avancer dans ta vie avec ça, je pense que l’album, c’est vraiment beaucoup ça.

La cruelle question du “let it go”.

Oui ! Mais tu vois, il y a quelque chose de très intéressant, quelqu’un m’a dit “on parle beaucoup du lâcher-prise mais il y aussi la différence entre let it go et let it be”. Je trouve que c’est assez intéressant cette idée “est-ce qu’on lâche quelque chose” ou est-ce qu’on accepte que c’est là, que c’est comme ça, qu’on l’accueille et qu’on l’intègre. Lâcher prise, si tu es comme moi, il y a ce truc où c’est trop difficile de se dire “ça, il faut que je le laisse sur le chemin pour avancer”. C’est difficile de clore des chapitres. Dans l’album, une de mes meilleures amies m’a dit — parce que j’ai un truc avec les cercles — il est cyclique ton album. On prenait chaque morceau et c’est vrai qu’il y a un truc de cycle, de recommencement mais qui est en fait assez agréable pour nous car ce sont des choses que l’on connaît, que l’on maîtrise et que l’on contrôle. Cet album a été une espèce de chose assez psychologique au final. Je m’en suis rendu compte à la fin. C’est fou parce que j’avais une idée assez précise de ce que je voulais faire au début. Je me souviens que j’ai dit à Raphaël de Terrenoire “mon album ça va être ça, je veux qu’il y ait ça”. Mais, comme lorsque que tu écris un roman, tes personnages si tu les as assez bien écrits, il y a un moment où les personnages prennent leur propre vie et tu arrives à ton chapitre 30 où tu avais prévu que ton personnage il fasse quelque chose et tu te dis que ton personnage il ne ferait jamais ça. Ça te prend presque par surprise parce que ton personnage il a pris vie alors que c’est toi qui l’as créé. L’album m’a un peu fait des entourloupes comme ça. Je me disais “ce n’est pas ce que j’imaginais, ce n’est pas ce que j’avais prévu” mais j’accueille, et je suis trop heureuse de ce que c’est devenu.

On parle beaucoup du lâcher-prise mais il y a let it go et let it be. Je trouve que c’est assez intéressant cette idée de “est-ce qu’on lâche quelque chose” ou est-ce qu’on accepte que c’est là, que c’est comme ça, qu’on l’accueille et qu’on l’intègre.

Photos : Pauline Darley

C’est un besoin d’être sur les réseaux et de communiquer avec ta communauté ?

Je ne le vois pas comme un besoin de communiquer. Je ne me dis pas “il faut que je communique”. La réalité, c’est que j’ai été blogueuse musicale pendant sept ans. J’ai été blogueuse parce que j’avais un besoin de partager qui est énorme. J’ai beaucoup d’enthousiasme, de passions et de monomanies qui sont très fortes. J’adore les partager et vivre ces obsessions avec quelqu’un d’autre. Par exemple, tu me dis “moi aussi La vie de Ichon je suis ouf malade de cette chanson”, si tu veux moi j’ai fait ce tweet à propos du morceau, d’un coup tu m’en parles et ça veut dire qu’on peut obséder tous les deux, et c’est incroyable. C’est presque ça qui me fait kiffer. J’aborde aussi les réseaux sociaux d’une manière un peu différente d’autres artistes. C’est presque comme une continuation de ce qu’a été mon blog en fait. Je partage les livres que j’ai adorés, j’adore faire des mixtapes. La réalité c’est que j’adore parler de musique, de films, de comédies musicales et j’ai des gens dans ma famille qui sont sur les réseaux sociaux, qui rêvaient d’être des stars comme mon grand-père par exemple — qui en rêve toujours d’ailleurs — donc c’est aussi une manière de le rendre heureux, je le filme et ça fait rire d’autres personnes qui m’envoient des messages et qui me disent “ça m’a fait envoyer un message à mes grand-parents”, c’est gagnant-gagnant. C’est comme une chaîne du love ou du kiff. On a la possibilité de ça. Bien sûr qu’on a la possibilité de la bienveillance, de l’éducation aussi. C’est une chaîne qui nous permet de partager sur des sujets beaucoup plus éducatifs ou des injustices. Ce sont toutes ces choses-là. Quand des gens me disent “Instagram moi ça me fait chier je ne follow que des gens qui me dépriment” mais je dis “meuf, unfollow every fucking one“. Je ne suis que des gens intéressants, qui me font réfléchir sur moi, sur le monde, sur ce que je peux améliorer ou qui me font passer une bonne journée parce que j’ai vu un truc incroyablement bienveillant ou bien j’ai vu un TikTok très drôle ou des artistes qui m’inspirent.

On ressent que tu es genuinely interested to share.

Mais à fond. C’est-à-dire que mes ami·es, iels font vraiment le taf qu’iels peuvent les pauvres, tu vois. Je peux les rendre malade et dans leur tête iels se disent “bon c’est quoi ta nouvelle lubie” sauf que tu sais il est 2 heures du mat et moi je suis dans le trou de l’internet ou à ma 600e vidéo YouTube sur un sujet. À un moment, je me suis dit (c’était ma réalité quand j’étais blogueuse), je vais mettre ça sur internet il y a bien des gens que ça va intéresser et il y a bien des gens qui vont vouloir obséder avec moi et ça va être génial. (rires)

C’est quoi ta définition de “mipmip”, que tu utilises beaucoup dans tes stories ?

C’est quand je suis très excitée, c’est genre une onomatopée qui dit “c’est ouf, je suis trop enthousiaste”. Plein d’amour et plein de kiff.


@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@