On a rencontré Debby Friday, la star ornée de cuirs et de velours
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Auteur·ice : Charline Gillis
12/12/2023

On a rencontré Debby Friday, la star ornée de cuirs et de velours

I Photos : Mélissa Fauve pour La Vague Parallèle

Déesse sur scène, poète dans ses textes et libre dans ses compositions, Debby Friday se nourrit de paillettes et de strass pour nous emmener avec elle dans son royaume où le pouvoir féminin triomphe. Elle est la reine et elle nous fait danser du haut de son trône.

Star incontestée de la scène canadienne, Debby Friday est une musicienne, interprète, poète et réalisatrice mélangeant à sa sauce plusieurs styles tels que la post-punk, cyber-punk, l’électro, la new-wave. En seulement cinq ans elle a sorti trois albums emblématiques reflétant différentes phases de sa vie. C’est le genre d’artiste qui met son âme dans ses projets, son dernier album Good Luck en témoigne, c’est une œuvre sensible remplie de sonorités futuristes amenant un peu de fraîcheur dans nos playlists vétustes. Quelques heures avant son passage sur la scène du Fifty Lab Festival, elle nous a accordé une interview inouïe. Ne faisant que confirmer ce qu’on pensait déjà, Debby Friday est une icône.

LVP : Salut ! Merci de nous accorder cette interview !

Debby Friday : Avec plaisir !

LVP : J’ai lu quelque part que tu avais commencé à produire de la musique dans un sous-sol. Et ton premier album, Bitch Punk, dans ta chambre. C’est vrai ?

Debby Friday : Oui tout à fait, j’ai commencé à faire de la musique à Montréal dans le sous-sol de chez ma mère. J’étais en dépression à l’époque. Avant ça, j’étais une DJ donc j’avais déjà un rapport à la musique électronique et à sa communauté et j’étais très active sur Soundcloud, mais je ne voulais plus être DJ et je voulais essayer de créer ma propre musique. J’ai appris toute seule avec des tutos sur Youtube. J’ai produit Bitch Punk dans ma chambre, toute seule, j’enregistrais mes sons quand ma mère et ma sœur partaient pendant la journée.

LVP : Bitch punk, ton premier EP sorti en 2018, était une affirmation du pouvoir féminin avec un mix entre des sonorités industrielles et du punk électronique. Début 2023, tu as sorti Good Luck, ton troisième EP. Tu as l’air plus confiante mais aussi plus vulnérable, quel chemin as-tu parcouru depuis lors ?

Debby Friday : Un très long chemin ! Je vois Good Luck comme la combinaison d’une phase de trois projets, avec Bitch Punk et Death Drive qui représentent aussi différentes périodes de ma vie. Bitch Punk était très agressif et plein de colère et même si j’ai ces émotions en moi, avec Good Luck je voulais montrer que je pouvais aussi être douce et gentille. Je voulais vraiment créer un projet holistique, j’ai parcouru un long chemin personnel/mental, je n’ai plus les mêmes problèmes dans ma vie maintenant comparé à avant et donc je voulais refléter ça dans mon album.

LVP : Comme tu l’as dit, c’est un album très personnel. Certains morceaux comme So hard to tell sont remplis d’émotions. Quel était ton processus d’écriture ?

 Debby Friday : J’ai écrit l’album pendant la pandémie et j’étais très isolée. J’étais seule donc j’écrivais tous les jours car je savais que je voulais faire un album. J’ai un petit set-up studio à la maison et c’est là où je passais tout mon temps.

 LVP : Ce morceau So hard to tell est un morceau où tu chantes beaucoup. Est-ce que tu as toujours chanté ou est-ce que c’est quelque chose que tu as appris ?

Debby Friday : Quand j’étais très jeune j’allais à l’Église avec ma famille et je chantais dans la chorale parfois. Mais ce n’était rien de sérieux. Mais j’ai voulu apprendre à utiliser ma voix de cette façon parce que je ne chante jamais de manière très aigüe. Utiliser mes cordes vocales gauches, c’était quelque chose de totalement nouveau. Donc oui, je me suis remise au chant récemment.

LVP : Tu es théoricienne du son, performeuse, poète et réalisatrice. Avec autant de talents, je suis intriguée de savoir comment tu crées ta musique. Qu’est-ce qui te vient en premier ? Des mots, des sons, des images ?

 Debby Friday : Bonne question. C’est difficile de séparer tout ça. Je pars toujours d’un sentiment. Je me demande : comment je me sens maintenant ? Qu’est-ce que j’ai envie d’exprimer ? Ensuite je pars de ça et je m’assois devant mon ordinateur. Généralement je commence avec la batterie, et j’essaye de trouver une batterie qui me fait ressentir le sentiment que je veux exprimer.  Et puis je construis un squelette du rythme, je commence à écrire, et je continue à construire l’instrumental. Voilà comment je procède.

LVP : Tu as accompagné l’album d’un court-métrage, appelé Good Luck : The Movie, réalisé par toi également. D’où t’est venue cette idée ?

Debby Friday : J’ai écrit le court-métrage en même temps que l’album car je voulais faire quelque chose qui était parallèle à l’album et je savais que j’allais utiliser la musique de l’album pour le film, donc je devais faire les deux en même temps. Tant l’album que le film s’inspirent de ma vie et de mes expériences. Dans le film, on voit des filles qui vont dans une école catholique où elles doivent porter un uniforme. Moi aussi, j’ai été dans une école comme ça. Puis il y a toute une partie qui parle de la grande place qu’a eue la fête dans ma vie. Je voulais raconter une histoire à laquelle les gens pouvaient s’identifier, une histoire d’une adolescente qui est confrontée à elle-même et à la part sombre à l’intérieur d’elle-même, ce que tout le monde a déjà traversé. Le personnage du petit ami représente cette part d’ombre, il est gentil mais il porte un masque donc cela fait référence à la part en nous qui est cachée et difficile à trouver. Cela m’a pris du temps à mettre en place, on a seulement commencé à filmer l’année passée avec Nathan De Paz en tant que co-directeur et c’était incroyable. On a tous·tes adoré le produire et on est très content·es du résultat.

LVP : Merci, c’est super intéressant de connaitre le processus de création ! Ta musique est remplie de références, est-ce que tu fais des recherches avant de composer ou est-ce que c’est plutôt intuitif ?

Debby Friday : Ma relation avec la musique est très instinctive. Je ne savais même pas que je voulais être musicienne jusqu’à ce que je crée Bitch Punk. J’ai commencé en tant qu’écrivaine, quand j’étais jeune, c’est ce que je faisais, je voulais devenir écrivaine. Peut-être qu’un jour je le deviendrai (rires). Mais la musique est venue à moi de manière très naturelle. J’ai toujours écouté beaucoup de musique et quand j’allais danser en boite c’était important pour moi qu’il y ait de la bonne musique, de la musique qui me faisait ressentir des choses et me donne envie de danser. Donc quand j’ai commencé à faire de la musique, tout m’est venu de manière très spontanée. Comme si c’était mon destin en quelque sorte, et j’ai suivi mon instinct.

LVP : Comme tu l’as mentionné, avant de composer ta propre musique tu étais DJ, et aujourd’hui il y a encore beaucoup d’inspirations dans ta musique. Quelle est ta relation à la musique électronique ?

Debby Friday : Je resterai toujours accrochée à la musique électronique. Pour moi, je la vois comme une musique mondiale, c’est le seul genre musical qui, n’importe où dans le monde, peut parler à des gens. C’est aussi le genre de musique que n’importe qui peut faire n’importe où. Ce n’est pas associé à une culture particulière, il suffit d’avoir un ordinateur et une connexion internet. C’est cet aspect-là que j’aime beaucoup et qui me parle. Je vois une nouvelle façon de former des identités dans le monde, comme moi par exemple. Je suis née au Niger mais j’ai grandi au Canada, j’ai parcouru le monde et vu tellement de choses. Mon identité s’est formée comme ça, de manière hybride, et pour moi la musique électronique a une énergie hybride dans laquelle tout le monde peut trouver quelque chose en laquelle s’identifier.

LVP : J’aimerais aussi parler de ta présence sur scène qui est hypnotisante. Est-ce que c’est naturel pour toi ou tu t’es entrainée ?

Debby Friday: All natural, baby ! Je me rappelle la première fois que je suis montée sur scène. Je n’arrivais pas à croire que c’était moi quand je voyais les vidéos du concert. J’adore ça, je performerai jusqu’à la fin, jusqu’à ce que je n’arrive plus à le faire.

LVP : Et tu es excitée de jouer ce soir pour le Fifty Lab Festival ?

Debby Friday : Oui j’ai hâte ! C’est le dernier concert de la tournée.

LVP : Comment s’est passée la tournée ?

Debby Friday : C’était une chouette tournée, on a été dans le Nord pour la première fois. On a joué à Oslo, Copenhague et à Stockholm. C’était génial, le public était très réceptif. On a aussi fait quelques festivals où l’énergie est toujours différente. J’ai rencontré des fans, je vois de plus en plus de gens qui connaissent mes chansons pendant les concerts, et je vois vraiment l’impact que l’album a eu, et ça me rend super heureuse.

LVP : Et ma dernière question, c’est quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui commence dans la musique ?

Debby Friday : Apprends à produire, ça c’est mon conseil numéro un. Si tu sais produire, tu as le contrôle sur ta musique, sur ta voix et tu peux te définir plus facilement artistiquement. Voilà, ce serait ça mon conseil.

LVP : Merci beaucoup pour cette interview et bon concert ce soir ! 

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