On a rencontré Beau Nectar, nouveau duo éco-féministe canadien
"
Auteur·ice : Paul Mougeot
20/02/2023

On a rencontré Beau Nectar, nouveau duo éco-féministe canadien

Même au cœur de l’hiver, les festivals nous réservent toujours de jolies surprises. Et si la saison n’est pas encore ouverte par chez nous, il n’en va pas de même de l’autre côté de l’Atlantique. C’est ainsi qu’on s’est exilé quelques jours à Québec pour y assister au génial festival Le Phoque Off, qui vient tout juste de se terminer. De retour dans l’Hexagone, on s’est empressé de se replonger dans nos petites notes et nos carnets de voyage pour partager avec vous les belles découvertes qu’on y a faites. À commencer par Beau Nectar, duo éco-féministe composé de Marie-Clo et éemi, qu’on a rencontrée après leur passage sur la scène du Grand Théâtre de Québec.

La Vague Parallèle : Hello éemi ! Comment ça va ? 

éemi : Ça va bien, je suis contente d’être à Québec parce que je viens de la Saskatchewan mais ma famille vient d’ici donc c’est toujours le fun de pouvoir visiter la famille et les ami·e·s.

En tant qu’artistes francophones qui ne sommes pas Québécoises, on se sent comme chez nous ici. On n’a pas besoin d’épeler nos noms par exemple (rires). C’est un sentiment un peu particulier, on se sent un peu comme un organ transplant : parfois on fit là et parfois on sent qu’on ne fit pas.

LVP : Justement, vous venez toutes les deux d’horizons géographiques, culturels et musicaux assez différents. Comment est-ce que vous parvenez à concilier vos identités au sein de ce projet ?

é : Notre fil conducteur, c’est qu’on aime beaucoup la nature. On aime toutes les deux camper, être dans la nature, avoir les pieds dans la terre. On s’identifie beaucoup aux plantes, aux animaux, à la Lune, aux océans… C’est vraiment ce qui nous a rassemblées. Nos styles musicaux étaient différents mais avec des points communs, dans le sens où on mettait toutes les deux beaucoup d’emphase sur l’écriture et où on écrivait toutes les deux sur la nature.

Ça a donc été simple pour nous de nous mettre à écrire ensemble, d’autant que Marie-Clo travaille beaucoup les mélodies, tandis que moi j’arrive souvent avec les textes. Ça peut arriver qu’on fasse l’inverse, mais c’est plus la façon dont on se partage le travail, on est assez complémentaire. C’est quelque chose qui se fait assez naturellement.

LVP : Avant Beau Nectar, vous travailliez déjà ensemble sous le nom de Marie-Clo x éemi. Est-ce que vous pouvez nous présenter ce nouveau projet qu’est Beau Nectar et le cheminement qui vous a menées jusque-là ?

é : Beau Nectar, c’est un projet qu’on dit éco-féministe. Ça vient d’un mouvement politique qui associe la réalité des femmes et celle de la nature dans un contexte patriarcal et capitaliste, car il y a beaucoup de similarités entre les deux. On parle de violences faites aux femmes, mais on peut aussi parler de celles exercées contre la nature. On parle de l’exploitation des femmes, mais on peut aussi parler de celle de la nature. On ne veut pas non plus rentrer dans quelque chose de très revendicatif, mais c’est tout de même quelque chose qui nous touche beaucoup, qui entre directement en considération dans nos expériences de femmes.

On se retrouve beaucoup dans ce qu’on apprend sur les plantes également, on s’inspire beaucoup de faits scientifiques. Je vais te donner un exemple concret avec l’histoire de la tulipe. La tulipe, c’est une fleur qui était très populaire, les gens se battaient pour cette fleur, et puis ça a fini par devenir une fleur normale, basique, par la suite. On y a vu un parallèle avec l’évolution des standards de beauté qu’on impose aux femmes, et on a utilisé l’histoire de la tulipe pour parler de notre propre expérience.

LVP : En vous entendant parler sur scène de cette identité éco-féministe, j’ai compris que ça imprégnait votre musique, mais je me demandais également si ça avait une influence sur vos pratiques au sein de l’industrie musicale, sur votre manière de concevoir une tournée ou d’envisager votre manière de vous entourer par exemple ?

é : Oui, absolument. Parce qu’on est éco-féministe, on essaye aussi d’adopter une démarche éco-responsable. On crée des partenariats vertueux avec des acteurs locaux et solidaires pour développer nos projets. C’est quelque chose qu’on faisait déjà individuellement et qu’on fait naturellement dans le cadre de ce nouveau projet.

Par exemple, on ne souhaite pas sortir de vinyle pour éviter de gaspiller des matières premières. Ce sont des décisions qui nous tiennent à cœur.

LVP : Ce sont des sujets qui sont beaucoup revenus dans la programmation du Phoque Off et l’impression qu’on en a de l’extérieur, c’est que les acteurs·ices de la scène musicale québécoise ont beaucoup d’avance sur la manière de les traiter et de les intégrer concrètement dans leur manière de travailler, notamment dans la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes sur scène ou dans la représentation des minorités. Est-ce que tu penses que c’est quelque chose qui a facilité le développement de votre projet ? Est-ce que tu penses qu’il parviendrait à trouver aussi facilement un écho ailleurs ?

é : C’est une excellente question, parce qu’on n’a pas eu l’occasion de se la poser très souvent. Pour le moment, on a surtout reçu des feedbacks sur la partie artistique de notre projet, sur le spectacle qu’on propose, mais moins sur cette partie-là.

On n’a pas forcément eu le sentiment que ça ne pourrait pas marcher en Europe car on se disait que vous avez beaucoup d’avance sur d’autres sujets. Ici, on voit beaucoup de gens avec des gros pick-ups alors qu’ils n’en ont pas forcément besoin, alors qu’en Europe, on voit davantage de petites voitures, de transports communs… Ce sont des choses qu’on n’a pas encore au Canada alors qu’elles sont normales en Europe. On a bien un train qui traverse le Canada mais il est très lent et très cher. Ça se développe lentement, notamment dans l’Est du pays, mais je pense qu’on a encore du retard sur ce sujet.

LVP : Musicalement, le projet dégage quelque chose de très vaporeux et de très planant en studio, tandis qu’il sonne plus percutant sur scène. Quelles sont les influences qui vous inspirent ?

é : Nos inspirations viennent de beaucoup de domaines différents. On peut s’inspirer d’un livre de poésie comme d’un morceau punk dans lequel il y a un élément en particulier qui nous plaît. On a une sorte de playlist qu’on se partage et dans laquelle on explique ce qui nous a inspiré.

Pour faire simple, on aime beaucoup des groupes comme Santigold ou Metronomy, ce sont des groupes qu’on donne comme références à notre réalisateur.

LVP : Vous venez tout juste de dévoiler Soleil des loups, le premier single de ce nouveau projet qu’est Beau Nectar. Qu’est-ce qui vous a conduites à évoluer vers un nouveau projet ?

é : En fait, on n’avait pas vraiment le contrôle sur notre ancien projet. On avait nos projets solos chacune de notre côté et cette collaboration entre nous était supposée être un projet éphémère mais on a rapidement reçu énormément de pressions positives, avec un vrai intérêt autour de ce duo. C’est pour cette raison qu’on a décidé de créer Beau Nectar l’été dernier.

 

LVP : On vous a découvertes lors d’un showcase au Grand Théâtre de Québec dans le cadre du festival Le Phoque Off. Qu’est-ce que ça représente pour vous de vous produire sur ce festival ?

é : C’est toujours intéressant de venir jouer nos chansons au Québec parce qu’on est entouré de gens qui parlent le français comme nous. C’était vraiment cool d’avoir une réaction positive à notre projet, parce qu’on éprouve vraiment une sorte d’insécurité linguistique par rapport à notre projet. On a toujours peur que les gens n’aiment pas notre accent, notre manière de chanter ou d’écrire… Quand on entend des retours positifs, ça nous donne beaucoup de confiance, avec le sentiment qu’on est accepté par la francophonie au Canada.

À cause de cette insécurité linguistique, on a tendance à forcer notre écriture, alors qu’on adore ces images, ces mots, ces connexions qui viennent à nous naturellement. Si quelque chose nous vient en anglais, on l’écrit en anglais et si ça nous vient en français, on l’écrit en français. On ne fait jamais de traduction littérale, mais on va plutôt s’attacher à aller chercher l’émotion de chaque mot, chaque expression, chaque phrase.

LVP : À quoi est-ce qu’on peut s’attendre pour cette nouvelle année ?

é : On a un album qu’on espère sortir au printemps et puis on est en train de planifier une tournée en Saskatchewan, dans l’Ouest et dans l’Est, donc restez à l’affût (rires).

LVP : Pour finir, est-ce que tu peux partager avec nous un coup de cœur artistique récent ?

é : Je viens de lire La fille d’elle-même de Gabrielle Boulianne-Tremblay, c’est l’histoire d’une femme transgenre, de son enfance, de son adolescence, la manière dont elle vivait sa féminité… C’est vraiment un bon livre.

@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@