On a rencontré Talk Show, le groupe le plus brûlant de Londres
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Auteur·ice : Chloé Merckx
19/04/2024

On a rencontré Talk Show, le groupe le plus brûlant de Londres

| Photos par Chloé Merckx pour La Vague Parallèle

Amateur·ices de sensations fortes, si la tornade Talk Show n’a pas encore fait connaissance avec vos oreilles, il est grand temps d’y remédier. Nous vous avions présenté leur premier album Effigy, sorti en février dernier, et depuis, il ne nous a pas lâché·es ! À l’intersection entre rock et électro, adrénaline et anxiété, le groupe a mis un point d’honneur à créer un univers sonore bétonné qui prend tout son sens lors des performances live. Quelques heures avant d’enflammer le Witloof Bar du Botanique, nous avons échangé quelques mots avec leur énigmatique frontman Harrison Swann. Bien moins intimidant en face-à-face que sur une scène, il nous a raconté la naissance de ce premier album, leur collaboration avec Remi Kabaka Jr. et l’influence de la ville sur leur son. 

Talk show

La Vague Parallèle : Salut, comment vas-tu ?

Harrison Swann : Ça va bien, merci !

LVP : As-tu hâte de jouer ce soir ?

Harrison : Oui j’ai vraiment hâte, c’est notre première fois en Belgique, c’est la première fois que je viens à Bruxelles. Et puis de faire le soundcheck, de découvrir la salle avec la scène ronde au milieu, on est très excités, ça va être vraiment fun !

LVP : Quelles chansons préfères-tu jouer live en ce moment ?

Harrison : Sans hésiter Catalonia, du dernier album. Gold, Leather de notre EP donnent toujours très bien en live, et Oh! You’re! All! Mine! est quelque chose que j’aime beaucoup jouer live.

LVP : Effigy est sorti en février dernier, ça vous a fait quel effet de sortir ce premier album ?

Harrison : C’est très étrange ! Je suis très fier de ce qu’on a fait, il y a beaucoup de travail dans cet album, je sais que tous les groupes le disent mais c’est vrai, cela demande beaucoup d’efforts. Je suis heureux d’avoir quelque chose à partager avec le monde et je suis fier de ce qu’on a créé.

LVP : Quel a été le point de départ dans la création de l’album ?

Harrison : C’était juste après qu’on ait fini le dernier EP. On est sorti·es du studio et on a commencé à écrire tout de suite. La première chanson qu’on a écrite c’était Gold, que j’aime beaucoup. J’adore la jouer live, et quand on a eu fini de l’écrire, on s’est dit qu’on tenait quelque chose, qu’on avait une ligne directrice.

LVP : On se demandait justement comment était née la direction artistique que vous avez prise avec ce projet ?

Harrison : Beaucoup de choses ont changé après le covid. Après le dernier EP, on a commencé à se diriger vers le style qu’on a maintenant. On voulait plus d’influences dance, on voulait jouer avec les frontières entre le hard-rock, le punk, la dance, la trip-hop – on visait quelque chose entre tout ça. C’est après avoir écrit Gold que tout a pris un sens.

LVP : Gold c’est aussi la première chanson sur l’album.

Harrison : Oui, parce que c’est une chanson qui représentait bien la direction vers laquelle on voulait aller et on avait envie que l’album débute avec ce “Bang !”. On ne voulait pas quelque chose de lent, il fallait que ça explose d’emblée. Après graduellement, on suscite l’intérêt vers nos trucs bizarres (rires).

LVP : Remi Kabaka Jr. de Gorillaz a travaillé à la production de votre album. C’était comment de pouvoir faire de la musique avec quelqu’un comme lui ? 

Harrison : Il est génial ! Il est de loin un des mecs les plus drôles que j’aie jamais rencontré, et je pense que ça se sent dans l’album, parce que c’était fun, on a adoré ces deux semaines passées avec lui dans le studio. C’était très spécial. Le niveau de détail que Remi avait a donné à cet album un nouveau souffle de vie, et l’album ne serait pas ce qu’il est s’il n’avait pas été là. Il a eu un impact énorme, il nous a fait jouer ensemble d’une manière que nous n’avions jamais imaginée auparavant. On a pu se concentrer sur ce que chaque personne apportait, sur ce pourquoi on faisait tel ou tel choix.

LVP : Si tu devais retenir un conseil qu’il t’a donné, ce serait quoi ? 

Harrison : Il m’a énormément aidé avec ma voix. Pendant une période, je pense que je criais beaucoup et que ça tuait ma voix. Je ne savais pas vraiment où aller, ou quoi explorer. J’écoutais beaucoup de chanteur·ses différent·es et des rappeur·ses comme Tricky, avec une atmosphère très intime, presque claustrophobe. C’est très intense mais il n’y a pas de cris. Et Remi a pointé ça du doigt, il m’a dit que ça ne servait à rien de crier dans une tempête. Et c’est vrai, avec le groupe on crée déjà beaucoup de bruit donc moi je ne dois pas en faire trop. J’aime bien l’idée que c’est juste en face de toi, ça ajoute de l’intensité, surtout quand tout est un peu sauvage. C’est bien d’avoir une voix plus calme, un texte presque murmuré.

LVP : Oui, tout le long de l’album, on ressent cette intensité qui est accentuée par le ton de ta voix. 

Harrison : On recherchait cette intensité, on voulait que les personnes qui écoutent aient des questionnements, et que la chanson ne soit pas forcément prévisible. C’était vraiment fun de jouer avec ma voix. J’ai eu l’impression de pouvoir exprimer beaucoup plus de choses. Je pense qu’avec notre thème, la voix se devait d’être comme une colonne vertébrale. Il fallait une ligne directrice plus ou moins consistante même si cela part dans plusieurs sens différents. La plupart du temps, c’est plutôt la batterie qui tient ce rôle, et d’ailleurs, Chloé a fait un job génial parce qu’elle donne le ton tout le long de l’album.

Talk Show

LVP : Cet album est vraiment immersif et cinématographique. Est-ce qu’il y a des films qui vous ont inspiré·es pendant l’écriture ?

Harrison : Oui beaucoup ! J’ai regardé Fallen Angels (Wong Kar-Wai), un film vraiment incroyable, et je ne m’en suis rendu compte que plus tard mais une bonne partie de la musique est de Massive Attack, qui est une référence pour cet album. Tout était saturé de vert et vraiment sombre en même temps, comme un monde claustrophobe où l’on ressent une intensité très forte. Je peux aussi citer Enter The Void de Gaspar Noé qui avait aussi un style très travaillé, on sent qu’on pénètre dans un monde et c’est un sentiment que je voulais que notre album procure.

Une autre référence que j’ai, c’est la première scène de Blade, un film de super-héros des années 90, où l’on voit une femme qui attire un homme depuis un entrepôt, il y a comme un abattoir avec des bouchers et ils arrivent dans un énorme nightclub et tout est bizarre. Et puis du sang commence à couler des arroseurs automatiques et le gars se rend compte qu’il est le seul humain dans une pièce remplie de vampires et on essaye de le tuer. Donc je me suis demandé : “si j’étais dans ce club, quel genre de musique j’entendrais, et si je jouais ce soir-là, quel genre de musique je jouerais ?”.

LVP : C’est vraiment l’impression qu’on a en écoutant l’album, ça pourrait être une bande originale de film ! 

Harrison : C’est super, c’était vraiment notre intention ! Dans ce que George et moi on s’envoyait pendant l’écriture, il y avait beaucoup de musiques de films, et 9 fois sur 10 c’était composé par Trent Reznor de Nine Inch Nails. Nine Inch Nails aussi était une grosse influence pour cet album, donc trouver des bandes originales de Trent Reznor était super chouette.

LVP : Avec Gold on a un peu l’impression d’arriver dans un club, et quand on arrive à Catalonia c’est un peu le climax de la soirée. 

Harrison : Oui ! Et Catalonia est vraiment une chanson pour laquelle on a été très spécifiques avec le “où sommes-nous, qu’est-ce qu’on fait et où va-t-on ?“. On avait écrit la chanson une première fois et on l’a pratiquement ré-écrite à nouveau. Elle est censée donner l’impression qu’on attend en dehors de la soirée, quand tout ce qu’on entend ce sont les basses, et puis on entre et ça s’estompe, ça disparait au fur et à mesure qu’on continue à avancer. Ma voix est mixée d’une façon particulière pour qu’on ait l’impression que je suis dans la tête de la personne qui écoute ou juste à côté, qu’on entend comme un truc bizarre. Catalonia était la plus amusante à créer en studio parce que nous avons vraiment poussé la chose à fond et exploré tout ce dont nous avions parlé. On voulait une chanson qui donne l’impression qu’on traverse ce genre d’endroit.

J’aime le fait que nous terminions l’album sur ça. C’est comme si cela s’efface et dans les dernières paroles de l’album, je dis : “and we are alone, we are alone, we are alone” et ça commence juste à se dénouer lentement et à disparaître dans la nuit, un peu comme quand vous quittez une boîte de nuit très tard dans la nuit, qu’il fait vraiment froid, que vous commencez à voir la brume dans les rues et que vous attendez le bus. C’est juste censé donner cette impression-là. Je suis content si les gens peuvent voir ça et le ressentir en écoutant l’album.

LVP : Sur cet album, vous avez créé une identité sonore et visuelle qui vous est propre. Si tu devais choisir trois mots pour décrire ton style ce serait quoi ? 

Harrison : Énergétique, intense et… émotif ? Je veux que ça fasse l’effet d’un spectacle. Quand les gens viennent à un gig de Talk Show, j’ai envie qu’iels se disent qu’on a vraiment fait un effort dans la performance, j’ai envie que les gens soient face à un show ! Et il n’y a rien de plus cool que de voir les gens quitter notre concert complètement épuisés d’avoir dansé et chanté.

LVP : Effigy c’est en quelque sorte un hommage au monde de la nuit ? 

Harrison : Oui c’est un tribute au monde de la nuit, j’avais un peu l’impression que la dance music ou les références au monde de la nuit des groupes rock étaient fort empreints de drogue, d’ecstasy, d’échappatoire, et c’est cool, mais j’avais envie de le représenter d’une autre manière. Ce qu’on fait ce n’est pas vraiment de la dance, ce n’est pas vraiment du rock non plus. On est quelque part entre les deux, et c’est notre interprétation de ces deux styles. On a essayé de créer un monde, un décor, une atmosphère.

LVP : Est-ce que tu te sens connecté à la club culture londonienne et est-ce qu’elle a influencé votre musique d’une certaine façon ? 

Harrison : Oui et non, quand j’étais encore à Manchester, parce que je viens de là, j’allais énormément en soirée, et quand j’ai déménagé à Londres, j’allais dans les clubs beaucoup plus que maintenant, en partie parce que maintenant je suis dans un groupe et que je n’ai plus le temps (rires). Je ne suis pas assez informé pour faire un commentaire sur la scène londonienne, je suis juste quelqu’un qui écoute beaucoup de genres différents et qui essaye de faire un show, si ça fait sens ? Mais je pense que le fait de vivre à Londres depuis dix ans a eu une énorme influence sur ce qu’on fait. Notre musique a ce côté citadin : ça grouille, c’est bruyant, on a l’impression que ça sort d’une cave au milieu de la ville, c’est sombre et sordide, et c’est ça qui nous a le plus influencé·es. Parce qu’il en ressort une certaine frustration, que tu ne peux pas connaitre si tu es à la campagne (rires), il n’y a pas le même niveau d’anxiété. Et c’était vraiment fun de mettre ça dans l’album.

LVP : On a un peu l’impression qu’on voit de plus en plus ce mélange de styles, surtout dans la scène anglaise. Est-ce que pour toi c’est ça le futur de la musique ? 

Harrison : Bonne question (rires). Probablement, je pense qu’il y a énormément de nouvelles choses qui sortent, et je déteste quand de vieux mecs dans la soixantaine te lâchent “la musique c’est plus comme avant” ou des choses comme ça. J’ai envie de répondre “mec, avant tu savais acheter une maison” et ça aussi c’est plus pareil (rires). Mais je trouve que la musique qui sort en ce moment est vraiment excitante, et je pense qu’internet joue un rôle important là-dedans parce que maintenant tu as accès plus facilement à une énorme quantité d’informations. On tient la culture au bout des doigts et dans nos poches. Je pense que cela va créer des musicien·nes qui vont dans beaucoup de directions différentes et cela ne peut qu’être une bonne chose ! Je pense qu’on est beaucoup plus au courant de ce qu’il se passe autour de nous. Ça m’énerve ces vieux qui étaient dans un groupe dans les seventies qui disent “oh non ce solo de guitare ne sera jamais aussi bien qu’à mon époque” en fumant une clope (rires). Je pense qu’on est dans une période intéressante, et quand tu vis dans une ville, il y a des millions de choses autour de toi, et quand tu es une personne créative, plus il y a des choses qui viennent à toi, plus il y a des choses qui sortent de toi.

LVP : On a encore une dernière question : maintenant que cet album est sorti, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour le futur ? 

Harrison : On fait beaucoup de festivals donc c’est très excitant. On a joué dans beaucoup de festivals ces dernières années, mais cette année on a l’impression que ce sera plus grand.

LVP : Vous venez en Belgique aussi ? 

Harrison : Oui mais je ne peux pas encore les annoncer (rires), à part que je peux déjà dire qu’on jouera à Dour ! Je ne vais pas essayer de le prononcer en français (rires) mais en voyant le line-up on s’est dit que ça allait être énorme. À part ça, on veut essayer d’emmener Talk Show aussi loin que possible, je ne fais pas partie des gens qui disent “oh non, je ne veux pas devenir plus gros“, je veux devenir le plus gros groupe du monde (rires) ! Je veux qu’on joue dans le plus de pays possible, dans le plus de salles possible, parce que c’est juste vraiment fun !

LVP : C’est le rêve ! 

Harrison : C’est vraiment le rêve, vous m’avez demandé plus tôt ce que cela faisait d’avoir un album sorti, j’en rêve depuis que j’ai treize ans. Je me souviens avoir écouté des CD dans la voiture de ma mère et être en transe avec la musique. Je me suis vraiment dit : “il faut que j’essaye jusqu’à ce que j’y arrive” et c’est dingue, c’est génial de pouvoir montrer cet album à ma mère et qu’elle me réponde “c’est cool !

LVP : “I’ve made it !”

Harrison : Oui c’est ça ! C’est génial. Et à part ça j’espère devenir millionnaire d’ici la fin de la semaine (rires) !

LVP : On te le souhaite ! Merci beaucoup pour cette interview !

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