On a rencontré Thibaut Weiss, directeur de la Fête de l’Humanité
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Auteur·ice : Paul Mougeot
08/09/2022

On a rencontré Thibaut Weiss, directeur de la Fête de l’Humanité

Après une période forcément délicate marquée par deux éditions particulières, la Fête de l’Humanité fait (enfin) son grand retour ce vendredi dans son format traditionnel. Nouveau lieu, programmation alléchante et plaisir de se retrouver : on a parlé avec Thibaut Weiss, directeur de la Fête de l’Humanité, de cet événement incontournable des rentrées politiques, musicales et littéraires.

La Vague Parallèle : Hello Thibaut ! On se retrouve à quelques jours de la nouvelle édition de la Fête de l’Humanité. Comment avancent les préparatifs ?

Thibaut Weiss : Globalement, tout se passe bien. C’est dur parce que c’est une première, sur un site qu’on ne connaît pas, sur un territoire qu’on ne connaît pas encore… C’est un sacré défi mais ça s’annonce bien !

LVP : La Fête de l’Humanité est parvenue à exister avec brio pendant la crise sanitaire en se délocalisant dans différents lieux en 2020 puis en réduisant sa jauge en 2021. Quels ont été pour vous les plus gros défis à relever pendant cette période ?

TW : Ces deux années ont été de véritables montagnes russes pour nous, comme pour tous les organisateurs d’évènements. On a passé une première année dans l’incertitude la plus totale, en attendant de voir si les choses allaient se décanter, mais on a vite senti qu’il nous serait impossible d’organiser notre événement comme on le faisait habituellement. On a donc réfléchi à une solution pour le faire exister tout de même. Comme on n’est pas seulement un festival et qu’on est également un marqueur de la rentrée sociale et politique, il fallait absolument qu’on porte un message fort, on ne pouvait pas ne rien faire.

 

La Fête de l’Humanité, c’est aussi une tribune importante pour faire parler et débattre celles et ceux qui souhaitent construire une autre société plus juste, plus solidaire, plus écologique… C’était crucial pour nous de perpétuer cet imaginaire collectif qui est cher aux militant·e·s et aux spectateurs·ices de la Fête de l’Humanité.

La solution qu’on a donc trouvée, en 2020, c’était de multiplier les petits événements dans des lieux différents, pour en faire profiter le plus grand nombre. On a eu des retombées assez chouettes mais ce n’est pas ce qu’on avait envie de faire, bien sûr. Ce n’est pas forcément quelque chose qu’on a très bien vécu, d’ailleurs. La deuxième année, on était toujours dans le flou mais on sentait qu’il y avait une possibilité pour qu’on puisse organiser quelque chose. On a écrit un certain nombre de scenarii pendant un an et quand il a été annoncé que les restrictions seraient levées pour la fin de l’été, on a foncé. On a eu la chance de pouvoir organiser un événement, avec une jauge restreinte à 40 000 personnes par jour et beaucoup de contraintes qui nous étaient imposées. Rien n’était prêt évidemment, donc on a dû imaginer un événement en deux semaines… Autant te dire que personne n’y croyait ! Mais le jour J, il y avait quelque chose d’un peu magique dans l’air, ça faisait deux ans que les gens n’avaient pas pu se retrouver. Quand on a vu les gens arriver, sourire, s’embrasser, danser… On s’est souvenu que cette vie-là existait toujours, c’était magnifique. À ce jour, je crois que ça reste mon plus beau souvenir, ma plus belle fête.

LVP : La grande nouveauté de cette édition, c’est bien sûr le changement de lieu quasiment historique de l’événement. Est-ce que tu peux revenir pour nous sur ce déménagement ? Comment est-ce que vous vous êtes approprié ce nouveau lieu ?

TW : Ça fait à peu près trois ans qu’on sait qu’on doit déménager, donc dès qu’on l’a su, on s’est tout de suite mis à la recherche d’un nouveau lieu pour l’événement. Il nous a fallu un petit moment d’acceptation parce que ça faisait 50 ans qu’on était à La Courneuve… Les sites qui peuvent accueillir un tel événement sont assez rares, on en a visité une vingtaine environ, des hippodromes, des bois, des parcs, des aérodromes…

L’avantage de la Base 217, qui se situe au Plessis-Pâté, c’est que c’est un site immense, plus grand encore que celui de La Courneuve. Il y avait une vraie volonté politique du territoire de nous accueillir, la communauté d’agglomérations nous a ouvert grands les bras et s’est donné les moyens de nous accompagner. Le point noir, c’était l’accessibilité du site, mais on travaillé pendant un an pour apporter des solutions avec un plan de transports adapté : des navettes, davantage de RER et de trains… Après ça, ça a été une année de préparations pour qu’on puisse accueillir le public dans les meilleures conditions et je crois que là, on est pas mal.

LVP : Justement, quels seront les temps forts de cette édition 2022 ?

TW : En ce qui concerne la programmation musicale, on a un vendredi soir assez dynamique et festif avec Kungs, Laylow ou encore L’Impératrice, une nouvelle génération d’artistes qui vont toucher un public plus jeune que sur les autres soirs. Le samedi, on bascule sur quelque chose de différent avec Sniper ou Selah Sue, et on conclut le dimanche par une programmation plus familiale et plus calme, avec Dutronc & Dutronc notamment.

 

On a également une grosse programmation cinéma avec plusieurs avant-premières, notamment un documentaire sur Elsa Triolet qui sortira prochainement sur France Télévisions et qui est une vraie réussite. Il y aura aussi des grands temps forts politiques avec le rassemblement inédit de toutes les forces de gauche, ce qui est une première. Il y aura énormément à voir et à faire, ça promet une belle Fête !

LVP : Cette année, l’accent est également mis sur les musiques électroniques avec une programmation riche, variée et qui s’étend jusqu’au bout de la nuit. Comment est-ce que cette programmation va trouver sa place sur la Fête ?

TW : C’est une réflexion qu’on a entamée en 2017. Jusque là, la Fête se terminait à peu près à une heure du matin et on s’est dit qu’il fallait avoir une proposition pour celles et ceux qui avaient envie de continuer à faire la fête. En 2017, donc, on a décidé de proposer quelque chose à ce public et on a créé une scène dédiée, animée par des collectifs parisiens sur la soirée. Ça a super bien marché donc l’année d’après on s’est dit qu’on allait étoffer cette programmation et… ça a été un carnage (rires). On n’avait pas mesuré l’ampleur que ça pouvait prendre, on manquait de place et ça a été assez douloureux parce qu’on a dû annuler tellement il y avait de monde.

Désormais, c’est la scène Joséphine Baker qui se transforme à partir de minuit, avec une première soirée plutôt house avec Kiddy Smile et Pardonnez-nous notamment, et une soirée plutôt techno le lendemain avec Sama’ Abdulhadi ou encore Manu le Malin. Ça attire un nouveau public sur la Fête et c’est un vrai bonheur pour nous de valoriser les musiques électroniques sur la Fête.

 

LVP : Dans une période de crispation politique, comment préserver l’identité du festival et faire cohabiter sa dimension politique et sa dimension festival sans brusquer le public ?

TW : C’est une bonne question. Je crois que ce qu’on veut assumer avant tout, c’est l’image d’un événement populaire. C’est ce qui est le plus important pour nous. On a bien sûr une dimension politique qui est très forte, mais notre programmation ne se limite pas à ça. On a toujours à cœur de parler à différents types de populations. Si tu regardes notre programmation musicale par exemple, on n’a pas une ligne directrice qui se limite à une esthétique particulière, on est au contraire sur quelque chose de très éclectique qui va pouvoir plaire à des publics différents. Ça, on essaye également de le faire avec notre programmation cinéma, spectacles, projections… On a cette volonté de créer une expérience propre à la Fête de l’Humanité.

Je crois aussi que les gens viennent tous pour des raisons différentes à la Fête de l’Humanité. Certain·es viennent seulement voir des concerts, d’autres viennent débattre ou pour voir leurs potes… Chacun·e peut y trouver son compte et notre objectif, c’est que tout le monde fasse des découvertes et vive une expérience qu’iel n’était pas forcément venu·e chercher.

LVP : Qu’est-ce qu’on retrouve dans les écouteurs du directeur de l’événement ?

TW : Ce que j’écoute, là ? Je t’avoue qu’en ce moment, je n’écoute rien du tout (rires) ! Ces dernières semaines, je ne trouve pas vraiment le temps… Quand je rentre chez moi, j’écoute de la musique classique, surtout. Dans mes écouteurs, en ce moment, j’ai surtout des questions et des sollicitations (rires) !

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